09/12/2025 francais.rt.com  4min #298478

Face à la «décroissance», la ministre française de l'Agriculture tire la sonnette d'alarme

Source: www.globallookpress.com

La ministre française de l'Agriculture, Annie Genevard, lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 2 décembre 2025

Annie Genevard a lancé un cri d'alarme sur la souveraineté alimentaire de la France. Face à la «décroissance agricole» en Europe, à l'érosion des capacités de production et à une dépendance croissante aux importations, elle appelle à un «grand réveil alimentaire» pour redonner au pays les moyens de nourrir sa population en cas de crise.

Ce 8 décembre, la ministre française de l'Agriculture Annie Genevard a donné le coup d'envoi des « conférences de la souveraineté alimentaire », depuis le marché de gros de Rungis. L'enjeu est de taille : établir une stratégie agricole nationale à horizon 2035, dans un contexte jugé alarmant.

« La guerre agricole se prépare », a-t-elle lancé d'entrée, dans un discours marqué par l'urgence. Selon elle, les tensions mondiales - conflit en Ukraine, conflits douaniers avec les États-Unis, taxes chinoises - ont balayé « l'illusion » d'une prospérité durable. Elle affirme que la France entre dans une ère où l'agriculture redeviendra un pilier stratégique de souveraineté.

Cette alerte est appuyée par des chiffres précis. « Depuis 2014, le financement de la politique agricole et alimentaire chinoise par habitant a bondi de 40 %, celui des États-Unis de 86 %, celui de la Russie de 15 %. Et celui de l'Union européenne a reculé de 19 %. C'est une erreur historique à laquelle il faut faire barrage », a déclaré la ministre.

Un plaidoyer contre la décroissance et pour un sursaut productif

Dans ce climat de compétition internationale, Annie Genevard appelle à tourner le dos à la « décroissance agricole ». Elle critique frontalement les discours écologistes qu'elle juge défaitistes, et les politiques européennes jugées trop contraignantes.

La ministre met en garde : la balance commerciale agricole française pourrait devenir déficitaire dès 2025, une première depuis près de 50 ans. Elle dresse un constat sévère : « Un actif agricole sur deux partira à la retraite dans les dix prochaines années ». À cela s'ajoutent « la volatilité des prix, le poids des charges, le dérèglement climatique et nos choix de consommation », indique-t-elle.

Elle appelle donc à un « patriotisme alimentaire », soulignant que la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages est tombée sous la barre des 20 %, contre 35 % en 1960. Et de prévenir : « Si une guerre éclate, que les Français le comprennent bien, c'est sur nos agriculteurs, et sur eux seuls, qu'il faudra compter pour nous nourrir ».

Un plan controversé, boudé par les syndicats agricoles

Malgré ce discours offensif, le lancement du « grand réveil alimentaire » a suscité une vive réserve du côté syndical. La FNSEA, principal syndicat agricole, a boycotté l'événement de Rungis, dénonçant une « opération de communication ». Son secrétaire général, Hervé Lapie, a résumé la frustration du secteur : « Cela fait 15, 20 ans qu'on dit qu'on va dans le mauvais sens. Ce qui nous intéresse maintenant, c'est ce qu'on va faire ».

Même son de cloche du côté de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne, qui estiment que les agriculteurs sont empêchés de produire, étouffés par les normes et les accords commerciaux défavorables. « Ce n'est plus le moment des conférences, c'est le moment de passer à l'action », a déclaré Bertrand Venteau, président de la Coordination rurale, sur RMC.

En réponse, Annie Genevard veut se poser en rempart face aux importations déloyales. Elle a réaffirmé son opposition à l'accord UE-Mercosur et prévenu : « J'interdirai moi-même les importations sur notre sol de produits contenant des substances interdites en Europe comme le droit européen me le permet ». Elle propose également un « fonds souverain agricole » et un recours prioritaire aux produits français dans les marchés publics, en particulier dans les cantines.

Les conférences se tiendront jusqu'en juin 2026. Elles se dérouleront par filière, avec l'appui de groupes de travail sectoriels (grandes cultures, viandes, viticulture...) et d'organismes comme FranceAgriMer. D'après le ministère, elles visent à bâtir un plan d'action sur dix ans, fondé sur « l'évolution de la demande ».

Mais dans un secteur fragilisé par les crises sanitaires, la concurrence étrangère et l'inflation, beaucoup doutent que ces consultations suffisent. Le fossé entre l'État et les agriculteurs se creuse, et le « grand réveil alimentaire » voulu par la ministre démarre dans un climat de défiance généralisée.

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