08/10/2025 legrandsoir.info  5min #292811

 Trump propose Tony Blair pour assurer la transition à Gaza et Netanyahu annonce à l'Onu qu'Israël doit « finir le travail »

Ghaza désarmée, l'entité sioniste rassurée

AGGOUN, Mustapha

Qualifié d'« historique » par ses promoteurs et salué avec empressement par plusieurs chancelleries arabes et occidentales, le plan de Donald Trump pour Ghaza ressemble moins à une passerelle vers la paix qu'à un carcan soigneusement façonné pour étouffer toute revendication palestinienne. Derrière les discours solennels prononcés à la Maison-Blanche, aux côtés de Benjamin Netanyahou, se cache un texte en 20 points dont l'architecture trahit une neutralité de façade et un déséquilibre structurel qui saute aux yeux.

Au cœur du projet, une exigence récurrente : le désarmement du Hamas et des autres factions palestiniennes. Pas seulement des roquettes et des tunnels, mais jusqu'aux kalachnikovs. Une « démilitarisation totale » qui, aux yeux des Palestiniens, sonne comme une reddition pure et simple. Dans tout processus de paix sérieux, la démilitarisation se fait progressivement, en échange de garanties politiques et sécuritaires. Ici, elle est posée comme préalable absolu une exigence unilatérale, déconnectée de la réalité d'une population assiégée et bombardée depuis des années.

Cette clause suffirait à résumer l'esprit du texte : une sécurité israélienne priorisée, une souveraineté palestinienne reléguée à plus tard, conditionnée à des réformes vagues et jamais définies. La promesse d'un Etat palestinien n'apparaît que comme une chimère suspendue à des critères mouvants, que Tel-Aviv pourrait invoquer indéfiniment pour retarder l'échéance.

Les spécialistes parlent de « zones grises » : formulations floues qui permettent à Israël de garder la main. Le retrait de l'armée israélienne ? Oui, mais seulement après la libération des otages et d'une partie des prisonniers palestiniens. Et encore, le texte n'exclut pas la possibilité d'une présence militaire permanente dans certaines zones de Ghaza, notamment le long de la frontière avec l'Egypte. Autrement dit : même en cas d'accord, Ghaza resterait un territoire sous haute surveillance, fragmenté, sans véritable autonomie.

Le plan va jusqu'à imposer que les otages soient libérés en une seule fois, là où, historiquement, les échanges se font par étapes, chaque étape permettant de garantir l'acheminement de l'aide humanitaire ou le recul effectif des troupes. Ici encore, tout est conçu pour répondre aux demandes maximalistes d'Israël, sans tenir compte des mécanismes de confiance minimaux dont aurait besoin une population exsangue.

Peut-on encore parler d'un « processus de paix » quand la souveraineté est suspendue à des réformes imposées et à une gouvernance transitoire pilotée de l'extérieur ? Plusieurs chercheurs soulignent que ce plan enterre définitivement l'idée d'une solution à deux Etats. Il isole Ghaza, l'arrache du reste de la Palestine et en confie l'administration à des acteurs étrangers. En somme, une tutelle qui perpétue la dépendance et neutralise l'horizon d'un Etat viable.

C'est une façon subtile de transformer la question palestinienne en un simple problème humanitaire : on promet la reconstruction, des aides, des projets d'infrastructures mais sans souveraineté réelle, sans unité territoriale, sans reconnaissance politique claire.

Israël, lui, sort de ce plan conforté et protégé. Le texte légitime son droit à maintenir des troupes à Ghaza, à contrôler les périmètres stratégiques, à conditionner la reconstruction à des critères de sécurité qui lui sont favorables. Il gagne aussi une couverture diplomatique : plusieurs pays arabes, pourtant conscients du déséquilibre, ont salué les « efforts sincères » de Donald Trump. Ce chœur de louanges sert surtout à normaliser le statu quo et à présenter Israël comme le camp raisonnable, ouvert au compromis.

En réalité, l'asymétrie saute aux yeux : les Palestiniens doivent renoncer à leurs armes, céder leurs marges politiques, accepter une gouvernance étrangère. Israël, lui, conserve ses garanties sécuritaires, ses marges militaires et sa capacité à retarder indéfiniment toute avancée politique.

Exiger d'un peuple meurtri, frappé par plus de 66 000 morts et une famine déclarée, qu'il renonce à tout moyen de résistance avant même d'obtenir des garanties sérieuses de souveraineté, c'est ignorer l'histoire et les lois élémentaires des négociations de paix. Un plan de ce type ne pacifie pas : il fige l'injustice, il fabrique de la frustration, il entretient la colère.

Le délai imposé trois ou quatre jours pour répondre relève presque de l'humiliation diplomatique. Comme si la complexité d'un conflit vieux de 75 ans pouvait se réduire à un ultimatum, sous la menace d'une reprise des frappes. C'est moins une offre de paix qu'une injonction de capitulation.

Peut-on croire encore à la neutralité d'un plan conçu dans le bureau ovale, présenté main dans la main avec Benjamin Netanyahou, et relayé par des chancelleries pressées de tourner la page du drame palestinien ? Tout indique que ce projet est un texte taillé sur mesure pour Israël, habillé d'un vernis diplomatique pour séduire l'opinion internationale.

Le vrai enjeu n'est pas la paix, mais la consolidation d'un rapport de force. Un rapport qui laisse les Palestiniens face à un choix impossible : accepter une paix mutilée, ou continuer à résister au risque d'être broyés.

Ce plan n'ouvre pas un chemin de réconciliation : il trace un corridor étroit où les Palestiniens doivent avancer les mains liées, tandis qu'Israël conserve la clé des portes. Une « paix » qui ressemble à une reddition encadrée.

En somme, il ne s'agit pas d'une solution mais d'un miroir aux alouettes : une architecture diplomatique fragile, construite sur un déséquilibre flagrant. Et comme souvent dans l'histoire des conflits asymétriques, quand la justice n'est pas au rendez-vous, la paix reste une illusion.

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