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Le chancelier allemand Olaf Scholz a provoqué un séisme politique en limogeant mercredi soir son ministre des Finances et en demandant aux députés de se prononcer sur la tenue d'élections anticipées pour sortir de l'impasse dans laquelle est sa coalition.
Cette décision, aboutissement de mois de querelles entre les trois partis du gouvernement, plonge la première économie européenne dans une crise inédite à un moment crucial pour le Vieux continent, déjà sous le choc de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis le même jour.
"Nous avons besoin d'un gouvernement capable d'agir et qui ait la force de prendre les décisions nécessaires pour notre pays", a plaidé le chancelier social-démocrate lors d'une allocution solennelle.
Face aux "ultimatums" de son ministre des Finances, chef du camp libéral, Olaf Scholz a jugé qu'il n'avait pas le choix : il a d'abord décidé de limoger Christian Lindner, grand argentier du gouvernement et président du parti libéral FDP, puis annoncé qu'il poserait la question de confiance aux députés.
Les élus du Bundestag décideront le 15 janvier s'ils veulent que des législatives anticipées se tiennent avant la date prévue en septembre 2025. Cela pourrait être le cas "au plus tard fin mars", a indiqué Olaf Scholz.
Pour son ministre de l'Economie et du Climat, l'écologiste Robert Habeck, il n'y a pas de doute : son parti va soutenir la voie "d'élections anticipées ordonnées".
Olaf Scholz et Christian Lindner ont étalé leurs griefs par micro interposé.
Christian Lindner a "trop souvent trahi ma confiance", a déploré Olaf Scholz, dénonçant son comportement "égoïste".
Le chantre de l'austérité budgétaire lui a immédiatement répondu, reprochant au chancelier d'entraîner le pays "dans une phase d'incertitude" avec cette "rupture calculée de cette coalition".
- Impasse -
Le divorce a été acté après une journée de pourparlers de crise organisés à la chancellerie pour tenter de sauver l'exécutif dirigé par Olaf Scholz depuis fin 2021.
"Ce n'est pas un bon jour pour l'Allemagne, ni pour l'Europe", a déploré la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, autre figure du parti écologiste.
Les ruptures de coalition sont très rares en Allemagne et Olaf Scholz voulait mener la sienne jusqu'aux prochaines législatives prévues pour le 28 septembre 2025.
Mais l'équipe gouvernementale est minée depuis des mois par les dissensions politiques, sur l'économie et l'immigration, et par les querelles de personnes.
Les désaccords se concentrent sur les solutions pour relancer la première économie européenne menacée de récession pour la deuxième année consécutive.
Les sociaux-démocrates d'Olaf Scholz veulent préserver leurs priorités sociales ; les Verts de Robert Habeck font pression pour lutter contre le changement climatique malgré les coûts de la transition tandis que les libéraux sont arc-boutés sur le respect des limites constitutionnelles drastiques de l'Allemagne en matière de déficits budgétaires et de dette.
- L'ombre de Trump -
Olaf Scholz pensait que l'élection à la présidence des Etats-Unis annoncée le matin même du républicain Donald Trump, adepte du protectionnisme et des confrontations diplomatiques, forcerait sa fragile coalition à serrer les rangs.
C'est le contraire qui s'est produit. Selon le quotidien Bild, le ministre des Finances a argumenté lors de la réunion de crise que cette élection et son impact à venir rendaient encore plus urgent un changement de cap économique en Allemagne.
Le vice-chancelier écologiste et ministre de l'Economie Robert Habeck avait exhorté chacun à revenir à la raison, soulignant qu'avec le retour de Trump au pouvoir, "le gouvernement doit être en capacité totale d'agir".
Autre argument majeur contre l'éclatement de la coalition, et donc des élections anticipées : les conservateurs sont largement en tête dans les sondages et leur chef, Friedrich Merz, fait figure de favori pour devenir chancelier.
Quant au parti d'extrême droite AfD, en forte progression dans les derniers scrutins, il se tient en embuscade en deuxième position.
Mais le fossé entre les partis de la coalition était devenu trop grand ces derniers jours. La fuite d'un document de Christian Lindner en vue d'un "tournant économique" libéral, à l'encontre de la ligne centriste du gouvernement, a été la goutte de trop.
Le ministre des Finances avait lui-même menacé à plusieurs reprises de quitter la coalition avant la fin de l'année s'il n'obtenait pas gain de cause.