28/05/2023 euro-synergies.hautetfort.com  5min #229099

Fils d'Homère

Fils d'Homère

Recension: Hijos de Homero. Un viaje personal por el alba de Occidente, Alianza Editorial, Madrid, 2006.

Carlos X. Blanco

Bernardo Souvirón nous a laissé une belle introduction au monde grec, écrite avec clarté, affection et élégance. A aucun moment ce philologue ne nous accable de citations et de notes de bas de page. Il ne nous en offre que pour éclaircir ou étendre l'information. J'ai tendance à penser qu'étant professeur de lycée, le désir de se faire comprendre clairement à un public non spécialiste transparait du début à la fin du livre.

Souvirón nous raconte l'origine même de l'Europe, l'aube d'une culture, la nôtre. Une culture qui, littéralement, a son propre nom: Homère. Ce personnage, « l'éducateur de la Grèce », continue d'être aujourd'hui le symbole du poète dont le moi se cache dans les ténèbres, ne parlant jamais de lui-même, mais qui veut raconter quelle mémoire orale est passée de bouche en bouche pour former un Peuple. Homère est à la charnière entre un passé épique, purement oral, légendaire, et une Histoire déjà écrite. Une Histoire dans laquelle il a été le premier à mettre en caractères alphabétiques ce qu'il a peut-être lui-même chanté (aedo

Ces Mycéniens dont parle Homère étaient des peuples indo-européens qui, dans la partie la plus substantielle, ont façonné l'Europe que nous avons aujourd'hui et, à partir d'elle, le monde dans son ensemble. Les traits que l'auteur met le plus en évidence sont a) la mort légale des femmes et leur accaparement social dans tous les domaines, repris par l'homme comme machine de reproduction et b) la guerre comme mode de vie répandu dans certaines peuples qui ont besoin de butin, des esclaves et du sang pour survivre. Il n'est pas difficile d'observer ces traits essentiels dans le monde d'aujourd'hui, même si l'auteur ne pointe pas la dévirilisation actuelle de l'Européen et sa chute dans la bestialité. Au fil des siècles, au-delà de l'héritage hellénique, et surtout à la fin du Moyen Âge, grâce à l'esprit chevaleresque et aux influences celto-germaniques, les femmes européennes prennent le devant de la scène et parviennent à une réelle égalité avec les hommes. L'islamisation actuelle de l'Europe, jointe à l'inertie « lunaire » du sous-sol méditerranéen, va tout changer : la dignité spécifiquement européenne des femmes est mise en péril.

L'autre trait qui nous vient du fond indo-européen, avec lequel nous restons essentiellement mycéniens, est le bellicisme. La guerre n'a pas disparu comme moyen de résoudre les conflits. L'usage de la guerre pour transformer les peuples et les nations en animaux de proie, en bêtes qui vivent de leur proie, n'a nullement disparu et son abandon semble aujourd'hui bien plus éloigné que le premier trait, la culture patriarcale.

Il y a dans Los Hijos de Homero

En lisant l'excellent livre de Souvirón, nous pouvons nous souvenir de la situation dans laquelle les études classiques étaient enseignées dans l'État espagnol. Didactiquement, nous avons tous subi la difficulté actuelle de présenter la Philosophie comme une institution aux racines helléniques, et de montrer aux jeunes que la Civilisation dans laquelle nous vivons est fille de la Grèce. Enseigner le passage « du Mythe au Logos », la naissance de la Philosophie en Ionie, la prédisposition hellénique à la pensée rationnelle est une tâche énorme aujourd'hui compte tenu de l'analphabétisme en latin, en grec et, en général, dans la culture classique de la plupart de nos étudiants. Et ils ne sont pas coupables, ce sont nos législateurs, ministres et « comités d'experts » qui, par calcul politique, ont soutenu ces politiques démissionnaires. Des gens comme le professeur Adrados et bien d'autres dans la presse et dans tous les autres forums publics ont réclamé en vain contre cette déchéance. Pour certains intérêts fallacieux, il a semblé plus commode pour les politiciens et leurs « experts » (à mon avis, eux aussi des politiciens), d'inculquer aux jeunes esprits des matières supposées « pratiques », telles que l'économie, la numérisation (sic

Ils voulaient faire de nos élèves de nouveaux barbares. Ces programmes y sont parvenu de manière profonde et irréversible. Ne rien savoir d'Homère, c'est ne rien savoir de sa propre culture, de la culture européenne. Il sera très difficile de saisir le message que nous ont transmis les Présocratiques, Platon ou Aristote sans connaître les piliers sur lesquels repose notre civilisation. Ce n'est qu'avec cet analphabétisme planifié depuis la soumission de nos gouvernants à l'UNESCO et à l'Agenda 2030, et perpétué avec la loi actuelle, qu'il peut être qu'incompris dans le relativisme et le multiculturalisme crus d'aujourd'hui. Toute tradition, respectable en soi mais étrangère à notre substance culturelle, est placée dans l'esprit de nos concitoyens sur un pied d'égalité avec la tradition hellénique, et très peu d'étudiants sont aujourd'hui capables de reconnaître la leur, la nôtre, dans cette tradition hellénique. Cette situation malheureuse permet d'ouvrir toutes grandes les portes à la colonisation de l'Europe, à son aliénation aux mains d'une technocratie, qui idolâtre le nouveau ou lebizarre. Ne pas connaître les Grecs va supposer, pour l'Europe, un oubli d'elle-même. L'Europe s'africanise, s'américanise, devient une salade de traditions, mais coupe -avec elle- ses racines.

Des livres aussi instructifs, aussi bien écrits que celui de Bernardo Souvirón, servent à comprendre le bien et le moins bien de notre propre patrimoine culturel. Un conglomérat historique qui comprend la guerre et le patriarcat, oui, mais aussi la démocratie et la rationalité. Si nous ne sommes pas capables de comprendre ces racines, nous ne pourrons pas grandir ou continuer à avoir une nouvelle sève.

 euro-synergies.hautetfort.com