05/03/2025 reseauinternational.net  11min #270711

 Soit Zelensky «conclut un accord», soit les États-Unis «s'en lavent les mains», avertit Trump

Fin d'un mythe/d'une illusion

par Mohamed Ghermaoui

L'environnement international est tellement agité par des séismes sulfureux et démoniaques que la majorité des experts perdent la boussole et se livrent généralement à des analyses et des conclusions malveillantes et déplacées. La position du président des EUA envers la guerre en Ukraine a bouleversé les esprits au point où on est face à des interprétations et des analyses complètement contradictoires. Mais ce qui est certain, c'est que les esprits européens ont reçu un électrochoc douloureux et historique. Les esprits sont sidérés et anéantis. On ne s'attendait jamais à ça. On a toujours cru à l'alliance americano-européenne. On a toujours cru à la couverture sécuritaire des Américains. On a toujours cru au rempart/parapluie sécuritaire américain. On a toujours cru que l'Europe et les EUA partagent les mêmes valeurs. On a toujours cru à l'ordre mondial fondé sur les règles. Plus maintenant, c'est la fin d'une illusion. Le contact téléphonique le 12 février dernier entre Trump et Poutine qui a duré plus d'une heure et demie a mis fin à ces illusions.

Plusieurs illusions se sont dissipées auparavant et ce n'est que la nième dans une avalanche qui n'a pas l'air de s'adoucir et de se diluer. L'illusion de la démocratie, de la liberté et de l'émancipation, du droit de l'homme, de la liberté d'expression, de l'écologie, de la paix mondiale, de l'aide au développement, et j'en passe. Qui peut encore croire en ces slogans malintentionnés. Peut-être quelques esprits vitrifiés et lobotomisés.

De quoi s'agit-il ?

Il faut rappeler d'abord que le président américain a déclaré clairement lors d sa campagne électorale qu'il mettra fin aux guerres en Ukraine et à Gaza. Comme il s'est exprimé sur sa détermination à mener à bien des égards une lutte contre les médias mainstream et l'état profond. Ces quatre objectifs représentent la colonne vertébrale/la charpente de son programme stratégique en plus de MAGA. Et contrairement à ce que la plupart des analyses faites confirmant que Trump n'a pas de vision stratégique et que c'est un délirant et sans aucune ligne directrice cohérente, il serait erroné de partitionner ces objectifs.

Mais la question qui me taraude et que je pense que personne n'a abordé jusqu'à maintenant, c'est si ce clivage historique dont l'impact est colossal sur l'environnement géostrategique et géopolitique est éphémère ou au contraire c'est un processus à suivre ? Mais, quelle que soit la réponse qu'on peut soumettre à cette interrogation, on ne peut nous douter de la métamorphose qui s'opère et qui va sans doute révolutionner les paradigmes actuels.

Il s'agit de l'entretien téléphonique entre Poutine et Trump dans lequel ce dernier a fait des aveux qui étaient éhontés, infâmes et injurieux pour les élites européennes. Trump a confirmé sans ambages qu'il ne déploiera jamais ses troupes sur le territoire ukrainien, qu'il arrêtera la guerre en Ukraine et que l'Ukraine est obligée d'accepter la situation actuelle sur le terrain, autrement dit abandonner les quatre oblasts occupés actuellement. Après ce contact, Trump a déclaré qu'il était ravi d'entendre Poutine répéter plusieurs fois sa rhétorique «le bon sens» utilisée souvent dans ces discours de sa campagne électorale. De l'autre côté de la scène, une rage sans précédent s'est emparée de certains responsables européens, particulièrement la France, le RU. Un déferlement et un acharnement médiatique haineux et grossier envers Trump a occupé l'espace médiatique mainstream. L'unique réflexion qu'on peut dégager de cette frénésie et aveuglément est que ces pays n'ont jamais imaginé ce scénario et du coup, ne sont pas prêt à en faire face.

Lors de cette communication téléphonique, Poutine et Trump se sont mis d'accord sur une rencontre en Arabie saoudite le plus tôt possible. Pour préparer cette rencontre, une réunion de hauts responsables des deux pays se sont rencontrés pour se mettre d'accord sur un ensemble de points, dont notamment l'arrêt de la guerre en Ukraine.

Réaction des Européens

À la suite de cet événement, le président français a fait appel à deux réunions d'urgence de six pays européens et de quelques responsables de l'union européenne. L'objectif était de se focaliser essentiellement sur la possibilité de continuer la guerre en engageant plus d'armes et de frics. Les avis étaient tellement divergents voire même contradictoires qu'aucune déclaration officielle n'est ressortie de ces deux rencontres. Une autre réunion s'est tenue à Londres le 18 février présidé par le premier ministre Starmer dans laquelle a été invité dix-huit pays européens en plus du Canada et la Turquie et quelques responsables de l'union européenne en présence de Zelensky. Il s'avère encore que l'assombrissement et l'enfumage continuent à dépeindre les esprits et on arrive très mal à se mettre d'accord sur aussi bien la compréhension et l'assimilation des faits que sur les décisions à prendre.

