L'absurde projet de Trump consistant à annexer Gaza ne sera jamais toléré par les Palestiniens.
Source : Michel Moushabeck, Truthout
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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Depuis que le président Donald Trump a pris ses fonctions il y a près de deux semaines, il a signé des dizaines de décrets qui nuiront à chacun d'entre nous ici sur le plan national, et qui accentueront encore davantage le repli sur soi et l'affaiblissement de la position des États-Unis dans le monde.
Immédiatement après son investiture, le président Trump a signé un décret qui résilie les sanctions imposées aux colons extrémistes de Cisjordanie qui ont commis des crimes violents contre des Palestiniens. Il a également annulé les restrictions imposées par l'ancien président Joe Biden à l'envoi à Israël des bombes de 2 000 livres qui peuvent effacer des quartiers entiers, et a autorisé l'envoi d'armes supplémentaires, à hauteur d'un milliard de dollars, au gouvernement israélien.
Plus récemment, il a aussi signé des décrets imposant un gel du financement de l'USAID dans le monde entier, interdisant tout financement de l'UNRWA dans le futur - c'est pourtant la seule agence à même d'acheminer l'aide dont Gaza a désespérément besoin - et retirant les États-Unis du Conseil des droits humains de l'ONU après l'avoir accusé de partialité anti-israélienne. Il a également pris un décret visant à réprimer la dissidence pro-palestinienne, la mobilisation sur les campus contre le génocide israélien, et a menacé d'expulsion les étudiants étrangers détenteurs d'un visa d'étudiant.
Toutes ces mesures - auxquelles s'ajoutent les nominations résolument pro-israéliennes à des postes clés - confirment le soutien inconditionnel des États-Unis au génocide israélien et continuent de soustraire l'État d'apartheid à toute obligation de rendre des comptes.
Et maintenant, le comble de toutes les surprises
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est le premier dirigeant d'un pays étranger à être invité à la Maison Blanche depuis l'entrée en fonction de Trump. Avant leur rencontre du 4 février, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a décrit la visite de Netanyahu comme une « réunion de travail » et a affirmé que le président « continue de soutenir Israël et de veiller à ce que les terroristes barbares de cette région subissent un véritable enfer ».
Lors d'une conférence de presse organisée à la suite de cette réunion, le président Trump a fait une déclaration fracassante, annonçant : « Les États-Unis prendront le contrôle de la bande de Gaza, et nous ferons du bon travail. Nous en serons propriétaires. »
Quelques jours à peine après qu'un demi-million de Palestiniens déplacés ont fait le difficile voyage pour retourner vers leurs maisons et quartiers complètement détruits dans le nord de Gaza, le président Trump a inconsidérément plaidé pour le transfert de 2 millions de Palestiniens vers les pays voisins - mais, bien sûr, pas vers Israël.
Interrogé par un journaliste sur l'éventualité d'un recours à la force militaire dans le cadre du plan qu'il propose, il a répondu : « En ce qui concerne Gaza, nous ferons le nécessaire. Si c'est nécessaire, nous le ferons. »
Ce n'est pas la première fois que le cercle rapproché de Trump fait allusion à la transformation de Gaza en « Riviera du Moyen-Orient ». Le 15 février 2024, lors d'une interview à l'université de Harvard, Jared Kushner, le gendre du président, a fait l'éloge du caractère « très lucratif » d' « immeubles en bord de mer » à Gaza. Il a suggéré qu'Israël déloge les Palestiniens pendant le « nettoyage » de la bande de Gaza.
Lors de sa conférence de presse, Trump a affirmé qu'il s'était entretenu avec les dirigeants de la région. « Tous ceux à qui j'ai parlé adorent l'idée que les États-Unis possèdent ce morceau de terre », a-t-il déclaré. Mais se pourrait-il qu'il n'ait parlé qu'à une seule personne - son gendre - et qu'il agisse sur ses conseils ?
Quiconque a vu les vidéos diffusées sur les médias sociaux qui montrent la joie des Palestiniens alors qu'ils rentrent chez eux dans le nord de Gaza malgré sa dévastation totale - et qu'ils montent des tentes sur les décombres de leurs maisons détruites - comprendra ce que signifie pour les palestiniens l'attachement à leur patrie. Personne, y compris le président Trump, ne peut naïvement croire que les Palestiniens quitteront volontairement leur patrie pour se réinstaller ailleurs.
Bassam Muhammad Abdulraouf, 29 ans, a exprimé le sentiment général des Palestiniens en déclarant à NPR qu'il n'avait aucunement l'intention de quitter Gaza. Il a déclaré : « Même s'il existait un endroit un million de fois mieux que Gaza, et même si je pouvais être sûr que la vie y serait luxueuse, je serais quand même prêt à vivre au milieu des décombres et dans des tentes ici. S'ils viennent avec l'armée, avec la force militaire, encore une fois, jamais je ne partirai. »
La Palestine appartient à son peuple autochtone ; elle n'appartient pas à ceux qui ont volé la terre, déplacé de force ses habitants et qui ont maintenant l'intention de procéder au nettoyage ethnique de ceux qui sont restés.
