Tout le monde pensait que la signature du contrat de performance Etat-SNCF Réseau avait été mise de côté et reportée à l'après-présidentielle. Selon nos informations, ce contrat a en fait été signé en toute discrétion le 6 avril, soit tout juste quelques jours avant l'élection présidentielle.
Ce contrat avait pourtant été critiqué de toutes parts pour son manque d'ambition. Il prévoit en effet un effort en faveur de la régénération du réseau ferré de 2,8 milliards d'euros annuels. Un montant jugé insuffisant par des politiques de tous bords et des experts. Il faudrait, estiment-ils, au minimum un milliard d'euros de plus chaque année. D'où le qualificatif de « contrat d'assainissement financier », utilisé par Bernard Roman, le président de l'Autorité de régulation des transports (ART), qui s'en est expliqué devant les sénateurs : « On demande à SNCF Réseau d'arriver à un « cash flow » positif en 2024. Il y a de grandes ambitions affichées, mais pas les moyens pour y arriver pendant les dix ans que couvrira ce contrat. La logique financière a prévalu sans accompagnement industriel ».
Réagissant à cette analyse, la commission sénatoriale, qui avait auditionné Bernard Roman le 16 février, avait indiqué faire « siennes les réserves de l'ART » et invité « le gouvernement et SNCF Réseau à revoir ce projet de contrat dans les meilleurs délais avant sa transmission au Parlement ». Pour le président de la commission, « ce projet fait l'unanimité contre lui. Le contrat de performance est un document stratégique pour l'avenir du système ferroviaire. Une révision s'impose pour tenir compte de l'avis de l'ART ».
Le gouvernement n'en a pas tenu compte. La situation est d'autant plus préoccupante que depuis l'élaboration du contrat, la guerre en Ukraine et l'inflation galopante changent le contexte. SNCF Réseau sait déjà que les travaux programmés coûteront
plus chers. Il devra donc faire moins pour tenir dans la même enveloppe. Inquiétant quand on connaît l'état du réseau, qui affiche une moyenne d'âge d'une trentaine d'années (contre 15 ans en Allemagne). Et pas cohérent avec les objectifs affichés de lutte contre le changement climatique qui devraient inciter à investir massivement dans les transports publics. « Les objectifs ne pourront pas être tenus », commente Jean Lenoir, le vice-président de la Fnaut. « C'est une douche froide. C'est très inquiétant pour le report modal et le climat », ajoute de son côté Valentin Desfontaines, le responsable Mobilités durables au Réseau Action Climat (RAC).
« Il n'y a pas d'avenant au contrat pour tenir compte de la hausse des prix », note un observateur. Avant d'ajouter : « Attendons le nouveau gouvernement, après les législatives, pour voir si le tir peut être rectifié ».
Marie Hélène Poingt