Il est clair que la France et le Royaume-Uni représentent les va t'on guerre de cette cohorte. Ils font tout pour faire perdurer cette guerre sous prétexte que si on laisse faire, Poutine finira par envahir toute l'Europe. Beaucoup de mensonges, d'inversion des faits et de propagandes accompagnent cette assertion. De par le fait que Macron n'oubliera jamais l'humiliation que lui a fait subir Poutine lors de leur dernière rencontre à Moscou autour de la table gigantesque, les deux lauréats de l'enceinte YL, Keir Starmer et Macron ne peuvent se démarquer de leur vassalité envers leur maître. Les néo conservateurs et les lobbys de l'armement n'ont que les guerres dans leur viseur. Malheureusement, les contraintes sont là pour vous rappeler le bon sens et la sagesse. Il ne fait aucun doute que les européens sont consternés et leur plan odieux de prolonger la guerre pour user la Russie est en plein débâcle.

Lors de la dernière visite du premier ministre du Royaume-Uni aux États-Unis, Trump lui a demandé d'un air ironique et humiliant si l'Europe est capable d'engager une guerre contre la Russie sans l'aide des EUA. La réponse est bien sûr patente et lucide comme l'eau de roche. Même les experts et les généraux des médias mainstream le reconnaissent sans aucune ambiguïté.

Pourquoi ? Pour plusieurs raisons, dont essentiellement, primo, l'Europe n'a ni les moyens d'armement ni les moyens financiers pour cette manœuvre. Secundo, l'Europe ne peut pas assurer la communication à temps d'informations et de données nécessaires pour affiner les tactiques défensives et offensives sur les terrains de bataille. Tertio, l'Europe ne peut pas assurer la sécurité aérienne nécessaire. Continuer cette guerre sans les Américains relève du pur suicide.

Le dessin est clair et pourtant certains leaders européens signent et persistent pour assurer l'escalade de la guerre en Ukraine. Leur finasserie et faux-fuyant est que les pertes seraient beaucoup plus importantes si la Russie gagne cette guerre. Il paraît que certains responsables européens ne sont pas prêts à se défaire des deux dernières guerres mondiales et traînent encore la pesanteur hitlérienne dans leur profond sentiment. Peut-être aussi parce qu'ils ne peuvent pas imaginer un monde serein, calme et sans guerres. Pourtant dans tous ses écrits et ses déclarations, Hitler a été clair concernant ses penchants guerriers et expansionnistes. Par contre, Poutine a souvent suggéré l'adhésion de la Russie à l'OTAN. «celui qui ne regrette pas L'URSS est sans cœur et celui qui reste nostalgique à L'URSS est sans raison» précisait-il. Ceci dit, personne n'est dupe ni gobe-mouche, la Russie est dans une logique d'assurer sa sécurité et son existence et elle estime qu'elle a été trahie à plusieurs reprises, et à cet effet l'hypothèse de la conquête des pays Baltes de la Roumanie et de la Moldavie n'est pas à écarter. La conquête n'est pas nécessairement territoriale, elle peut être hybride.

La rencontre de Trump/Zelensky à Washington

Cette rencontre s'est déroulée dans le bureau ovale de la Maison-Blanche à Washington entre le président américain Trump et son homologue le président ukrainien Zelensky en présence d'un staff très restreint des deux pays. JD Vance, le vice-président américain y était. La discussion a été houleuse, agitée, tumultueuse et plein de rebondissements. Pour assurer une certaine impartialité et objectivité, on ne peut envisager une analyse manichéenne en jugeant sans nuance entre le bon et le méchant, entre l'agresseur et l'agressé, entre la victime et le bourreau. La quasi-totalité des commentaires faits dans ce sens sont tombés dans ce traquenard. Souvent parce que on arrive mal à se détacher de nos sentiments et nos prérequis culturels et idéologiques.

En essayant de prendre du champ et du recul, il me semble que cette rencontre a été symbole d'une effronterie sans retenue, choquante et cynique des deux parts. Une rencontre où le langage diplomatique et de bienveillance a été balayé d'un revers de main. L'ignominie, l'arrogance et l'impudence des propos a déjà commencé depuis le début lorsque Trump s'est permis de faire des remarques désobligeantes sur la tenue vestimentaire de Zelensky. Mais à mon avis, les deux chocs terribles qui ont envenimé la séance c'est une fois, lorsqu'en s'adressant à JD Vance, Zelensky lui a demandé de quelle diplomatie il parle et l'autre fois, c'est quand Zelensky a commencé à expliquer à Trump que malgré l'océan qui les sépare, les EU ne seront pas épargnés de l'impact de cette guerre. Personnellement, je pense que les deux parties se sont laissées envahir par les émotions et l'orgueil en oubliant les normes diplomatiques nécessaires dans toute négociation de ce niveau-là et en particulier face aux caméras.

