Les extrémistes de droite juifs qui se déchaînent violemment contre les Palestiniens sont soutenus par un réseau complexe de sources de financement tant en Israël qu'aux USA. Il est de notre devoir moral de les définancer.
Des partisans du groupe d'extrême droite Lehava en maraude, l'un d'eux portant un badge « Kahane avait raison », à Jérusalem le mois dernier. Photo : Emil Salman
Beaucoup d'entre nous ont vu avec horreur des jeunes juifs d'extrême droite marcher de la place de Sion jusqu'au quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est il y a deux semaines, en scandant « Mort aux Arabes » et en agressant les résidents palestiniens, lors d'un événement organisé par Lehava, une organisation juive extrémiste et violente.
Cette violence a été planifiée, en partie, sur des groupes WhatsApp dont les administrateurs comprennent Itamar Ben Gvir, membre nouvellement élu de la Knesset, du parti politique Otzma Yehudit lié à Lehava.
[Des suprémacistes juifs attaquent une maison (arabe) à Jérusalem. On peut entendre des enfants pleurer. C'est horrible t.co https://t.co/CzM1Ma25PD]
- Noa Landau נעה לנדאו (@noa_landau) 22 avril 2021
Dans une vidéo largement diffusée, des enfants palestiniens pleurent de peur lorsque des émeutiers juifs lancent des pierres sur leur maison. Dans une autre, une jeune femme juive explique à un intervieweur que, personnellement, elle n'appelle pas explicitement à brûler les villages [arabes], mais « je dis 'vous allez partir et nous allons venir y vivre' ».
Journaliste : Est-ce que les slogans « que votre village brûle »/ »mort aux Arabes » vous représentent ?
Manifestante : Peut-être pas quand c'est dit comme ça...
J : Dans quel sens ?
M : Je parle gentiment. Je ne dis pas « que votre village brûle », je dis « vous allez quitter votre village et nous allons y vivre ». Exactement ce que nous faisons dans la vieille ville. [https://t.co/jKiOCLEW63
Au cours d'une nuit violente, plus de 100 Palestiniens ont été blessés, et près de deux douzaines ont été hospitalisés.
Ces événements ont suivi des semaines de violence entre Israéliens et Palestiniens, notamment des attaques de Palestiniens contre des Juifs à Jérusalem et à Jaffa et des affrontements nocturnes entre de jeunes Palestiniens de Jérusalem-Est et la police après la fermeture inexpliquée des escaliers près de la porte de Damas, un lieu de rassemblement de longue date pour les adolescents et les jeunes adultes palestiniens pendant le ramadan (les barrières de police ont finalement été retirées après deux semaines de fermeture).
Il n'y a aucune excuse aux agressions contre les Juifs ou tout autre civil. Dans le même temps, nous devons faire la distinction entre les actions d'individus et celles de groupes organisés représentés à la Knesset et disposant d'un réseau complexe de sources de financement tant en Israël qu'aux USA.
Sur les médias sociaux, les organisations juives USaméricaines se sont empressées de condamner les extrémistes juifs. Avi Meyer, directeur des communications mondiales de l'American Jewish Committee, basé en Israël, a écrit : « J'ai honte et je suis dégoûté par la violence alimentée par la haine qui se déroule à un kilomètre et demi de chez moi à Jérusalem. Les individus qui la perpètrent sont aussi étrangers à moi et à mon judaïsme que les skinheads, les suprémacistes blancs et autres racistes du monde entier. Ils n'ont pas leur place ici.
L'ADL (Anti-Defamation League) a tweeté : « La violence et la haine ne sont jamais la réponse et ne font rien pour apaiser une situation déjà tendue. Nous sommes troublés par le fait que des voix extrémistes comme Lehava remplissent le vide. Les dirigeants israéliens et arabes doivent condamner fermement ces actions et cesser d'attiser les flammes de la haine ».
Mais en présentant les émeutiers juifs d'extrême droite comme des marginaux, on efface le rôle du gouvernement israélien et des bailleurs de fonds juifs usaméricains qui permettent et encouragent cette violence.
Des membres de l'organisation d'extrême droite Lehava protestant contre le mariage d'une femme d'origine juive et d'un homme musulman à Rishon Letzion, le 17 août 2014. Photo : Ofer Vaknin.
Au cours des dernières années, T'ruah, l'organisation que je dirige, a déposé plusieurs plaintes auprès de l'IRS (administration fiscale) concernant des fondations usaméricaines exonérées d'impôts qui acheminent des fonds à Lehava. Ces plaintes sont fondées sur le fait que Lehava est le successeur du mouvement Kach, fondé par le terroriste usaméricano-israélien et ancien membre de la Knesset Meir Kahane dans les années 1980.
Kach a été interdit par Israël en tant qu'organisation terroriste en 1988. Dans les années 1990, le département d'État a classé Kach et sa branche, Kahane Hay (Kahane vit), parmi les organisations terroristes étrangères.
Bien que Lehava n'ait pas son propre statut fiscal en Israël, des enquêtes menées par le Centre d'action religieuse d'Israël et le Bloc démocratique ont démontré que le groupe reçoit des fonds d'autres organisations israéliennes à but non lucratif enregistrées.
Ces groupes, à leur tour, sont financés par des fondations et des individus américains, notamment American Friends of Yeshivat HaRa'ayon HaYehudi (« Yeshiva de l'idée juive »), dont l'organisation partenaire est explicitement répertoriée par le département d'État, sous son nom anglais, comme une organisation terroriste étrangère, et Charity of Light Fund, nommé en hommage à Kahane.
