29/05/2025 2 articles les-crises.fr  8min #279458

 Un drone israélien bombarde la Flottille de la liberté pour Gaza près des côtes maltaises

Israël a de nouveau attaqué les navires d'aide à destination de Gaza

Qu'est-ce que cela dit de l'État d'Israël et de ceux qui le soutiennent qu'il puisse s'en tirer en attaquant à plusieurs reprises des cargos d'aide destinés aux civils palestiniens ?

Source :  Jacobin, Seraj Assi
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La Coalition de la flottille de la liberté est un réseau international de militants contre le génocide qui s'efforcent de mettre fin au blocus illégal de Gaza par Israël. (Su Cassiano / Middle East Images / AFP via Getty Images)

Vendredi, peu après minuit, les forces israéliennes ont bombardé via des drones armés un navire d'aide humanitaire transportant de la nourriture et des médicaments vers la bande de Gaza assiégée. Le navire civil, qui appartient à la Coalition de la flottille de la liberté [FFC pour Freedom Flotilla Coalition, NdT], transportait trente militants de la solidarité internationale originaires de vingt-et-un pays. Avant de se rendre à Gaza, le navire devait s'arrêter à Malte pour embarquer une quarantaine de personnes supplémentaires, dont Greta Thunberg, militante du changement climatique et des droits humains, et Mary Ann Wright, colonel de l'armée américaine à la retraite.

Le navire a été attaqué près de Malte alors qu'il se trouvait dans les eaux internationales, à plus de 1 600 nautiques de Gaza. Il a immédiatement pris feu et a commencé à chavirer, sa coque ayant subi une brèche importante.

« Le navire est en train de couler », a déclaré Yasemin Acar, attachée de presse de la coalition, à CNN par téléphone depuis Malte. « Attaquer des militants internationaux des droits humains dans les eaux internationales est un crime de guerre », a affirmé Mme Acar.

La coalition a ajouté dans un communiqué : « La frappe du drone semble avoir délibérément visé le générateur du navire, privant l'équipage d'électricité et exposant le navire à un grand risque de naufrage. »

Des images publiées par la FFC sur les médias sociaux montrent un incendie sur le navire, avec des passagers à bord marchant dans la fumée qui semble avoir englouti le navire, tandis que le bruit de deux fortes explosions peut également être entendu dans une autre vidéo. Des photos prises à bord du navire montrent également de grands trous dans la structure, qui semble en grande partie carbonisée et couverte de suie (Trevor Ball, ancien membre d'une équipe de neutralisation des explosifs et munitions de l'armée américaine, a déclaré à CNN que les photos correspondaient à l'utilisation de deux petites munitions à effet de souffle.)

Alors que le gouvernement maltais a déclaré vendredi que le navire et son équipage avaient été mis en sécurité aux premières heures de la matinée après qu'un remorqueur situé à proximité eut participé aux opérations de lutte contre l'incendie, les organisateurs de la flottille ont insisté sur le fait que le navire « était toujours en danger », comme l'a rapporté l'agence Reuters.

L'attaque de drone était une attaque délibérée contre des civils.

Depuis Malte, Mary Ann Wright a déclaré à CNN : « N'importe qui aurait pu se trouver sur le bateau. [...] Nous ne pensions même pas que cela arriverait. C'est la chose la plus folle au monde. Le bateau était à l'ancre, attendant notre arrivée. Qui enverrait des drones pour bombarder un navire ancré au large de Malte ? Cela devrait être un avertissement pour tous les pays européens. »

Cette attaque s'inscrit dans le cadre de la campagne brutale menée par Israël pour affamer les Palestiniens de Gaza, qui subissent un blocus total et des bombardements incessants depuis deux mois, et dont plus de deux millions de personnes sont au bord de la famine. Vendredi, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a publié un rapport avertissant que la réponse humanitaire à Gaza est « au bord de l'effondrement total. » Le Programme alimentaire mondial (PAM) a indiqué cette semaine que « ses entrepôts sont désormais vides. Les soupes populaires qui fonctionnent encore rationnent sévèrement leurs derniers stocks, et le peu de nourriture qui reste sur les marchés de Gaza est vendu à des prix exorbitants que la plupart des gens ne peuvent pas se permettre. »

La Coalition de la flottille de la liberté est un réseau international de militants contre le génocide qui s'efforce de mettre fin au blocus illégal de Gaza par Israël et de fournir une aide humanitaire à l'enclave assiégée en menant des actions non violentes et symboliques. « À bord, des militants internationaux des droits humains mènent une mission humanitaire non violente pour contester le siège illégal et mortel de Gaza par Israël, et pour acheminer une aide vitale dont on a désespérément besoin », a déclaré le groupe dans un communiqué.

