« Depuis le début de l'année scolaire en septembre, la vie de ces enfants palestiniens du village de Ras a-Tin, à l'est de Ramallah en Cisjordanie, a été transformée au-delà de toute reconnaissance, grâce à la construction d'une école sur place », raconte Gideon Levy dans Haaretz.
Auparavant, ils devaient marcher plus de sept kilomètres chaque matin pour se rendre à l'école dans le village le plus proche, Mughayir, puis prendre le même chemin pour rentrer chez eux, soit 15 km aller-retour dans la chaleur et le froid, dans le vent et la pluie, et parfois aussi face aux attaques des colons en cours de route. Ainsi, fin août, la communauté a décidé d'agir : elle construirait sa propre école.
Avec l'aide du ministère palestinien de l'Éducation et de GVC, une organisation d'aide de la Commission européenne basée en Italie, le miracle s'est produit. Les résidents ont construit une simple structure en briques de six pièces - cinq salles de classe et une salle des enseignants - recouverte d'un toit en tôle : l'école primaire du village de Ras a-Tin.
« C'est un spectacle très touchant, témoigne Gideon Levy. La simplicité du bâtiment blanc, les petites salles de classe spartiates qui ne contiennent que quelques tables de travail pour enfants, des chaises et un tableau blanc; les yeux pétillants des professeurs, l'enthousiasme des élèves. Auparavant, la plupart des enfants étaient fréquemment absents de l'école, ou abandonnaient complètement, à cause de l'épreuve du trek quotidien, mais maintenant le taux de fréquentation est élevé.
Le problème c'est que le rêve risque d'être brisé et l'école démolie.
« L'occupant israélien, qui gère la Cisjordanie, a déjà émis les ordres de démolition; les bulldozers sont en route. Il a d'abord tenté d'empêcher la construction du bâtiment, puis il a commencé à confisquer du matériel et du mobilier. La construction a commencé le 20 août. Onze jours plus tard, le 31 août, l'armée a confisqué des briques, des barres et du ciment.
Les travaux se sont toutefois poursuivis et le squelette de la structure était en place le 3 septembre. Puis l'occupant est revenu voler les plaques de fer-blanc destinées au toit. Les soldats en ont profité pour s'enfuir avec quatre palettes de briques, 30 chaises et 12 tables.
La course contre la montre de la communauté a atteint un sommet d'intensité trois jours plus tard, le 6 septembre : l'année scolaire était censée commencer. Au début, les élèves étaient assis par terre, entourés de murs gris non plâtrés et sans toit au-dessus de leurs têtes. Le 10 septembre, les forces israéliennes sont revenues et ont confisqué davantage de plaques de fer-blanc, qui servaient déjà de toit à la place de celles précédemment saisies. L'armée a également pris 12 autres tables que l'AP avait fournies. Les jours suivants, des contenants d'huile d'olive vides ont été utilisés comme tables. À présent, Israël empêche la ville de raccorder les toilettes des enseignants à une infrastructure de plomberie. Des « inspecteurs » israéliens se présentent régulièrement pour s'assurer que personne n'a raccordé la plomberie pour permettre de tirer la chasse de ces toilettes.
Mais les enfants s'acharnent à étudier et les enseignants à enseigner. Les classes sont mixtes. Au total, il y a 50 élèves, 30 filles et 20 garçons, six enseignants, une secrétaire et la directrice.
Un rapport a été soumis à la Cour suprême israélienne par un expert, au nom de l'ONG israélienne de défense des droits de l'homme Bimkon (Planners for Planning Rights). Il témoigne que l'école a une importance considérable pour la vie de ces élèves. « Pour certains d'entre eux, c'est leur seule possibilité de participer au système éducatif, car il est proche de leur domicile », écrit-il. « L'école permet à tous les enfants de la communauté d'exercer leur droit fondamental - le droit à l'éducation ».
« Si ces enfants devaient retourner dans leur ancienne école à Mughayir, note le rapport, des petites filles et des petits garçons, en première année, devront quitter la maison à 6 heures du matin pour arriver à l'école à temps pour leur premier cours. Ces enfants terminent leur journée d'école à 13 heures, mais rentreront chez eux seulement à 16 heures. Leur journée scolaire aura ainsi duré 10 heures, dont seulement la moitié est consacrée à l'apprentissage. Et en période de pandémie de coronavirus, cette situation est encore plus aiguë, car l'apprentissage en ligne est pratiquement inexistant dans une communauté dépourvue d'électricité, sans parler des ordinateurs et d'Internet. »
Le terrain sur lequel l'école primaire de Ras a-Tin a été construite est pourtant une propriété privée, dont le propriétaire palestinien a donné le feu vert pour la construction.
Environ 300 personnes, dont environ la moitié sont des enfants ou des adolescents, vivent dans le village de Ras a-Tin, où leurs parents gagnent leur vie en élevant des moutons et en cultivant du blé et d'autres céréales fourragères.
Les habitants de Ras a-Tin, plusieurs fois déplacés d'un endroit à un autre ont emménagé ici en 1971, mais de temps à autre ils sont forcés de quitter leurs maisons pour permettre des exercices d'entraînement de l'armée d'occupation. Par ailleurs, ils ne sont pas autorisés à creuser des puits, ils doivent apporter des contenants d'eau à un prix élevé. Et ils ne parviennent pas à être raccordés aux réseaux d'eau et d'électricité.
« Le village est situé à côté de la colonie de Kokhav Hashahar, qui constitue en soi une violation flagrante du droit international, qui interdit aux forces d'occupation d'exploiter les ressources naturelles dans une zone sous leur contrôle. Sur les collines environnantes, au-dessus de la Vallée du Jourdain, les avant-postes de colons et les maisons mobiles poussent comme des champignons vénéneux après la pluie. L'objectif des résidents israéliens est identique à celui de l'administration israélienne : étrangler et expulser les communautés pastorales palestiniennes des environs. »
« Dans de nombreux autres cas en Cisjordanie, des moyens ont été trouvés pour éviter la démolition d'écoles construites sans permis... mais il s'agissait d'exemptions s'appliquant uniquement aux colonies juives, pas aux autres résidents de la région », note Gideon Levy, qui souligne qu'il y a actuellement 21 autres écoles en Cisjordanie, menacées de démolition par Israel.
(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)
Source Gideon Levy dans Haaretz
CAPJPO-EuroPalestine