29/12/2025 euro-synergies.hautetfort.com  4min #300301

L'armement européen comme logique Maginot du 21ème siècle - une contextualisation historique

Elena Fritz

Source:  t.me

Lorsque l'on parle aujourd'hui d'une «ligne Maginot du 21ème siècle», il ne s'agit pas d'une directive concrète, mais d'un schéma de pensée. Le terme fait référence à la Ligne Maginot - cette gigantesque fortification française des années 1930, qui promettait la sécurité, suggérait la stabilité, mais qui s'est finalement avérée stratégiquement inefficace.

La leçon historique est claire: la France n'a pas échoué par manque de ressources, mais en raison d'une hypothèse erronée sur la sécurité. On a compté sur la technologie, le béton et une défense rigide - alors que la guerre, les systèmes d'alliances et les dynamiques politiques avaient déjà changé depuis longtemps. L'adversaire n'a pas été arrêté, mais a contourné le système. La sécurité s'est révélée une illusion.

Ce même schéma revient aujourd'hui à l'échelle européenne.

L'Union européenne prévoit un armement sans précédent: 800 milliards d'euros, coordonnés au niveau central, politiquement chargé, moralement justifié. Mais comme dans les années 1930, on confond à nouveau argent et stratégie, structure et capacité d'action.

L'antenne bruxelloise du think tank hongrois Mathias Corvinus Collegium (MCC) parle donc à juste titre ( europeanconservative.com) d'une nouvelle ligne Maginot. Car même aujourd'hui, les ambitions financières ne correspondent pas à la réalité industrielle, à l'unité politique ou à la capacité sociale.

Industrie plutôt que politique anxiogène

L'UE ne dispose ni d'une industrie de défense indépendante et résiliente, ni de chaînes d'approvisionnement sécurisées. Munitions, drones, renseignement, communication, capacités satellitaires - tout cela reste dépendant de pays tiers, notamment des États-Unis. Des programmes se chiffrant à des milliards n'y changent pas grand-chose à court terme. Sur le papier, cela donne de la force, dans la réalité, cela crée une dépendance.

Sécurité bureaucratisée

Comme pour la ligne Maginot historique, c'est d'abord la question du «Combien?» qui est posée. Les questions cruciales restent sans réponse :

- Pourquoi cet armement ? Contre qui précisément ? Avec quel objectif politique ? Et à quelles conditions de désescalade ? La sécurité est administrée, non pensée stratégiquement. La coordination ne remplace pas le leadership.

Le facteur oublié: la société

Les armées ne sont pas faites de budgets, mais de personnes. Et c'est là que se situe la rupture centrale:

- Il n'existe pas de demos européen, pas d'identité politique commune pour laquelle les gens seraient prêts à risquer leur vie.

- Pour leur nation, leur patrie, leur ordre social - oui.

- Pour une gestion supranationale abstraite - non.

L'UE a relativisé les liens nationaux pendant des décennies, délégitimé la souveraineté, délimité la responsabilité politique. Et voilà qu'on doit soudain se mobiliser, se montrer disponible au sacrifice - sans lien démocratique, sans ancrage culturel, sans consensus social.

Le vrai danger

Historiquement, ce n'est pas le manque de technologie militaire qui s'avère le plus risqué, mais la militarisation sans raison politique. L'armement crée ses propres dynamiques: on crée images de l'ennemi, on se réfère à des logiques d'escalade, à des logiques de blocs. Particulièrement problématique est la fixation croissante sur la Russie, fixation qui devient un récit identitaire. Elle remplace l'analyse par la morale et la diplomatie par la rhétorique de la dissuasion.

La ligne Maginot est née de la peur, du traumatisme et du désir de contrôle. Elle a créé une fausse sécurité - et a empêché, par là même, une réflexion stratégique.

Conclusion

L'armement européen suit une logique historique bien connue :

- beaucoup d'argent, beaucoup de technologie, peu de stratégie.

- Tant que l'Europe croit que la sécurité peut être gérée plutôt que négociée, financée plutôt que politiquement justifiée, elle ne bâtit pas une capacité de défense, mais une illusion de contrôle.

Une ligne Maginot - hier comme aujourd'hui - ne protège pas contre les conflits.

#géopolitique@global_affairs_byelena

 euro-synergies.hautetfort.com