S'adressant à Reuters depuis Malte, Thunberg a déclaré que le navire d'aide était « l'une des nombreuses tentatives d'ouvrir un couloir humanitaire et de faire notre part pour continuer à essayer de briser le siège illégal d'Israël sur Gaza », où « depuis deux mois maintenant, pas une seule bouteille d'eau n'est entrée à Gaza, et c'est une famine systématique pour deux millions de personnes. » Sans se décourager, Thunberg s'est engagée : « Ce qui est certain, c'est que nous, militants des droits humains, continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour jouer notre rôle. »

Francesca Albanese, rapporteur spécial des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, a déclaré sur les réseaux sociaux qu'elle avait « reçu un appel bouleversé de la part des membres de la Flottille de la liberté qui transportent des vivres et des médicaments essentiels à la population affamée de Gaza. »

À la suite de l'assaut, la coalition a demandé l'ouverture d'une enquête sur d'éventuels crimes de guerre, déclarant dans un communiqué : « Les ambassadeurs israéliens doivent être convoqués et répondre des violations du droit international, notamment du blocus en cours et du bombardement de notre navire civil dans les eaux internationales. »

Tout porte à croire qu'il s'agit bien d'Israël. Citant le site web de suivi des vols ADS-B Exchange, CNN a rapporté vendredi qu'un C-130 Hercules de l'armée de l'Air israélienne a été repéré au départ d'Israël jeudi en début d'après-midi et en direction de Malte. « Les données montrent que le Hercules n'a pas atterri à l'aéroport international de Malte, mais que l'avion cargo a volé à une altitude relativement basse - moins de 5 000 pieds - au-dessus de l'est de Malte pendant une longue période. Le Hercules a survolé l'île plusieurs heures avant que la Coalition de la flottille de la liberté n'affirme que son navire a été attaqué. L'avion est retourné en Israël environ sept heures plus tard, selon les données de suivi de vol. »

Huwaida Arraf, une organisatrice de la FFC, a écrit dans un courriel au Washington Post : « Israël nous a menacés et attaqués à de nombreuses reprises, notamment en 2010, où 10 de nos volontaires ont été tués. C'est également la principale entité qui souhaite nous empêcher d'entrer dans la bande de Gaza et d'y acheminer de l'aide. »

La condamnation mondiale a été rapide et sans équivoque. Luigi Daniel, expert en droit international humanitaire, a qualifié l'opération de « crime, au sein d'un crime. » Itamar Mann, professeur associé à l'université de Haïfa, a déclaré que l'attaque « constitue une violation manifeste du droit à la vie, ainsi qu'un crime de guerre. » Shahd Hammouri, expert palestinien en droit international, a déclaré : « Israël est prêt à bombarder des navires humanitaires pour maintenir sa politique d'affamer le peuple palestinien comme méthode de guerre. »

Vendredi, Amnesty International a renouvelé son appel à Israël pour qu'il lève son blocus humanitaire étouffant et son siège dévastateur de Gaza, qui sont à la fois « inhumains et cruels », le qualifiant de « nouvelle preuve de l'intention génocidaire d'Israël à Gaza » et avertissant : « La politique du gouvernement israélien consistant à imposer délibérément aux Palestiniens de Gaza des conditions de vie calculées pour entraîner leur destruction physique équivaut à un acte de génocide. »

Parallèlement, un avocat du département d'État a déclaré cette semaine à la Cour internationale de justice qu'Israël « n'a pas le devoir » d'autoriser l'aide de l'ONU à Gaza et que les États-Unis soutiennent pleinement l'interdiction de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) décrétée par Israël.

À la suite de l'attaque de vendredi, les Palestiniens de Gaza, assiégés depuis près de vingt ans, ont eu un sentiment de tragique déjà-vu et se souviennent avec horreur que les attaques israéliennes contre les navires humanitaires sont aussi anciennes que le siège lui-même.

Israël attaque depuis longtemps les navires d'aide à destination de la bande de Gaza assiégée. En mai 2010, trois ans après le début du siège, Israël a attaqué six navires civils de la Flottille de la liberté pour Gaza dans les eaux internationales de la mer Méditerranée, tuant dix passagers et en blessant trente autres. Les navires transportaient des fournitures humanitaires pour Gaza et avaient à leur bord des civils agissant en solidarité avec les Palestiniens assiégés.

Un rapport du Conseil des droits humains des Nations unies a jugé le blocus illégal et a déclaré que l'attaque d'Israël contre le navire « trahissait un niveau inacceptable de brutalité », avec des preuves « d'homicide volontaire. » Malgré l'indignation mondiale suscitée par cette attaque, le vice-président de l'époque, Joe Biden, a pris l'initiative de défendre l'attaque israélienne contre le convoi d'aide humanitaire, qualifiant le raid meurtrier de « légitime », applaudissant le droit d'Israël à assiéger les Palestiniens de Gaza et rejetant la responsabilité sur les victimes. « Alors, quel est le problème ? Pourquoi insister pour que l'aide aille directement à Gaza ? » a déclaré Biden.

Selon le droit international, la famine forcée est un crime de guerre, un crime contre l'humanité et un acte de génocide. Pourtant, la complicité et le soutien inconditionnel des États-Unis au fil des ans ont permis à Israël d'attaquer et de tuer des civils en toute impunité.

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Seraj Assi est un écrivain palestinien vivant à Washington, et l'auteur, plus récemment, de My Life As An Alien (Tartarus Press).

Source :  Jacobin, Seraj Assi, 03-05-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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