05/05/2025 lesakerfrancophone.fr  8min #276928

 Accord sur les terres rares : l'Ukraine versera 50% des revenus des licences et des rentes minières à un fonds commun avec les États-Unis

Guerre en Ukraine. L'accord sur les minerais ramène Trump sur le devant de la scène

Par  Moon of Alabama - Le 3 avril 2025

Cette semaine, les États-Unis et l'Ukraine ont signé un « accord sur les minéraux ». Cet accord permettra aux États-Unis de tirer profit de toutes les futures explorations de minéraux et d'hydrocarbures dans les territoires contrôlés par le régime de Kiev.

Cet accord est né d'un projet que l'(ancien) président Zelenski avait colporté dans le cadre de son « plan de victoire » l'année dernière. Il avait espéré obtenir un soutien supplémentaire sous la forme d'armes et même d'une intervention militaire directe contre la Russie en échange d'un accès aux minerais de terres rares en Ukraine. Avec l'accord actuel, Trump a pris la deuxième partie sans offrir de garantie pour la première.

On ne sait toujours pas ce qu'implique réellement l'accord signé aujourd'hui. Le texte de l'accord-cadre  a été publié (en russe) par le gouvernement ukrainien. Il reste cependant deux accords supplémentaires qui définissent les détails les plus importants.

Le gouvernement ukrainien affirme que seule la première partie a été signée. Les deux autres ne suivront que lorsque le parlement ukrainien, la Rada, aura ratifié l'accord principal. Plusieurs médias « occidentaux » ont  contredit cette affirmation. Les trois parties de l'accord ont été signées. Mais le gouvernement ukrainien garde secrets les détails des deuxième et troisième parties de l'accord, car les conditions qu'elles imposent sont extrêmement mauvaises pour l'Ukraine.

Comme  le résume Strana (traduction automatique) :

Le document publié par le gouvernement ukrainien et signé hier ne contient aucune précision sur les aspects fondamentaux des activités du fonds.

En particulier, les détails de la gestion du fonds et le mécanisme de prise de décision pour disposer des fonds reçus par le fonds ne sont pas spécifiés.

...

Il est seulement fait référence au fait que la distribution des actions du fonds, ses principes de gestion et d'autres questions spécifiques seront régis par un accord de partenariat limité supplémentaire, qui, selon les autorités ukrainiennes, doit encore être signé (rappelons que les médias américains écrivent qu'il a déjà été approuvé).

...

Dans le texte publié de l'accord, l'objectif du fonds (partenariat) est extrêmement vague : « devenir un mécanisme phare pour encourager les investissements transparents, responsables et tournés vers l'avenir dans les secteurs critiques de l'économie ukrainienne afin de soutenir la stratégie de redressement du pays ».

Dans le même temps, le texte de l'accord contient des engagements clairs sur les contributions de l'Ukraine au fonds (50 % du coût des nouvelles licences d'exploitation minière), mais ne contient pas d'engagements spécifiques sur les contributions des États-Unis. Washington ne s'engage pas non plus à poursuivre l'assistance militaire. Il est seulement écrit que s'il y a encore des livraisons d'armes, elles seront comptabilisées comme une contribution américaine au fonds.

L'accord sera sans aucun doute utilisé par les États-Unis pour dépouiller l'Ukraine de tout ce qui lui reste de valeur.

En même temps, il n'engage pas les États-Unis à faire quoi que ce soit.

Avec cette capitulation, Zelenski a rempli tout ce que l'administration Trump avait exigé de lui pour un cessez-le-feu. Les États-Unis n'ont cependant aucun moyen de faire pression sur la Russie pour obtenir un cessez-le-feu. Le président Poutine et d'autres responsables russes ont clairement fait savoir qu'ils n'avaient pas intérêt à ce que les combats cessent, mais qu'ils souhaitaient un accord de paix durable.

L'administration Trump n'a ni la volonté ni les capacités de négocier et de conclure un accord de paix à long terme avec la Russie.

C'est pourquoi  elle s'en lave les mains :

Le secrétaire d'État Marco Rubio a indiqué jeudi qu'un accord de paix entre la Russie et l'Ukraine était toujours envisageable, tout en soulignant que les pays d'Europe de l'Est étaient toujours en désaccord et qu'il n'y avait « pas de solution militaire ».

« Je pense que nous savons où en est l'Ukraine, et nous savons où en est la Russie et où en est [le président russe Vladimir] Poutine. Ils sont encore très éloignés l'un de l'autre », a-t-il déclaré à Sean Hannity sur Fox News. « Ils se sont rapprochés, mais ils sont encore loin l'un de l'autre ».