Ces deux fondations sont dirigées par Levi Chazan, un kahaniste notoire, qui a été condamné en 1984 pour un attentat qui a blessé sept Palestiniens dans un bus. D'autres fonds proviennent de la famille Falic, basée en Floride, propriétaire de la chaîne de magasins Duty-Free Americas.
Le Central Fund of Israel (CFI), de loin la plus importante des fondations usaméricaines qui financent les extrémistes israéliens, a accordé près de 40 millions de dollars de subventions au cours de la dernière année pour laquelle des informations fiscales sont disponibles.
Des colons israéliens lancent des pierres sur des Palestiniens près de la colonie de Yitzhar, en Cisjordanie, en 2013 (Les personnes n'ont aucun lien avec le contenu de l'article.) Photo AP
Parmi les bénéficiaires de subventions figurent Hemla, l'un des principaux intermédiaires pour le financement de CFI ; Honenu, qui défend les Israéliens arrêtés pour terrorisme et a également donné de l'argent directement à des Israéliens condamnés pour terrorisme ; Od Yosef Chai, une yeshiva tristement célèbre pour sa violence contre les Palestiniens, dont l'un des rabbins a récemment été condamné pour incitation à la violence ; l'Israel Land Fund, qui utilise des moyens semi-légaux ou non-légaux pour acquérir des propriétés palestiniennes ; Mishmeret Yesha, qui forme et équipe des miliciens en Cisjordanie ; et Im Tirtzu, qui incite à s'en prendre aux leaders israéliens des droits humains.
En 2016, à la suite d'une plainte de T'ruah concernant le soutien du Central Fund of Israel à Honenu, fondée sur l'exposé d'une chaîne de télévision israélienne sur les paiements directs en espèces du groupe à des terroristes israéliens, l'IRS a enquêté et restreint temporairement ces paiements. Le site Internet en langue anglaise de Honenu indique désormais que les dons usaméricains ne peuvent être affectés qu'à la défense juridique. Nous n'avons pas encore reçu de réponse à nos autres plaintes contre le CFI ou les autres fondations citées.
Reportage de Channel 10 en Israël sur Honenu
La plupart des Juifs usaméricains ne soutiennent pas, financièrement ou autrement, les fondations qui accordent des subventions à des groupes extrémistes en Israël. Cependant, certaines organisations considérées comme mainstream (conformes au courant dominant) jouent un rôle dans l'acheminement des fonds vers le Central Fund of Israel.
En 2018, la Fédération de San Francisco s'est engagée publiquement à mettre fin aux subventions accordées par les donateurs au Central Fund of Israel, après qu'une de ces subventions eut été rendue publique. Pourtant, en 2020, la Jewish Community Foundation of New York, qui gère les fonds orientés par les donateurs, a envoyé plus de 2 millions de dollars au CFI. Le Jewish National Fund-USA, dans sa dernière année fiscale déclarée, a accordé 50 000 $ au CFI.
La Merona Leadership Foundation, dirigée par Adam et Gila Milstein - qui sont d'importants donateurs du Conseil israélo-usaméricain, de Zioness et d'autres groupes qui se considèrent comme pro-Israël - a donné 167 000 dollars, et la Milstein Family Foundation a versé 10 000 dollars supplémentaires. Parmi les anciens donateurs, citons la Fédération juive de Houston, ainsi que des fonds laïques gérés par des donateurs, tels que la Fondation de Boston et Fidelity.
Un événement commémoratif à Jérusalem marquant l'anniversaire de la mort de Meir Kahane. Le T-shirt dit « Continuer sur sa voie ». Photo : Emil Salman
Il ne suffit pas de faire des déclarations contre la violence des extrémistes, ou de prétendre qu'ils représentent une perspective marginale. Ceux d'entre nous qui sont attachés aux droits humains des Israéliens et des Palestiniens doivent également insister pour que les institutions auxquelles ils sont liés ne contribuent pas aux groupes qui encouragent le génocide et organisent les Juifs pour qu'ils prennent part à des actes de violence.
Parmi les mesures de base, citons la création d'énoncés de valeurs interdisant le financement de groupes qui encouragent la violence ou l'extrémisme, comme l'a fait la Fédération de la communauté juive de San Francisco, et l'insistance pour que des donateurs individuels tels qu'Adam et Gila Milstein et la famille Falic, qui investissent activement dans l'extrémisme violent, ne soient pas honorés ou ne se voient pas confier de postes de direction dans notre communauté.
Couper le financement de ces groupes extrémistes ne sera pas suffisant pour mettre fin à la violence, qui émerge dans le contexte de plus de cinq décennies d'occupation.
Des millions de dollars US privés supplémentaires, provenant à la fois de juifs et de chrétiens, servent à construire des colonies et à soutenir la politique de droite en Israël. Le gouvernement israélien poursuit l'annexion de facto, incite les citoyens palestiniens et les militants progressistes à s'en prendre à eux, et dorlote les extrémistes.
Ceux d'entre nous qui se sont engagés à défendre les droits humains des Israéliens et des Palestiniens doivent s'opposer à toutes ces forces. Refuser de financer ceux qui prêchent le génocide, ou d'honorer les bailleurs de fonds de ces mouvements extrémistes, serait une étape importante pour démontrer que la communauté juive usaméricaine applique dans les faits notre rejet verbal de la récente violence.
Courtesy of Tlaxcala
Source: haaretz.com]Publication date of original article: 02/05/2021