01/04/2023 francesoir.fr  13 min #226437

« Expliquer la levée de l'obligation vaccinale est un exercice délicat, qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore » , Jean-Louis, collectif « Les Essentiels »

Gilles Gianni, France-Soir

Jean-Louis est le fondateur du collectif "Les Essentiels".

F. Froger / Z9, pour France-Soir

ENTRETIEN - Jean-Louis est photographe. En octobre 2021, il fonde le collectif  Les Essentiels, afin de venir en aide aux soignants et aux autres catégories de personnels qui ont refusé de se soumettre à l'obligation vaccinale contre la Covid-19. Suspendus en conséquence, parfois dès septembre 2021, privés de salaires, sans droits d'accès au chômage, sans ressources, ceux-ci ont été mis au ban de la société au nom d'une gestion de la crise sanitaire qui a privilégié le politique au sanitaire. Une doxa dont les méfaits allaient perdurer pendant plus de 500 jours, provoquant un désastre humain et social insoutenable. Alors que la Haute Autorité de Santé (HAS) vient de conseiller la fin de cette vaccination obligatoire expérimentale et laisse entrevoir la possibilité d'une réintégration des suspendus, Jean-Louis reste prudent : il pose la question de l'effet réel de l'annonce et s'interroge sur les conditions de ce revirement. Il dresse par ailleurs un constat implacable à propos de ce qui s'est déroulé au sein même de notre société, prise dans un cauchemar dénué de sens, fallacieusement justifié au nom de la science.

Question - France-Soir : Jean-Louis, vous avez pris très tôt la défense des soignants suspendus, notamment au travers de la création du collectif Les Essentiels. Pouvez-vous nous rappeler les temps forts de votre mobilisation jusqu'à l'annonce récente de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui laisse entrevoir leur réintégration ?

Réponse - Jean-Louis : Tout d'abord, au risque de jouer les trouble-fêtes, je ne considère pas encore, à ce stade, que la réintégration des soignants soit vraiment une victoire. Pour une petite minorité qui n'espérait que cela, cela en est sans conteste une. Mais pour la grande majorité, ce qui est sans doute plus important que la réintégration, ce sont les conditions dans lesquelles elle se fera. Pour l'instant, nous n'en savons rien et étant donné le comportement de ce gouvernement depuis le début de cette crise dite sanitaire, il y a tout à craindre.

Concernant les temps forts, pour nous, collectif Les Essentiels, la première victoire a été d'arriver à fédérer des artistes autour de notre projet. Anny Duperey fut la première et je ne saurai jamais la remercier à la hauteur de ce que son soutien nous a apporté, mais je remercie tous les artistes qui ont signé notre appel aux dons et qui ont contribué à donner une visibilité à notre action.

Pour tous ceux qui ont lutté pour soutenir les personnels suspendus, je pense que le premier temps fort, l'événement le plus marquant, a été la marche du réveil au Mont Valérien, dont la très forte valeur symbolique reste encore dans tous les esprits.

À part cela je n'ai pas le sentiment qu'il y ait eu réellement des "temps forts"... Je crois que pour nous tous, qui nous sommes engagés dans cette lutte, ce fut un long travail de fourmi, un engagement de tous les jours, afin de conserver intacte la motivation. Il fallait essayer de contrer cette machine infernale qui cherchait avant tout à se débarrasser de tous ceux qui sortaient du rang.

Pensez-vous en ce moment à certains drames personnels qui se sont joués durant ces plus de 500 jours d'obligation vaccinale ?

Je pense tout d'abord à ceux qui ont décidé de mettre fin à leurs jours et en premier lieu à Sylvie Desarménien, dont la famille a souhaité  honorer la mémoire en nous demandant de la faire figurer sur le site Les Essentiels, à côté de ses collègues suspendus.

Alors quand j'entends dire, à propos des personnels suspendus : "Ils ont eu le choix", voilà le choix auquel certains ont été réduits : ne plus faire partie de ce monde !

