Incompatibilité des BRICS et de l'Occident-poussif
• Une interview particulièrement éclairante de l'expert Timofei Bordachev sur l'identification des BRICS, animal économique mutant en métapolitique. • Une approche fondamentale sur laquelle nous reviendrons.
Nous présentons une interview que nous jugeons intéressante pour bien comprendre ce que sont devenus les BRICS par rapport à ce qu'ils étaient, et nous dirions sans l'avoir expressément voulu ni préparé en aucune façon, comme selon un plan minutieusement préparé (on pourrait nommer cela : "un complot", ce qui en rassurerait beaucoup).
Un "expert" russe a répondu aux questions d'Elena Gorbatcheva, de la revue 'Expert', - justement. Il s'agit du politologue Timofei Bordachev, directeur académique de l'Institut central de recherche en arts contemporains HSE, directeur du programme du Club de discussion international Valdaï et membre du RIAC... Que du beau monde.
Note de PhG-Bis : « Quant à Elena Gorbatcheva, nous avons renoncé à déterminer s'il y a un lien de parenté avec l'ancien dirigeant soviétique. Nous n'avons pas assez de connaissance pour cela. Nous observons par ailleurs que cela n'a, dans l'état actuel des choses, qu'une importance accessoire, anecdotique. »
Il y a beaucoup de contestation et de polémique d'interprétation sur les BRICS, notamment sur leur rôle politique par rapport à la globalisation. A ceux qui, comme Bordachev, vous disent que les BRICS (ex-BRIC) se sont réunis à partir de 2009 parce que "tout ce que ces pays voulaient" séparément...
« c'était profiter de la globalisation et accroître progressivement leur influence au sein de l'ordre international créé par l'Occident après 1945 »,
les esprits critiques-vigilants répondent qu'ils n'ont que faire de ces balivernes qui dissimulent le fait que les BRICS sont une "opposition contrôlée" à la globalisation construite en tant que telle par les tenants de la globalisation ; qu'en fait les BRICS veulent la globalisation et accroître progressivement leur influence au sein de l'ordre international créé par l'Occident après 1945. Et lorsque Bordachev en rajoute,
« Et je définirais son idée principale [du 'club' des BRICS] comme le désir de préserver la globalisation, mais de la rendre plus juste pour les pays participants »,
Ces mêmes critiques écartent décisivement cette ultime baliverne en affirmant, preuve finale selon eux qu'en fait les BRICS sont une opposition contrôlée et qu'ils veulent « préserver la globalisation ». Bref, ce qui est présenté publiquement et sans dissimulation comme un fait historique en évolution est considéré comme la preuve finale et intangible de la culpabilité sans appel.
Comme l'on voit on tourne en rond, comme c'est aujourd'hui le cas, d'une façon complètement, absolument systématique, lorsqu'il s'agit de porter un jugement sur tel acte, telle situation, telle crise en-cours ayant rapport avec la GrandeCrise, - c'est-à-dire à peu près tout de quelque importance politique. Donc, c'est-à-dire à propos des critiques des BRICS, - "tourner en rond", vous dit-on, ou bien marcher en faisant du sur-place.
De ce point de vue qui écarte la polémique pour la recherche de vérité-de-situation cachée, nous considérons l'interview de Bordachev comme un élément très intéressant à mettre dans le dossier d'évaluation des BRICS, à condition qu'on en use d'une façon originale et constructive. Pour l'instant nous la considérons de cette façon théorique mais sans dissimuler une seconde qu'elle contient des précisions du plus haut intérêt, sur lesquelles nous reviendrons très rapidement et en détail. Il s'agit bien entendu de l'affirmation que les BRICS, comme le dit Bordachev « ne peuvent pas se développer sur la voie de l'Occident » (c'est le titre initial de l'interview). L'idée est que les BRICS sont destinés à se développer horizontalement alors que la méthode occidentale est un développement "vertical" (« sur le principe "d'un leader et d'une tribu" »). Ces affirmations sont faites selon un point de vue économique mais nous prétendons avec la plus grande force qu'il y a désormais un point de vue politique sinon métapolitique dans le cadre métahistorique, et qu'il est en train, à une vitesse extraordinaire, de marginaliser complètement le point de vue économique, - que les BRICS le veuillent ou non.
L'interview de Bordachev par Elena Gorbatcheva a paru le 31 août 2023 sur le 'scobricksinsight.com'. Cette interview est introduit par un texte de présentation...
« Après que l'Argentine, l'Éthiopie, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, l'Égypte et l'Iran rejoindront officiellement les BRICS l'année prochaine, leur PIB combiné représentera 37 % de celui mondial. De plus, il contrôlera près de 50 % de la production mondiale de pétrole et 40 % de ses exportations. Le contrôle des ressources énergétiques constitue en effet une sérieuse tentative de multipolarité.« Étonnamment, il y a quelques années encore, même dans les cercles analytiques russes, l'attitude à l'égard de cette association de pays était souvent plutôt sceptique. Qu'est-ce que les BRICS et quel rôle jouent-ils dans la politique moderne ? »