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Ugo Mattei est professeur de droit public de l'université de Turin (Piémont, Italie) et de Berkeley (Californie, États-Unis).
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"Le gouvernement de Draghi avant et de Meloni maintenant ont participé avec l'Otan sans critique aux livraisons d'armements à l'Ukraine contre la Russie." Dans ce Debriefing, Ugo Mattei, professeur de droit public de l'université de Turin (Piémont, Italie) et de Berkeley (Californie, États-Unis), présente une pétition qui a déjà reçu plus de 80 000 signatures. Son but : dénoncer le risque d'une instrumentalisation du Festival de Sanremo à des fins de propagande guerrière "pour dire à l'opinion publique qu'il faut qu'ils donnent pour des raisons morales des armements à l'Ukraine". Une guerre menée, selon l'universitaire, "dans l'intérêt du complexe militaire et financier anglo-américain". La version française du texte de la pétition se trouve sous la vidéo.
Ce Festival de la chanson italienne, depuis ses débuts, est l'un des événements populaires le plus apprécié des transalpins : des millions de personnes suivent son spectacle retransmis en direct par la RAI Italia (le service public audiovisuel italien, ndlr) dans le monde entier.Qu'il soit apprécié ou non, celui-ci représente un aspect de l'identité culturelle du Bel Paese. L'Italie a ainsi rayonné sur la scène musicale internationale grâce à de nombreux tubes planétaires lancés à Sanremo qui célèbrent la vie, le bonheur et l'amour.
Nous avons appris avec incrédulité que le clou de l'évènement se fera, probablement ce 11 février 2023, avec l'intervention de Volodymyr Zelensky, chef d'État de l'un des deux pays qui se combattent dans une guerre sanglante démarrée au Donbass.
Cette guerre terrible, fratricide, aux portes de l'Europe, nourrie sans cesse par d'irresponsables livraisons d'armes et par des intérêts économiques et géostratégiques inavouables, nous amène au bord du brasier nucléaire pour la première fois depuis la crise des missiles de Cuba.
Une guerre aux raisons complexes, au travers du fait que l'Otan soit allée "aboyer aux frontières de la Russie" (pour reprendre la déclaration du pape François), n'a fait qu'aggraver durablement la répression brutale du gouvernement nationaliste de Zelensky contre la population russophone, principalement dans le Donbass.
Une guerre qu'en tant qu'Italiens, ou issus d'autres peuples européens, avons le devoir constitutionnel de "répudier", et pas seulement de refuser, conformément à l'article 11 de la Constitution, alors que nous continuons à participer directement ou indirectement à son financement qui favorise une escalade meurtrière.
Non seulement l'État italien envoie (à l'instar d'autres au sein de l'Europe) des armes en augmentant le budget militaire (dans une période économique très difficile pour la majorité des Italiens et des européens), mais il laisse l'Otan (dont principalement les États-Unis) utiliser son territoire à sa guise, en l'absence de toute forme de contrôle du gouvernement, du Parlement et du peuple italien.
En raison de cette position crédule et très passive, l'Italie a renoncé à remplir l'important rôle de médiation géopolitique qui correspond à sa stature et à sa vocation historique, abdiquant du même coup son propre intérêt national et son rôle de fondateur du processus d'unification de l'Europe en tant que structure destinée à garantir la paix entre les nations.
Ces dernières semaines, alors que la propagande de guerre fait rage dans les journaux contrôlés par les intérêts financiers d'un bloc qui s'identifie aux intérêts de l'Otan, le remplacement des dispositifs nucléaires précédents par les Américains est en cours.
Ceux-ci, déjà placés sur le sol italien depuis des années (en violation du traité de non-prolifération nucléaire signé par les États-Unis et l'Italie), seront désormais remplacés par des dispositifs de dernière génération, dotés d'une intelligence artificielle et d'une totale manœuvrabilité à distance. Une installation très dangereuse, y compris à court terme, et dont le peuple italien est tenu dans l'ignorance, après s'être pourtant exprimé à plusieurs reprises contre le risque nucléaire.
Nous considérons donc qu'il est tragiquement ridicule que Zelensky soit invité au Festival de Sanremo. Cela est profondément irrespectueux envers la grande partie de l'opinion publique qui n'approuve pas les politiques militaires des gouvernements Draghi et Meloni.
Le drame qui se déroule aujourd'hui en Ukraine n'est, en fait, que l'épilogue d'un conflit beaucoup plus long (dont celui du Donbass déjà évoqué) que les principaux membres de l'Otan - ceux à qui l'Italie est désormais partie liée ! - ont largement contribué à faire durer en aidant militairement l'Ukraine au fil des années.
En tant qu'intellectuels, nous avons le devoir de comprendre ce qui se passe dans les coulisses et nous nous rendons donc disponibles pour parler au peuple italien et aux peuples du monde, que nous invitons dans ce but à venir à Sanremo le samedi 11 février pour participer à une grande assemblée populaire de rue. L'Italie doit sortir immédiatement de la guerre en interrompant toute aide directe ou indirecte à l'une des parties au conflit. L'Italie ne peut pas rester un dépôt d'engins nucléaires mortels sous contrôle américain, ni un lieu de laboratoires de guerre et de centres de recherche. Il est nécessaire de libérer son territoire de cette présence.
Nous serons à Sanremo le 11 février 2023 pour dire au monde, de manière résolue et rationnelle, mais déterminée et claire : la répudiation de la guerre signifie que la répudiation doit être inconditionnelle - sans « si » et sans « mais ». La souveraineté italienne ne peut être limitée que pour assurer la paix et la justice entre les nations (article 11 de la Constitution italienne).
La pétition en italien est accessible en cliquant sur le lien ici.
Ugo Mattei (Générations futures/CLN; juriste, professeur à l'université)
Manlio Dinucci (Comité No Nato No War ; journaliste)
Germana Leoni (Comité No Nato No War / CLN; journaliste)
Franco Cardini (historien, professeur d'université)
Carlo Freccero (journaliste de masse) - Giorgio Bianchi (journaliste, activiste)
Alberto Bradanini (ancien ambassadeur) - Paolo Ferrero (ancien ministre)
Xavier Azalbert (directeur de la publication de FranceSoir)
Joseph Halevi (économiste, professeur d'université)
Moni Ovadia (metteur en scène, dramaturge)
Paolo Cappellini (historien du droit, professeur d'université)
Guido Viale (Association Laudato Si' ; sociologue, essayiste)
Geminello Preterossi (philosophe du droit, professeur d'université)
Franco Guarino (journaliste) - Elisabetta Frezza (juriste, auteur)
Roberto Michelangelo Giordi (auteur, compositeur)
Alessandro Somma (juriste, professeur d'université)
Savino Balzano (syndicaliste, essayiste) - Anna Cavaliere (juriste, professeur d'université)
Thomas Fazi (économiste, essayiste) - Carlo Magnani (juriste, chercheur)
Pasquale De Sena (juriste, professeur d'université)
Alessandra Camaiani (juriste, chercheuse) - Giovanni Messina (juriste, chercheur)
Gabriele Guzzi (économiste, président de L'Indispensabile)
Giulio Di Donato (philosophe du droit, chercheur)
Sara Gandini (épidémiologiste, biostatisticienne, professeur d'université)
Simone Luciani (éditeur) - Sirio Zolea (juriste, chercheur)
Alessandro Di Battista (homme politique, journaliste)
Giuseppe Mastruzzo (directeur du Collège universitaire international de Turin)