Mais les drames personnels se comptent en dizaines de milliers. Ce sont parfois des gens qui perdent leur logement et dorment dans leur voiture; des enfants enlevés à leur mère parce qu'elle ne peut pas payer son loyer; des personnes qui perdent ce qu'elles ont mis une vie à bâtir et ne pourront plus jamais reconstruire, d'autres qui ont dû vendre leurs meubles et tous leurs biens pour pouvoir survivre; des professionnels qualifiés et bienveillants qui, du jour au lendemain, doivent tirer un trait sur leurs années d'expérience et de longues années d'études; des familles détruites; des vocations brisées, des traumatismes psychologiques que certains garderont à vie, n'osant même plus sortir de chez eux... La liste est longue, bien trop longue pour pouvoir évoquer tous les cas.

"Des gens sont morts faute de prise en charge."

Et c'est sans parler des drames de milliers de personnes qui n'ont pu être soignées, parce que dans notre système de santé agonisant, nos gouvernants ont décidé arbitrairement de se passer de personnels soignants en pleine crise sanitaire.

Des gens sont morts, faute de prise en charge. Et la responsabilité en incombe totalement à ceux qui ont pris cette décision d'avoir écarté des soignants, alors qu'aucune étude scientifique ne la justifiait.

L'effet le plus pervers de cette suspension odieuse et sadique est que beaucoup de suspendus éprouvent de la honte à être ainsi mis au ban de la société, quand c'est la société et tous les décideurs, les politiques, les experts de tout poil, et surtout les journalistes des grands médias, qui devraient avoir honte d'avoir réservé ce sort à certains de leurs concitoyens.

Comment expliquez-vous que la France soit le dernier pays à lever cette obligation vaccinale ?

Je ne vois aucune explication rationnelle à cela, mais je n'en suis pas du tout surpris, cette obligation vaccinale n'a jamais eu de fondement sanitaire.

On savait déjà, au moment où cette loi scélérate est passée, que la vaccination "anti-Covid" n'était pas efficace. De nombreux soignants vaccinés attrapaient malgré tout le Covid, mais surtout il suffisait de voir les chiffres des pays les plus vaccinés pour n'avoir plus aucun doute à ce sujet.

Ces vaccins, développés dans l'urgence, n'ont jamais été testés sur leur capacité à empêcher la transmission de la maladie. Dire qu'on ne le savait pas à l'époque (ce qui est d'ailleurs faux : il suffisait de lire les fiches des laboratoires) ne dédouane pas les décideurs de leurs responsabilités, puisque ces mesures gouvernementales et les slogans "Se vacciner pour protéger les autres" n'étaient basés sur aucune étude scientifique. Ces décisions étaient purement arbitraires.

"On peut légitimement se poser la question du rôle des lobbies."

La décision de la stratégie vaccinale comme unique solution est peut-être due en partie à un aveuglement scientifique de certains médecins ou experts convaincus de son efficacité, sans qu'ils aient pris le temps de s'informer (tout débat sur la question étant interdit), mais il ne fait aucun doute que les énormes intérêts financiers ont été l'élément déterminant de ce choix.

Il suffit pour s'en convaincre de constater l'enrichissement obscène des grands groupes pharmaceutiques, alors que des millions de personnes en France et à travers le monde ont été plongées dans la plus grande précarité à la suite de cette crise. Sachant que ces groupes pharmaceutiques sont tous contrôlés par de puissants intérêts financiers d'outre-Atlantique, on peut légitimement se poser la question du rôle des lobbies.

La gestion d'une crise sanitaire par un conseil de défense (un comité réduit, avec le maintien au secret des délibérations et des décisions pendant 50 ans) pose aussi question. Pour toutes ces raisons, il est très difficile de savoir pourquoi la France est le dernier pays à lever l'obligation vaccinale.

