par Chaabane Bensaci.
Le prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane (surnommé MBS), a mis à profit sa participation au sommet du G20, à Bali, en Indonésie, pour mener une tournée en Asie dans le but de renforcer les liens avec une région devenue le marché principal de ses exportations de brut. Dans la foulée, il vient confirmer la volonté de Riyadh de prendre ses distances avec l'allié américain. Tel est le signe de la nouvelle politique appliquée par MBS.
Dernièrement, les relations américano-saoudiennes, affectées par les propos du candidat démocrate à la présidentielle, Joe Biden, qui promettait un statut de « paria » à Riyadh pour cause d'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, ont tourné au vinaigre, Riyadh ayant réduit sa production sur décision de l'OPEP+, dont la Russie est membre. En prévision des midterms, l'administration américaine l'avait exhorté à accroître les livraisons de brut, craignant que la flambée des prix du pétrole n'assure au rival républicain une vague rouge. Mais MBS a répondu « niet ».
Dirigeant de facto du royaume saoudien, MBS n'a pas rencontré le président américain Joe Biden durant le sommet du G20 et il s'est envolé, peu après, en direction de plusieurs pays asiatiques, partenaires essentiels. Ainsi, est-il prévu une première étape en Corée du Sud, où il rencontrera le monde des affaires, puis à Bangkok, lors du forum de la coopération économique Asie-Pacifique. Le périple n'ayant pas été détaillé dans toute sa gamme par les médias saoudiens, on peut supposer que d'autres pays figurent dans l'agenda du prince héritier qui recevra, en décembre prochain, Xi Jinping, le puissant dirigeant de la Chine, récemment réélu pour un troisième mandat.
Ulcérée par la décision de Riyadh, en octobre, de réduire sa production pétrolière, en pleine flambée des prix de l'énergie et malgré la visite concédée de Biden en juillet dernier, l'administration américaine a des raisons de s'alarmer de la politique saoudienne vis-à-vis de son partenaire « traditionnel ». Car la tournée de MBS en Asie vient confirmer la donne, en ce sens qu'il veut renforcer la coopération avec les marchés énergétiques en Asie, d'une part, et montrer aux puissances occidentales, dont les Etats-Unis principalement, qu'il a d'autres cartes en main, d'autre part.
Le deal « pétrole contre sécurité », conclu voici plusieurs décennies, tend donc à se fissurer, en plein conflit « ukrainien ». En réalité, le processus était déjà en cours depuis une décennie, avec un royaume saoudien dont les principaux clients sont devenus la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l'Inde ! Du coup, les dirigeants saoudiens ont anticipé le mouvement, bien avant que Mohamed Ben Salmane ne devienne prince héritier, voici 5 ans. Outre les exportations de brut, le royaume saoudien entend jouer la carte de la coopération avec le monde asiatique, gage de raffineries, installations de stockage et transfert de technologie.
Si Riyadh reste largement dépendant des États-Unis au plan des armes et de la sécurité, sa politique consiste, désormais, à décliner tout alignement dans les luttes de pouvoir entre grandes puissances et à tenter de s'imposer comme un acteur à part entière et non le supplétif d'un allié encombrant.
source : L'Expression Internationale