Les États-Unis vont « s'approprier » Gaza et transférer 2 millions de Palestiniens dans les pays voisins
Je ne vois rien de plus ridicule que cette proposition, que cette annonce choc soit une manœuvre de diversion conçue pour nous accabler ou une tactique de négociation pour faire avancer l'objectif ultime d'un accord de normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël. S'il s'agit de cette dernière - une exigence que Trump a l'intention de modifier ultérieurement pour la faire passer pour une concession - il s'agirait d'un chapitre datant du premier mandat de Trump, lorsqu'il est revenu sur son soutien à l'annexion de la Cisjordanie par Israël en échange de la normalisation de la relation entre les Émirats arabes unis et Israël.
L'annexion de Gaza par les États-Unis est une proposition complètement irresponsable. Elle constitue non seulement une violation du droit international et un crime de guerre interdit par la Convention de Genève, mais si elle devait se produire, elle aura des ramifications négatives dans le monde entier. C'est la garantie d'un désastre et d'une violence sans fin qui aura des effets déstabilisateurs dans toute l'Asie du Sud-Ouest. Elle engendrera une opposition farouche de la part des 146 pays - plus des trois quarts des États membres des Nations unies - qui ont officiellement reconnu l'État de Palestine et noué des relations diplomatiques avec ce dernier. Elle donnera lieu à des manifestations anti-israéliennes et anti-américaines encore plus importantes dans le monde entier.
Tout d'abord, cette proposition ne manquera pas de faire dérailler la deuxième phase des négociations en vue d'un cessez-le-feu et du retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza. Elle donnera à Netanyahou et à son gouvernement d'extrême droite un prétexte pour reprendre les bombardements sur Gaza et empêcher les camions d'aide d'entrer dans l'enclave, poursuivant ainsi la famine intentionnelle et le nettoyage ethnique des Palestiniens sur leurs terres.
Et comme si cela ne suffisait pas, Trump a également déclaré qu'il prendrait une décision concernant l'annexion potentielle de la Cisjordanie par Israël dans les quatre prochaines semaines - une décision préconisée par celui qu'il a nommé ambassadeur des États-Unis en Israël, le chrétien évangélique ultra-sioniste Mike Huckabee. Si Israël annexe officiellement la Cisjordanie, il s'agira d'une étape décisive vers la solution « sans État », qui consiste à vider les territoires occupés de tous les Palestiniens.
Le moment est venu pour tous les autres États membres des Nations unies qui ne l'ont pas fait de reconnaître l'État de Palestine et de soutenir l'arrêt de la Cour internationale de justice qui a déclaré que l'occupation par Israël de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est - ainsi que le système d'apartheid israélien - est illégale et doit cesser immédiatement.
Les dirigeants mondiaux rejettent le plan du président Trump
Bien que l »excursion' proposée à Gaza s'écarte de leur programme « L'Amérique d'abord », les Républicains ont unanimement salué le plan de Trump, qu'ils qualifient de « novateur » et de « sortant des sentiers battus ». Dans un message sur X, le secrétaire d'État Marco Rubio a repris l'affirmation du président Trump. Il a écrit : « Comme @POTUS nous l'a dit aujourd'hui, les États-Unis sont prêts à diriger et à rendre Gaza belle à nouveau. (Make Gaza Beautiful Again)
Mais à l'exception des Républicains et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui a salué Trump comme « le plus grand ami qu'Israël ait jamais eu à la Maison Blanche », le projet du président Trump de s'emparer de Gaza et d'envoyer 2 millions de Palestiniens vivre « en paix et en harmonie » ailleurs - ce qui revient en fait à un nettoyage ethnique les bannissant de leur patrie - a été condamné par les dirigeants du monde entier.
Aux États-Unis, la députée Rashida Tlaib a écrit sur les médias sociaux : « Les Palestiniens ne vont aller nulle part. Ce président ne peut débiter ces conneries fanatiques que grâce au soutien bipartisan du Congrès qui accepte le financement du génocide et du nettoyage ethnique. Il est temps que mes collègues qui défendent la solution à deux États s'expriment. »
En Israël, l'ancien Premier ministre Ehud Olmert a déclaré à NPR : « Toutes les parties concernées, à l'exception d'Israël, sont totalement opposées à ce projet. » Et l'ancien ministre israélien des affaires étrangères, Shlomo Ben-Ami, a déclaré à la NPR : « C'est totalement irréaliste et cela reflète un manque total de connaissances quant au contexte historique, aux origines des Palestiniens et à leur identité collective. »
Les dirigeants du monde arabe ont catégoriquement rejeté le plan de Trump, notamment l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, qui ont publié une lettre commune condamnant le transfert forcé des Palestiniens de Gaza comme une menace pour la paix dans la région, comme l'a rapporté le New York Times.