Une piste de réflexion pourrait être la question des responsabilités. Décider la levée de cette obligation suppose d'en donner les raisons. Pourquoi aujourd'hui, pourquoi pas 3 mois plus tôt, ou 4 mois, ou 6 mois, ou davantage ? Qu'y a-t-il de changé soudainement, puisqu'on sait bien aujourd'hui qu'aucun élément scientifique ne permettait de prendre cette décision. Et pourquoi la Haute Autorité de Santé a mis si longtemps à se prononcer, alors que la crise Covid est derrière nous depuis des mois ?

Si la France est le dernier pays à réintégrer ses soignants, c'est peut-être parce qu'expliquer la levée de l'obligation vaccinale est un exercice délicat, qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore...

Pensez-vous qu'il soit possible désormais d'évoquer un dédommagement, notamment en matière de salaires non perçus par les personnels suspendus ? 

Savoir si c'est possible ? Vu les agissements de notre gouvernement depuis le début de cette crise, ça me paraît totalement illusoire, mais il n'est pas interdit de rêver... En revanche, ça devrait être une condition incontournable pour tenter de réparer ne serait-ce qu'une partie du préjudice subi (qui va bien au-delà des salaires non perçus). C'est aussi une obligation morale si l'on veut espérer pouvoir réparer la fracture sociale qui déchire aujourd'hui notre société.

Mais il n'y a pas que la question des salaires, il y a la perte des points de retraite qu'il faut absolument restituer. Et comment, par exemple, dédommager une personne proche de la retraite qui a dû vendre sa maison parce qu'elle ne pouvait plus faire face aux échéances d'un crédit immobilier, sachant que vu son âge elle n'aura plus jamais l'opportunité de prendre un nouveau crédit, alors qu'elle avait mis 20 ans à construire ce projet ? Les situations sont nombreuses, diverses et toutes aussi dramatiques les unes que les autres.

"Les conditions qui seront assorties à la réintégration sont essentielles."

Et que dire des énormes dégâts psychologiques engendrés par cette mise au ban des personnels suspendus ? Certains n'envisagent même plus de pouvoir se projeter à nouveau dans un univers professionnel. Comment soigner ces traumatismes ? Quel dédommagement pour ces personnes ?

Alors, oui, la question du dédommagement est primordiale, elle doit faire partie intégrante de la décision de réintégration des personnels suspendus et elle ne peut pas être une simple aumône. Elle se doit réparatrice, autant que faire se peut. Mais qui va payer, sur quel budget ? Le "quoi qu'il en coûte" est-il toujours d'actualité ? Qui paiera l'addition ?

Pour financer ces mesures, on pourrait envisager une variante de la "taxe Jean Valjean" imaginée par Vincent Lindon dans sa vidéo du mois de mai 2020 .

Pourquoi ne pas mettre à contribution les grands groupes pharmaceutiques qui ont prôné la solution du "tout-vaccin" et des multimilliardaires  qui ont vu leur fortune gonfler pendant cette crise ? Enfin, peut-on espérer des excuses officielles, ce qui serait le minimum ? Mais j'ai bien conscience, en disant cela, d'être en plein délire fantasmé.

C'est pourquoi je disais, en réponse à votre première question, que la réintégration n'est pas nécessairement une victoire et que les conditions qui y seront assorties sont essentielles. Une réintégration sans un dédommagement substantiel serait une seconde punition.

Imaginez-vous dans le futur qu'une telle situation puisse se reproduire ? Quels garde-fous pourraient nous protéger d'un tel scénario ?

Pas dans le futur ! Non seulement une telle situation peut se reproduire, mais j'ai la conviction que nous sommes dans ce nouveau monde, et depuis longtemps sans doute, à notre insu. Les mesures prises pour lutter contre le réchauffement climatique, le traitement médiatique qui en est fait et l'absence de tout débat contradictoire en sont l'un des meilleurs exemples.

Lors de la crise du Covid, tous les politiques, décideurs, dirigeants de grandes entreprises, cabinets de conseil, lobbyistes, etc, ont été surpris de l'apathie générale, de la facilité avec laquelle le peuple s'est plié aux mesures les plus absurdes, pourtant durement appliquées à son encontre.

