Fico, Vico et l'hétérogénéité des fins
Andrea Marcigliano
Source: electomagazine.it
Robert Fico a été abattu. La version officielle est que l'auteur de cet attentant est un poète de plus de soixante-dix ans, avec une arme légalement détenue. La motivation ? Il n'était pas d'accord avec la politique du premier ministre slovaque. Avec le rapprochement qu'il préconisait avec la Russie et l'arrêt des livraisons d'armes à l'Ukraine pour l'essentiel.
Mais il y a des zones d'ombre. Et elles sont nombreuses. Par exemple, et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, que faisaient les services de sécurité lorsque le vieil homme élégant s'approchait de M. Fico ?
Il est clair que les commentateurs et les médias sont divisés. La majorité, ceux qui comptent, les grands persuadeurs qui ne se cachent pas, soutiennent la thèse du poète solitaire. Et, dans le fond, ils sont d'accord avec lui. Il a donc appris à Fico ce qu'il en coûte d'être l'ami de Poutine.
Et puis, bien sûr, il y a les habituels... terrapianistes, ceux qui croient que la Terre est plate. Les philo-poutine et les diététiciens. Qui insinuent, infâmes, que dans les chancelleries de l'Occident collectif, plus d'une personne avait intérêt à se débarrasser de l'incommode leader slovaque. Qui non seulement est allé à contre-courant sur l'engagement occidental en faveur de l'Ukraine, ou sur la croisade pro-Kiev, mais a demandé à plusieurs reprises de la clarté sur les vaccins COV ID. Et sur les milliards généreusement donnés par l'UE à Pfizer et consorts.
Or, des deux « camps » émerge, entre les lignes d'analyses plus ou moins discutables, un concept. Qui, pour le dire en quelques mots, rappelle le vieux slogan des Brigades Rouges.
Frappez-en un pour en éduquer cent.
Traduction: Fico avait osé chanter en dehors du chœur, et tenter de maintenir une relation avec la Russie. Non pas dans l'intérêt de Poutine, mais dans l'intérêt national de la Slovaquie. Celle-ci aurait tout à gagner à maintenir de bonnes relations, politiques et commerciales, avec Moscou.
Comme la plupart des pays occidentaux, si ce n'est tous. Pas tous, car certains profitent des tensions, des sanctions et de l'escalade militaire actuelles. Et beaucoup. Pour simplifier : l'anglosphère.
Mais les autres sont perdants. Et lourdement.
Fico sert donc de leçon. Pour beaucoup d'autres qui ont l'ambition de... faire de la politique en pensant à l'intérêt national. Et non pas en suivant les ordres de l'écurie. Ou plutôt, du maître de l'écurie. Des gens mauvais... comme Orban, comme Erdogan... comme Le Pen si elle venait à gouverner la France (ndlr: les choses semblent évoluer autrement...). Ou, pire encore, comme ces têtes brûlées de l'AfD allemande.
Mais...
Il y a déjà une pensée... que l'on pourrait appeler l'hétérogénéité des fins. En citant le bon Wundt, philosophe et psychologue allemand. Qui pourtant, à son tour, pillait notre Vico. Dont peu de gens se souviennent aujourd'hui, parce qu'il était napolitain (originaire des Abruzzes), et qu'il existe une certaine arrogance à l'égard des penseurs qui n'ont pas de noms germaniques ou anglais. Mais le vieux Giambattista comprenait beaucoup de choses... et les expliquait bien. En restant inaudible.
Or, selon cette conception, l'histoire a sa propre direction qui ne dépend pas des plans et des programmes humains. Je simplifie, en m'excusant auprès des professeurs qui vont déjà froncer les sourcils.
En résumé, vous planifiez quelque chose, par exemple une attaque contre un dirigeant politique qui mène une politique qui ne sert pas vos intérêts. Et vous pensez, raisonnablement, que cela mettra immédiatement au pas tous les autres qui broient du noir et font de la dissidence.
Un calcul lucide. Mais qui ne tient pas compte du fait que les hommes ne sont pas des êtres parfaitement rationnels. Et puis...
Vous risquez alors un effet boomerang.
Parce que ceux que vous vouliez prévenir et aligner sur vos positions, ils prennent peur. Mais ils réagissent de manière inattendue. Ils s'éloignent de vous, parce qu'ils considèrent votre « amitié » comme dangereuse. Et ils partent à la recherche d'un nouvel... ami. Assez fort pour les protéger.
Et puis les autres, ceux qui ont toujours été obéissants et alignés. Ils commencent à... réfléchir. Une activité très dangereuse. Et peut-être qu'un doute s'installe dans leur esprit. Et si demain, pour une raison ou une autre, je me retrouve dans la situation d'exprimer un désaccord ? À quoi dois-je m'attendre ? Et cela a-t-il valu la peine d'avoir toujours été bon, obéissant, aligné ? Ou...
Ou... le doute s'incruste au plus profond de moi. Qui, petit à petit, peut finir par saper les fondations d'un empire qui se croyait trop puissant. Et qui traitait ses... amis avec condescendance, voire pire.