Rubio dit en substance : « Nous avons obtenu ce que nous voulions. Maintenant, sortons d'ici » :

« Il arrive un moment où le président doit décider combien de temps il va consacrer aux plus hauts niveaux de notre gouvernement, alors que peut-être l'une des deux parties ou les deux ne sont pas assez proches, alors qu'il y a tant de problèmes, je dirais même plus importants, qui se déroulent dans le monde, non pas que la guerre en Ukraine ne soit pas importante », a déclaré le secrétaire d'État jeudi.

Le vice-président Vance  a confirmé cette prise de position :

Le vice-président américain JD Vance a déclaré jeudi soir que la guerre du Kremlin en Ukraine était loin d'être terminée et qu'il appartenait désormais à la Russie et à l'Ukraine de mettre fin aux combats, Washington envisageant de se retirer des pourparlers de paix.

« C'est à eux [la Russie et l'Ukraine] de trouver un accord et de mettre fin à ce conflit brutal », a déclaré Vance lors d'un entretien avec Bret Baier, de Fox News.

« Ce conflit ne va nulle part », a déclaré Vance lors d'un entretien avec Bret Baier, de Fox News. « Il n'est pas prêt de s'arrêter », a-t-il ajouté.

Aujourd'hui, alors que l'accord sur les minerais est signé, les États-Unis affirment qu'ils n'ont plus aucune responsabilité dans ce qui se passe en Ukraine.

Mais l'accord sur les minerais est aussi, de l'autre côté, un piège pour maintenir les États-Unis engagés dans la guerre.  Comme l'explique Yves Smith :

Notre prédiction selon laquelle cet accord serait un facteur de perturbation dans la normalisation des relations entre les États-Unis et la Russie semble tout à fait opérationnelle, comme nous l'avions prédit dès le départ.

Nous avions prévenu dès le départ que l'accord sur les « matières premières » de l'Ukraine allait à l'encontre de l'accord des États-Unis sur le règlement du conflit ukrainien en créant une incitation économique pour les États-Unis à aider l'Ukraine à conserver autant de territoire que possible.

... En d'autres termes, l'accord sur les minerais allait certainement être une source de conflit avec la Russie s'il se concrétisait un jour. Le fait que l'administration ait poursuivi l'accord avec autant d'acharnement montre qu'elle privilégiait une victoire éclatante mais de faible valeur, voire nulle, à la normalisation des relations avec la Russie.

Il se peut que les États-Unis soient déjà de nouveau pleinement engagés dans la guerre. Dès la signature de l'accord sur les minerais, le département d'État  a informé le Congrès d'une vente d'armes à l'Ukraine pour un montant de plus de 50 millions de dollars.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, une attaque de drone à grande échelle a eu lieu en Crimée depuis l'Ukraine. La nuit dernière, une autre attaque, encore plus importante, a eu lieu. Lors de cette attaque, l'Ukraine a utilisé  des missiles de croisière Storm Shadow qui ont besoin des coordonnées des services de renseignement américains pour atteindre leurs cibles (traduction automatique) :

Pour la première fois depuis janvier, la Russie a annoncé une frappe de missiles britanniques Storm Shadow.

C'est ce que rapporte le ministère de la défense de la Fédération de Russie.

Le ministère a annoncé l'abattage de huit missiles de ce type au-dessus de la mer Noire.

...

La dernière fois que la Fédération de Russie a officiellement fait état de l'attaque des Storm Shadow, c'était il y a près de trois mois, le 15 janvier.

Toujours en Russie, un raid massif de drones a été signalé en Crimée (96 ont été abattus) et dans le territoire de Krasnodar (47 drones ont été abattus). En outre, 14 bateaux sans pilote ukrainiens auraient été détruits en mer Noire.

Rappelons que dans la nuit du 2 mai, la Crimée a également fait l'objet d'une attaque massive de drones. Les explosions ont eu lieu, en particulier, dans les régions où se situent des aérodromes militaires.

Sans le soutien des services de renseignement américains (et britanniques), ces récentes attaques n'auraient pas été possibles.

Cela montre que Trump n'a pas encore rendu publique sa décision de poursuivre la guerre, même si les États-Unis n'ont aucune chance de la gagner.

Michael Brenner  explique comment le « narcissisme diabolique » de Trump a conduit à ce résultat.

Lorsque la Russie lancera sa grande offensive d'été après le Jour de la Victoire, le 9 mai, il deviendra évident que faire la paix avec la Russie aurait été la voie la plus difficile, mais aussi la plus fructueuse.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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