Le peuple a accepté de graves transgressions à l'encontre des valeurs qui faisaient les fondements les plus profonds, les plus solides et les plus nobles de notre société. Il a renoncé aux libertés chèrement acquises par nos aïeux, au fil de notre histoire. Enfin, et cela est peut-être le plus renversant, le peuple a montré une inquiétante aptitude à condamner, ou à laisser condamner, ceux-là mêmes qu'il acclamait comme ses héros quelques mois plus tôt.

"Le meilleur garde-fou pour nous protéger de la réédition d'un tel scénario, c'est certainement prendre conscience et ne pas oublier."

Les grands médias portent certainement une très lourde responsabilité, une culpabilité même, dans cette dérive sociétale. Mais c'est la corruption systémique qui a permis la réalisation d'un tel scénario. La séparation des pouvoirs théorisée par Montesquieu n'est plus qu'un concept philosophique. Tous les organes du pouvoir sont sous contrôle de l'exécutif ou infiltrés par les lobbies de tous ordres (politiques, financiers...). Même les syndicats ne jouent plus leur rôle.

Dans ce contexte, il est difficile actuellement d'imaginer pouvoir mettre en place des garde-fous contre ce système. En premier lieu il faudrait pouvoir empêcher que les médias soient contrôlés par les grands intérêts financiers, mais n'étant ni juriste, ni économiste, je n'ai pas la solution à ce problème.

Il faudrait aussi rafraîchir notre Constitution pour l'adapter aux enjeux de notre époque et il faudrait surtout revoir les mandats et les conditions d'exercice des représentants du peuple (qu'ils soient élus au suffrage direct ou indirect) afin qu'ils rendent des comptes au peuple dont ils ne doivent pas oublier qu'ils en sont les serviteurs et non les rois.

En bref, il faudrait pouvoir mettre fin au mode de gouvernance actuel "responsable mais pas coupable", sachant que responsable ne signifie rien pour un politique, sinon promotion pour éviter tout scandale de nature à fragiliser le pouvoir en place.

Mais ce qui m'inquiète le plus et me fait douter de notre capacité à inverser la tendance sur moins d'une ou deux générations, c'est que la jeunesse n'a aucune perception de ce basculement majeur de notre société.

Habituellement, ce sont ces forces vives de la nation qui insufflent des idées nouvelles et font changer les choses. Mais dans un monde où l'on croit qu'être informé c'est recevoir à tout instant sur son téléphone portable les dernières nouvelles choisies par des algorithmes à l'autre bout de la planète, sans prendre le recul nécessaire à l'analyse, il est difficile d'espérer sortir de la matrice.

C'est sans doute la prise de conscience et l'éducation de nos enfants qui pourraient mettre en place les garde-fous, mais c'est un travail de long terme. Il est vital de leur apprendre à réfléchir par eux-mêmes, à être conscients et responsables de leurs actes, à ne pas se conformer par facilité, et sans vouloir en faire des rebelles, en faire des bergers plutôt que des moutons.

Éveiller la conscience de tous, c'est sans doute le premier garde-fou à la folie générale. C'est l'objectif de notre collectif, Les Essentiels, et cette tâche que nous avons entreprise ne s'arrêtera pas avec la réintégration des suspendus, bien au contraire, nous luttons pour le devoir de mémoire.

Il est important de laisser trace de cette page de notre histoire, l'une des plus honteuses sans aucun doute, mais qui ne doit surtout pas tomber dans l'oubli.

Car le plus grand risque (piège ?) de cette réintégration : l'oubli. Une fois la loi votée, quelles qu'en soient les conditions, cet épisode de notre histoire risque de s'évaporer définitivement de la mémoire collective. C'est à mon sens le plus grand danger.

Le meilleur garde-fou pour nous protéger de la réédition d'un tel scénario, c'est certainement prendre conscience et ne pas oublier.

Qui vous soignera demain ? - Les Essentiels - 2022

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