Par Hassan Jouni, le 7 novembre 2024
Au cours d'une opération terrestre d'un mois qui a mobilisé cinq divisions, des armes sophistiquées et une puissance aérienne et navale implacable, Israël n'a pas réussi à s'emparer d'un seul village libanais, car les résistants continuent de faire échec à toute incursion terrestre.
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Ces dernières semaines, les réalités du champ de bataille au Sud-Liban ont brossé un tableau sombre des défis auxquels l'armée israélienne est confrontée.
Plus d'un mois s'est écoulé depuis que l'État d'occupation a annoncé le début de ses opérations terrestres, et malgré le déploiement de forces massives - avec cinq divisions militaires comprenant plus de 50 000 soldats, équipées d'armes de pointe, soutenues par une gigantesque flotte aérienne et navale - les avancées marquantes sont inexistantes.
Malgré les tentatives de progression à travers la frontière nord, d'ouest en est, les avancées de l'armée israélienne ont été infimes, dépassant rarement les trois kilomètres en territoire libanais. Elle s'est surtout concentrée sur l'axe Al-Adaisa-Rab Thalateen, après l'échec d'une manœuvre visant à capturer Aita al-Shaab.
Aita al-Shaab : une bataille symbolique
Cette ville, résiliente et inflexible face à des centaines de frappes aériennes et d'artillerie, a repoussé les attaques israéliennes successives. Quand les forces d'occupation ont échoué à progresser le long de cet axe, elles ont redirigé leur assaut vers Khiam, dans l'espoir d'une percée dans une nouvelle direction.
Aita a une valeur symbolique très forte pour l'armée israélienne - sa prise était considérée comme un objectif tant psychologique que stratégique, depuis la guerre de 2006. L'ennemi a lancé des centaines de raids aériens et d'attaques d'artillerie, déterminé à détruire les maisons d'Aita, à pénétrer dans ses rues et à hisser son drapeau.
À cette fin, ils ont manœuvré pour encercler Aita par l'ouest, dans l'espoir de l'isoler du reste du Liban. Cette décision tactique était audacieuse, mais elle a coûté cher. Les combattants de la Résistance du Hezbollah, maîtrisant le terrain et les faiblesses de leurs assaillants, ont réussi à isoler les troupes israéliennes de leurs unités de soutien, les contraignant finalement à battre en retraite.
La résistance opiniâtre, soutenue par les régions voisines comme Hunayn, a déjoué la stratégie israélienne et infligé des pertes considérables à l'armée.
Après avoir été chassé d'Aita, l'ennemi s'est tourné vers Al-Adaisa et Taybeh, estimant qu'une offensive de la frontière vers le fleuve Litani pourrait donner de meilleurs résultats. La colonie de Meskvaam a fourni aux Israéliens une base de tir efficace grâce à sa situation surélevée, mais cet avantage n'a pas suffi à briser les capacités de la Résistance.
Israël ne parvient pas à "planter sa tente" à Khiam
Chaque tentative d'avancée se heurte à une contre-attaque féroce. L'ennemi a de nouveau tenté sa chance, cette fois à partir de la Colonie de Metulla, dans le but d'encercler Khiam par l'est.
Une fois de plus, la Résistance a rejeté chaque offensive, tenant les hauteurs et empêchant les forces israéliennes de prendre pied dans cette ville stratégique - une ville dont l' histoire est jalonnée de luttes et offrant une vue imprenable non seulement sur le Liban, mais aussi sur la frontière.
C'est à Khiam (qui signifie "tentes") que l'armée d'occupation, en collaboration avec les milices de l'Armée du Sud-Liban (ALS), a géré une prison et un centre de torture tristement célèbres, avant d'être contrainte de se retirer en 2000.
Les manœuvres israéliennes de ces derniers jours révèlent des tendances qui en disent long sur leur stratégie et ses limites. L'armée d'occupation s'est, comme à l'accoutumée, fortement appuyée sur les forces aériennes, l'artillerie et le soutien naval pour éviter les affrontements directs avec les combattants de la Résistance.
