07/02/2023 infomigrants.net  4 min #223711

Fact-checking : 40 % des étrangers en France sont-ils inactifs ?

Marine Le Pen à l'Assemblée nationale, le 10 janvier 2023. Crédit : Reuters

Ce qui est dit : En plein débat sur le projet de loi sur l'immigration, la députée et présidente du Rassemblement national (extrême-droite) Marine Le Pen a déclaré lors d'une interview télévisée sur France Info, mercredi 1er février : "40 % des étrangers dans notre pays sont en inactivité. Avant de faire venir une immigration supplémentaire, commençons par les faire travailler !".

Il y a 5,6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, et 40% des étrangers dans notre pays sont en inactivité. Avant de faire venir une immigration supplémentaire, commençons par les faire travailler ! @franceinfo

De quoi parle-t-elle ? : Marine Le Pen parle d'"étrangers". Selon la définition de l'Insee, un étranger est une personne qui réside en France et ne possède pas la nationalité française. Un étranger n'est pas forcément un immigré, il peut être né en France, comme c'est le cas pour les mineurs notamment.

(Selon le droit du sol, la nationalité peut être attribuée à la majorité d'un enfant lorsque celui-ci est né en France de deux parents étrangers. Pour cela, il doit résider en France à la date de ses 18 ans et avoir sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de 11 ans, indiquent les autorités.)

Un immigré, lui, toujours selon l'Insee, est "une personne étrangère, née à l'étranger et résidant en France". Une personne immigrée le reste à vie, même si elle acquiert la nationalité française.

Marine Le Pen parle également d'inactivité. Une personne inactive est une personne qui n'a pas d'emploi et qui n'en cherche pas (contrairement à un actif qui peut soit travailler, soit être au chômage). "Les inactifs sont par convention les personnes qui ne sont ni en emploi ni au chômage : jeunes de moins de 15 ans, étudiants et retraités ne travaillant pas en complément de leurs études ou de leur retraite, hommes et femmes au foyer, personnes en incapacité de travailler...", précise encore l'Insee.

Dans leurs données sur les inactifs, les organismes de statistiques se focalisent néanmoins sur les personnes "en âge de travailler" : celles âgées de 15 ans à 64 ans.

40 % des étrangers en France sont-ils en inactivité ? Non. Selon des données  d'Eurostat, le taux d'inactivité des étrangers en France était, en 2020, de 33,5 %. Comme expliqué plus haut, ce chiffre englobe toutes les personnes âgées entre 15 ans et 64 ans. Les collégiens, lycéens et les étudiants qui ne travaillent pas en parallèle de leurs études sont donc compris dans ce taux. Une population qu'il serait donc problématique de "faire travailler", comme le suggère la présidente du RN.

Si l'on prend en compte la population immigrée, le taux d'inactivité tombait à 29,8 % en 2021, selon l'Insee.

À voir :  "Je rêve d'être régularisé" : Moussa est toujours sans-papiers après dix ans de travail en France

Autre point à prendre en compte : ces statistiques englobent les étrangers en situation irrégulière (qui sont recensés au même titre que le reste de la population), dont le nombre en France est compris, selon les estimations approximatives, entre 400 000 et 1 million de personnes. Quid de ces personnes qui travaillent de façon illégale ?

"L'enquête Emploi (à partir de laquelle sont calculés les taux d'activité, de chômage et d'emploi) s'applique sur des déclarations individuelles, et aucun papier d'identité/titre de séjour ou contrat de travail n'est demandé aux enquêtés, précise-t-on du côté de l'Insee. Donc une personne qui déclare avoir travaillé (même si elle est en situation irrégulière) sera comptabilisée comme en emploi (et donc pas inactive). Il est cependant possible que les personnes en situation irrégulière sous-déclarent leur activité, par méfiance face à un"service de l'État"au moment de l'enquête."

Nombre de secteurs, comme celui du nettoyage ou des livraisons de repas, ont recours à des travailleurs sans-papiers qui utilisent des alias (fausses identités) pour exercer. Ces personnes peuvent avoir été déboutées de leur demande de régularisation ou être en cours de demande d'asile (à l'heure actuelle, les demandeurs d'asile ne peuvent pas travailler au cours des six mois suivants le dépôt de leur demande). Loin d'être inactifs, ces sans-papiers, à l'image des  travailleurs de Chronopost, peuvent travailler pendant des années dans l'ombre, dans des conditions parfois très difficiles.

 infomigrants.net

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