07/02/2024 infomigrants.net  5min #242379

« Expulsion sèche » : dans l'hyper centre de Paris, démantèlement d'un camp d'une centaine de mineurs

Démantèlement d'un campement informel sur les quais de Sein, en plein Paris, le 6 février 2024. Crédit : capture d'écran du compte Twitter d'Utopia 56

Les démantèlements des campements informels de la capitale se poursuivent. Mardi 6 février, une centaine de jeunes migrants, "des mineurs isolés", selon l'association Utopia 56, ont été sommés de quitter les quais de Seine, en plein centre de Paris, sous le pont au Change, où ils survivaient depuis "deux ou trois mois".

"Il y avait de nombreux forces de police, mais il n'y a eu aucun usage de la violence", détaille Nikolai Posner, porte-parole d'Utopia 56, joint par InfoMigrants. "Les forces de l'ordre ont demandé aux jeunes de se mettre à l'écart le temps de former un périmètre autour des tentes et de tout enlever".


Les jeunes cherchent leurs affaires après leur expulsion du Pont au Change en plein Paris. Crédit : Utopia 56

Fait inhabituel : aucune "mise à l'abri" n'a été proposée aux jeunes présents, soutient l'association. "Un autre campement a aussi été évacué hier matin,  celui installé sous le pont Charles de Gaulle [à 3 km de là, ndlr] mais ce fut une 'opération classique' avec des 'mises à l'abri'", explique Nikolai Posner.

Mais sous le pont au Change, affirme-t-il, aucune prise en charge : les jeunes ont été livrés à eux-mêmes. "C'est la deuxième fois que nous voyons ces 'non mises à l'abri', c'est rare. C'est arrivé le 17 décembre dernier suite à quoi nous avons porté plainte à l'IGPN, et émis un signalement devant la Défenseure des droits. C'est illégal. C'est une expulsion sèche. Or, une expulsion ne peut pas se dérouler n'importe comment".

Contactée par InfoMigrants, la préfecture de police n'a pas répondu à nos sollicitations.

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En fin d'après-midi mardi, les jeunes, désormais sans tentes "et ne sachant pas où aller", ont donc suivi Utopia 56. "Beaucoup ont perdu leurs affaires", insiste Nikolai, "notamment des documents importants", souvent des papiers administratifs nécessaires à la régularisation de leur situation ou à leur santé (rendez-vous avec le juge pour enfants, rendez-vous en préfecture, rendez-vous médicaux...).

La "zone rouge" de la cérémonie d'ouverture des JO-2024

Une centaine d'entre eux ont passé la nuit dans l'Académie du climat, lieu appartenant à la mairie de Paris. "Des lits picots ont été installés, et des repas ainsi que des couvertures ont été distribués", explique sur X (ex-Twitter) Léa Filoche, adjointe à la mairie en charge des Solidarités, de l'Hébergement d'urgence et de la Protection des réfugiés. Cette dernière réclame désormais à l'État de trouver "des solutions" pour ces jeunes laissés à la rue par les autorités.

Hier soir, 150 personnes laissées sans solution d’hébergement par l’État, ont passé la nuit à l’Académie du Climat.
Quelques explications concernant ce qui s’est déroulé depuis hier après-midi ⤵️

Le campement du pont au Change - ainsi que celui du pont Charles de Gaulle - se situait dans la zone de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques (JO) - qui se déroulera le 26 juillet 2024. Pour la première fois de l'histoire, en effet, elle n'aura pas lieu dans un stade mais le long de la Seine. "Ce n'est peut-être pas un hasard que ces campements soient démantelés, ils se situaient dans ce qu'on appelle la 'zone rouge' de la cérémonie", souligne Nikolai Posner.

Selon l'association, il reste toujours "400 jeunes" sur les quais de Seine, "mais on pense qu'ils veulent tous les déloger le plus rapidement possible". Ils sont actuellement répartis dans une petite dizaine de campements. "Des maraudes passent tous les jours pour surveiller d'éventuels démantèlements et pour distribuer des tentes à ceux qui n'en ont pas".

La cérémonie d'ouverture des JO de Paris, pour la première fois hors d'un stade, le long de la Seine le 26 juillet, verra ses répétitions commencer en mars, affirme Thomas Jolly, directeur artistique #AFPVertical ⤵️

Polémique autour d'un "nettoyage social" de Paris

Ces expulsions dans la capitale font polémique depuis plusieurs mois en France. Les associations crient au "nettoyage sociale" de Paris - et dénoncent  des envois de migrants en régions - et alertent sur la "précarisation" de publics déjà très vulnérables. Les JO pourraient "aggraver l'exclusion sociale en Ile-de-France", ont à nouveau estimé des organisations françaises dans un communiqué, lundi 5 février.

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L'État se défend pourtant de tout "nettoyage" de la capitale et ne s'est pas fixé l'objectif "zéro SDF" à la rue en prévision des Jeux olympiques de Paris, avait déclaré le 21 décembre la préfecture de la région d'Ile-de-France (Prif). Au mois de novembre,  plus de 70 organisations avaient déjà publié une lettre ouverte destinée au Comité d'organisation des JO pour dénoncer ces démantèlements destinés, selon elles, à cacher les migrants aux futurs touristes.

La région avait alors rappelé que 120 000 personnes étaient déjà prises en charge en moyenne chaque nuit au titre de l'hébergement d'urgence. Elle a assuré qu'une réflexion était en cours pour parvenir à débloquer des "places supplémentaires" durant les JO. "On souhaite avoir un héritage social en matière d'hébergement d'urgence, on y travaille", avait-elle affirmé, sans chiffrer cet objectif.

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