Cette dépendance excessive des tactiques à distance a ralenti l'avancée des unités terrestres et réduit leur efficacité. Les terribles missiles Kornet que possède la Résistance peuvent détruire des cibles blindées à une distance de cinq à sept kilomètres, compromettant ainsi toute avancée des blindés.
Ces difficultés ont privé l'infanterie d'un soutien suffisant, limitant ainsi sa profondeur d'action. Opérant en groupes soudés de neuf à onze soldats, ils craignent d'être capturés, et ces mouvements hésitants et prudents font d'eux des cibles plus faciles pour la Résistance, qui saisit chaque occasion de frapper, infligeant ainsi à Israël des pertes conséquentes.
Limites de la stratégie d'Israël dans le Sud-Liban
Malgré les frappes aériennes et d'artillerie continus, la Résistance a maintenu son contrôle sur le front, lançant des attaques à la roquette et à l'artillerie de l'autre côté de la frontière. De nombreux sites clés ont ainsi été ciblés à plusieurs reprises.
En conséquence, l'armée israélienne n'a pas réussi à occuper un seul village au Sud-Liban. Les villages situés le long de la frontière ont subi d' importantes destructions - la plupart de leurs maisons ont été rasées au mépris flagrant du droit international, y compris des principes du droit humanitaire - mais Israël n'a toujours pas été en mesure de les occuper et de les contrôler.
La détermination légendaire de la Résistance a envoyé un message clair : aucune avancée militaire décisive n'est envisageable ici. Toute avancée au Liban aura un coût énorme et, même si elle a lieu, il sera pratiquement impossible d'en garder le contrôle.
L'histoire est riche des souvenirs douloureux des incursions passées d'Israël dans le sud du Liban, et il semble qu'Israël doive une fois de plus en tirer les enseignements.
L'une des caractéristiques les plus frappantes de cette confrontation actuelle est le recours stratégique aux drones par la Résistance. Ces drones se sont révélés remarquablement efficaces pour infiltrer l'espace aérien israélien, esquivant les systèmes de défense les plus modernes comme le Dôme de fer et la Fronde de David.
L'armée de l'air israélienne a peiné à faire face à ces menaces aériennes efficaces, ne parvenant pas à les intercepter malgré de multiples tentatives. Ce nouveau facteur a redessiné le champ de bataille et représente un défi de taille pour Tel-Aviv.
Les drones sont devenus des armes stratégiques. Leur impact se fait sentir non seulement sur le plan tactique, mais aussi sur le plan politique, car ils continuent de planer au-dessus de lieux stratégiques, passant outre les défenses et tombant où bon leur semble - y compris la maison du Premier ministre Benjamin Netanyahu et une base militaire près de l'aéroport Ben Gourion.
Un état d'insécurité persistant
Si les manœuvres terrestres d'Israël ont échoué, le pays a tenté de compenser ces revers par sa domination aérienne. Les raids aériens massifs et les initiatives visant à mettre un terme aux incursions de drones ont transféré une grande partie de la bataille vers le ciel.
Toutefois, malgré leur puissance destructrice, les opérations aériennes n'ont pas modifié les réalités du terrain. Israël ne parvient pas à assurer sa sécurité, en particulier dans le nord du pays, car les colons refusent toujours de rentrer "chez eux" - le retour des colons étant l'un des objectifs clés déclarés de Tel-Aviv dans sa guerre contre le Liban.
En effet, l'équation de la "sécurité défaillante" se vérifie des deux côtés de la frontière. Alors que le Liban endure la destruction de ses villes et de son patrimoine, Israël est confronté à une insécurité différente, mais non moins significative.
La pluie constante de roquettes et la présence persistante de drones ont anéanti le sentiment de sécurité dans les villes, les bases, les fermes et les casernes israéliennes. La stabilité ne semble pouvoir être rétablie que lorsqu'Israël sera prêt à s'engager à nouveau à respecter les termes de la résolution 1701 de l'ONU.
Telle est la dure réalité sur le terrain. Les défenseurs du Sud-Liban ont fait preuve de résistance et de compétence, tandis que la campagne d'Israël, malgré le soutien des États-Unis et une puissance de feu supérieure, se heurte à la résistance de ses adversaires et à l' évolution constante de la dynamique de la guerre moderne.