Sans reprendre les détails de ce cafouillage, que je qualifie de jugement de forme, essayons de replacer dans cette séquence les erreurs de fond. Nous savons tous que Zelensky est venu à Washington pour signer et valider le contrat d'exploitation de 50% des terres rares en Ukraine par les EU comme palliatif pour récupérer les 350 milliards de dollars qu'ils ont investi dans cette guerre. Et là, des questions de fond se posent. Si les Américains et les Européens ont jugé nécessaire de soutenir cette guerre stratégique pour eux, de quel droit évoquent ils la nécessité d'être remboursé ? Pourquoi les Américains s'acharnent sur le remboursement de leurs aides à l'accomplissement de cette guerre, alors que c'est eux qui l'ont provoquée ? Hollande et Merkel n'ont t'ils pas avoué que les accords de Minsk 1 et 2 n'ont été suggérés que pour préparer l'affrontement avec la Russie ? La guerre en Ukraine n'est-elle pas une guerre de procuration pour faire saigner la Russie à terme ? Depuis quand ces aides ont commencé à affluer en Ukraine ? Je veux dire par là que si les européens et les Américains ont jugé que cette guerre est bénéfique pour eux, ils doivent assumer les conséquences et ne doivent en aucun cas demander d'être remboursés. Par ailleurs, de quel droit Trump oblige Zelensky à lui signer et validé l'exploitation des terres rares de son bled ? Si ce n'est le droit du plus fort.

Réaction des Russes

En constatant le silence absolu de Poutine sur ces derniers événements, Sergueï Lavrov le ministre des Affaires étrangères de la Russie par contre s'est largement exprimé en insistant vivement sur le rejet catégorique de la proposition de déployer des «soldats de maintien de la paix» européens en Ukraine. Comme il a félicité le président américain Donald Trump pour son «bon sens» concernant son initiative à un cessez-le-feu entre la Russie et l'Ukraine. Et surtout il a déclaré que «Donald Trump est un pragmatique. Son slogan est le bon sens. Il signifie une transition vers une manière différente de faire les choses». Il a ajouté que «Lorsque les intérêts ne convergent pas, il est du devoir des puissances responsables d'empêcher que ce décalage ne dégénère en confrontation. C'est absolument notre position».

Si on accepte le pragmatisme et le bon sens de Trump concernant sa volonté à mettre fin à cette guerre malgré qu'on ne soit pas au courant des détails des concessions faites de part et d'autre, on est en droit de se demander si ce pragmatisme peut être extrapolé à toutes les déclarations faites par Trump, notamment concernant l'évacuation des gazaouis et la construction d'une côte d'Azur sur les terres de Gaza, l'achat de Groenland, la considération de Canada comme 51ème états et le contrôle systématique du golfe de Panama. Peut-on parler de pragmatisme et de bon sens pour quelqu'un qui compte imposer des droits de douane sur tous ceux qui réfutent et n'acceptent pas ses consignes et ses orientations ? Il me semble que ça serait difficile de nous faire avaler encore une fois cette pilule amère.

Conclusion

D'aucuns peuvent nier le chamboulement et les changements que vont déclencher les décisions prises par Trump. C'est un vrai séisme qui va percuter de nombreuses réalités figées depuis des décennies et des appréhension acquises qui semblaient être éternelles. L'attitude des européens ces dernières semaines est révélatrice. C'est une attitude de désarroi et de sidération. On parle de continuer à soutenir la guerre mais on ne sait pas comment tout en sollicitant les garanties de sécurité des EUA. On parle du partage nucléaire français mais on ne sait pas jusqu'à où ils peuvent étendre leurs intérêts vitaux. On parle de déploiement des soldats européens de maintien de la paix après l'instauration du cessez-le-feu et on connaît le rôle des européens dans cette guerre depuis le début de ce conflit et même plusieurs années avant.

La grande et pertinente question à mon avis concerne le maintien à terme de cette décision par Trump et ce que l'avenir nous réserve comme surprises. L'humiliation des responsables européens et particulièrement Zelensky est palpable et le soutien de Poutine est catégorique. Je pense que beaucoup de cartes ne sont pas encore jouées et celles qui sont déjà jouées ne sont pas encore dévoilées. Les jours très proches qui viennent vont nous dévoiler des choses surprenantes. Elles sont tributaires d'un ensemble d'éléments dont essentiellement la hantise de Trump de MAGA et les contraintes que représentent les BRICS++ pour l'accomplissement de cet objectif et plus particulièrement la dédollarisation et les corridors de connectivité.

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