
Par Orly Noy, le 18 septembre 2025
La ville de Gaza est en proie aux flammes, alors que l'armée israélienne lance l'offensive terrestre dont elle menace depuis longtemps, après des semaines de bombardements incessants. Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, déjà visé par un mandat d'arrêt international pour crimes contre l'humanité, a qualifié cette dernière attaque d'"opération intensive". Je vous invite à regarder les images diffusées depuis Gaza pour comprendre ce que signifie réellement cet euphémisme.
Regardez les yeux emplis d'une terreur sans égale, dans les moments les plus sombres de ce génocide en cours depuis deux ans. Les rangées d'enfants recouverts de cendres gisant sur le sol ensanglanté d'un centre médical autrefois prospère - certains à peine vivants, d'autres hurlant de douleur et de peur - tandis que des mains désespérées tentent de les réconforter ou de les soigner avec les quelques rares moyens médicaux encore disponibles. Les cris des familles qui fuient sans savoir où aller. Observez les parents fouiller les décombres à la recherche de leurs enfants, les membres qui dépassent des gravats, un ambulancier bercer une fillette immobile en la suppliant, en vain, d'ouvrir les yeux.
Ce qu'Israël inflige à Gaza n'est pas le résultat fortuit d'événements imprévisibles, mais un acte d'extermination prémédité, perpétré froidement par "l'armée du peuple", c'est-à-dire par nos voisins israéliens : pères, fils et frères.
Comment se fait-il qu'aucun mouvement de refus massif n'ait vu le jour en Israël, alors que les témoignages provenant des camps de concentration et d' extermination de Gaza sont de plus en plus nombreux ? Après deux ans de carnage, il est inconcevable que seuls quelques objecteurs de conscience soient emprisonnés. Même les " refus gris", c'est-à-dire des soldats de réserve qui ne s'opposent pas à la guerre pour des raisons idéologiques, mais qui sont simplement épuisés et s'interrogent sur sa pertinence, sont malheureusement bien trop peu nombreux pour ralentir, voire arrêter, la machine à tuer.
Qui sont ces âmes serviles qui font fonctionner le système ? Comment une société aussi profondément et historiquement divisée - entre religieux et laïcs, colons et libéraux, kibboutzniks et citadins, immigrants de longue date et nouveaux arrivants - peut-elle ainsi s'unir dans une seule et même volonté de massacrer les Palestiniens sans la moindre hésitation ?
Des Israéliens de droite manifestent près de la frontière avec Gaza pour soutenir le rétablissement des colonies israéliennes dans la bande de Gaza, dans le sud d'Israël, le 30 juillet 2025. (© Tsafrir Abayov/Flash90)
Au cours des 23 derniers mois, la société israélienne a déployé un impressionnant arsenal de mensonges pour justifier et permettre la destruction de Gaza, non seulement aux yeux du monde, mais surtout de sa propre population. Le principal de ces mensonges est l'affirmation selon laquelle les otages ne peuvent être libérés que par la pression militaire. Pourtant, ceux qui exécutent les ordres de l'armée, semant la mort à Gaza, savent pertinemment qu'ils prennent le risque de tuer les otages. Les bombardements aveugles d'hôpitaux, d'écoles et de quartiers résidentiels, associés à ce profond mépris pour la vie des otages israéliens, prouvent que l'objectif véritable de cette guerre est l'extermination totale de la population civile de Gaza.
Israël est en train de perpétrer un holocauste à Gaza, et cela ne saurait être imputé à la seule volonté des dirigeants fascistes actuels du pays. Cette horreur dépasse de loin Netanyahu, Ben Gvir et Smotrich. Nous assistons à la phase finale de la nazification de la société israélienne.
Il est désormais urgent de mettre fin à cet holocauste. Mais l'arrêter n'est que la première étape. Si la société israélienne veut un jour renouer avec l'humanité, elle doit se soumettre à un important processus de dénazification.
Une fois que la poussière des morts se sera déposée, nous devrons revenir sur nos pas jusqu'à la Nakba, aux expulsions massives, aux massacres, aux confiscations de terres, aux lois raciales et à l'idéologie de la suprématie qui a normalisé le mépris des peuples autochtones de cette terre, ainsi que le vol de leurs vies, de leurs biens, de leur dignité et de l'avenir de leurs enfants. Ce n'est qu'en affrontant ce mécanisme destructeur inhérent à notre société que nous pourrons commencer à l'éradiquer.
Ce processus de dénazification doit commencer dès maintenant et il commence par le refus. Le refus de participer activement à la destruction de Gaza, mais aussi de revêtir l'uniforme, quel que soit le grade ou le poste. Le refus de rester dans l'ignorance. Le refus d'être aveugle. Le refus de se taire. Pour les parents, il est du devoir de protéger la prochaine génération afin qu'elle ne commette pas de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
Des Palestiniens pleurent leurs proches tués lors d'attaques israéliennes, à l'hôpital Al-Shifa, à Gaza, le 21 août 2025. (© Yousef Zaanoun/Activestills)
La dénazification doit également impliquer la prise de conscience que ce qui est révolu ne peut perdurer. Il ne suffira pas de remplacer simplement le gouvernement actuel. Nous devons abandonner le mythe d'un Israël " juif et démocratique", un paradoxe dont l'emprise a contribué à ouvrir la voie au désastre qui nous ronge aujourd'hui.
Cette escroquerie doit cesser, et il faut reconnaître clairement qu'il ne reste que deux options : un État juif messianique et génocidaire, ou un État véritablement démocratique pour tous ses citoyens.
C'est l'adhésion à la logique ethno-supremaciste du sionisme qui a permis l'holocauste de Gaza. Il faut donc le dire clairement : le sionisme, sous toutes ses formes, ne peut être lavé de la souillure de ce crime. Le sionisme doit être aboli.
La dénazification sera longue et globale, touchant tous les aspects de notre vie collective. Nous sacrifierons probablement encore plusieurs générations, victimes et bourreaux, avant que ce fléau ne soit complètement éradiqué. Mais ce processus doit commencer dès aujourd'hui, en refusant de commettre les horreurs quotidiennes perpétrées à Gaza et de les banaliser.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Orly Noy est rédactrice chez Local Call, militante politique et traductrice de poésie et de prose farsi. Elle est présidente du conseil d'administration de B'Tselem et militante au sein du parti politique Balad.