Le mardi 4 février, le ministère saoudien des affaires étrangères a publié une déclaration réitérant le soutien « ferme et inébranlable » de la nation à la création d'un État palestinien et affirmant qu'à défaut, elle n'établirait aucune relation diplomatique avec Israël. Il a déclaré : « L'Arabie saoudite réitère également son rejet sans équivoque, déjà annoncé précédemment, de toute atteinte aux droits légitimes du peuple palestinien, que ce soit par le biais de politiques de colonisation israéliennes, de l'annexion de terres palestiniennes ou de tentatives visant à déplacer le peuple palestinien de ses terres.
Une opposition similaire a été rapidement exprimée par les dirigeants européens, dont ceux qui, avec les États-Unis, sont complices du génocide de Gaza. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a déclaré : « Les Palestiniens doivent pouvoir rentrer chez eux. Ils doivent être autorisés à reconstruire, et nous devrions les accompagner dans cette reconstruction sur la voie d'une solution à deux États. » La ministre allemande des affaires étrangères, Annalena Baerbock, a déclaré dans un communiqué qu'il serait « inacceptable et contraire au droit international » de déplacer des citoyens palestiniens hors de Gaza. Reuters rapporte que le ministère français des affaires étrangères a publié une déclaration dans laquelle Paris « réitère son opposition à tout déplacement forcé de la population palestinienne hors de Gaza ».
Gaza n'a pas été frappée par une catastrophe naturelle ; elle a été détruite par les bombes américaines et les frappes aériennes israéliennes
Lors de sa conférence de presse, le président Trump a parlé de Gaza comme si la ville avait eu de la « malchance » et avait été dévastée par une catastrophe naturelle. Il a déclaré que Gaza était un symbole de mort et de destruction depuis si longtemps et qu'elle était « très malchanceuse depuis longtemps ». Il a ajouté : « La présence de Gaza n'a jamais été une bonne chose. Elle ne devrait pas être soumise à un processus de reconstruction et d'occupation par les mêmes personnes qui ont combattu en son nom, qui y ont vécu, qui y sont mortes et qui y ont vécu une existence misérable.
« Je ne pense pas que les gens devraient retourner à Gaza. Je pense qu'ils n'ont pas eu de chance à Gaza. Ils ont vécu un véritable enfer. »
Lorsqu'on lui a demandé si les Palestiniens seraient autorisés à retourner à Gaza, il a répondu : « J'espère que nous pourrons faire quelque chose de vraiment bien, de vraiment chouette, où ils ne voudront pas revenir, ajoutant : j'espère que nous pourrons faire quelque chose où ils n'auront pas envie de revenir. Qui voudrait y retourner ? Ils n'ont connu que la mort et la destruction. »
Ni les États-Unis ni Israël n'ont le droit de procéder au nettoyage ethnique d'une population autochtone. Si le président Trump continue avec l'expulsion forcée des palestiniens de Gaza, il commettra un crime de guerre qui pourrait lui valoir un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, au même titre que son ami Netanyahou.
La Palestine est dans l'ADN des Palestiniens - notre attachement à notre terre est inébranlable. C'est faire preuve de myopie que de croire qu'après près d'un siècle de souffrance et de lutte pour l'égalité et la liberté - sans parler des sacrifices de plus de 62 000 personnes massacrées à Gaza au cours des 16 derniers mois et des milliers de Palestiniens qui croupissent toujours dans les prisons israéliennes - les Palestiniens vont abandonner la lutte pour l'autodétermination et la fin de l'oppression, de l'apartheid et de l'occupation.
En dépit de la proposition destructrice de Trump, la volonté des Palestiniens du monde entier est claire comme de l'eau de roche : Gaza - ou toute partie du territoire occupé - n'est pas sur le marché. Il n'y aura pas de développement immobilier sur les cadavres de milliers de Palestiniens. Soyez assurés que les Palestiniens résisteront de toutes leurs forces à la « belle » colonisation et à l'occupation par les États-Unis - nous refuserons la vision de Trump de transformer Gaza en « Riviera du Moyen-Orient » avec des terrains de golf, des casinos et des stations balnéaires de type Mar-a-Lago.
Ne touchez pas à la bande de Gaza occupée, à la Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
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Michel Moushabeck est écrivain, éditeur, traducteur et musicien palestino-américain. Il est le fondateur et l'éditeur d'Interlink Publishing, une maison d'édition indépendante du Massachusetts créée il y a 38 ans. Plus récemment, à titre d'invité, il a édité le numéro d'hiver de la Massachusetts Review intitulé « A View from Gaza » (Point de vue depuis Gaza). Suivez-le sur Instagram @ReadPalestine.
Source : Michel Moushabeck, Truthout, 06-02-2025
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises