par Germán Gorráiz López
Après que les États-Unis, la France, la Pologne et l'Allemagne aient donné leur accord pour que l'Ukraine attaque le territoire russe, la Russie a averti que cela impliquerait une «escalade imprévisible du conflit». Ainsi, la visite confirmée par le ministère cubain des Affaires étrangères d'un détachement naval russe composé de trois navires et d'un sous-marin à propulsion nucléaire à La Havane qui aura lieu entre le 12 et le 17 juin, relance l'alarme au Pentagone en rappelant la crise des missiles entre Kennedy et Khrouchtchev.
Crise des missiles (1962)
La crise des missiles d'octobre 1962, qui a tenu l'humanité en haleine, s'est terminée par la signature par Kennedy et Khrouchtchev de l'Accord de suspension des essais nucléaires (1962), qui prévoyait le retrait des missiles russes du territoire cubain en échange du retrait des missiles américains stationnés en Turquie, apparaissant en petits caractères comme la condition sine qua non de «non-invasion de l'île par les États-Unis». Cet accord a protégé Cuba pendant 60 ans d'une invasion américaine, les États-Unis établissant comme contrepartie le chiffre du «blocus» dont le renouvellement automatique par les États-Unis porterait atteinte au système financier et politique international actuel et pourrait entraîner pour Cuba des pertes estimées à environ 7 milliards de dollars par an.
La myopie géopolitique de Biden
Joe Biden, dans une interview accordée à CNN, a assuré que «s'il remporte les élections, il reprendrait la politique menée par Barack Obama à l'égard de Cuba», ce qui pourrait se traduire dans un avenir proche par un changement notable dans les relations cubano-cubaines et américaines dans ce contexte. Cela serait formulée par la demande du groupe de réflexion Cuba Study Group (CSG) à l'administration Biden pour «un engagement diplomatique renouvelé avec Cuba».
Le chemin à parcourir a été marqué par les défis liés à la levée du blocus énergétique de l'île, au retrait de Cuba de la liste des «États qui parrainent le terrorisme», à l'abrogation de la loi Hemls-Burton et, enfin, à la suspension du blocus anachronique de l'île depuis 1962 qui céderait la place à l'échange d'ambassadeurs et à la normalisation tant attendue des relations entre Cuba et les États-Unis. Cependant, dans une interview à CNN, le conseiller de Joe Biden pour l'Amérique latine, le Colombien Juan González, a statué. Il a annoncé un nouveau dégel avec Cuba et a assuré que «Joe Biden n'est pas Barack Obama dans la politique envers l'île» tout en ajoutant que «le moment politique a changé de manière significative».
Ces déclarations ont été corroborées par le soutien exprimé par Biden à l'échec de la Révolution de couleur promue par la CIA, en déclarant que «nous nous joignons au peuple cubain et à son appel criant à la liberté», démontrant la myopie géopolitique de l'administration Biden qui pourrait générer un vide au sein de l'administration des Caraïbes avec des résultats imprévisibles en pleine guerre froide 2.0 entre les États-Unis et la Russie.
La décision géostratégique de Poutine
Après que les États-Unis ont autorisé l'Ukraine à attaquer le territoire russe à l'aide de missiles américains ATACMS, Poutine a commencé à déplacer les pièces pour les placer stratégiquement dans ce qu'on appelle «l'arrière-cour» des États-Unis.
Dans ce contexte géopolitique, la Russie négocierait l'installation de ses bases militaires avec Cuba, le Venezuela, Singapour et le Nicaragua avec l'objectif sans équivoque d'élargir le rayon militaire russe. Comme l'a expliqué le chef du Comité de défense du Chambre haute du Parlement russe, Victor Bondarev, «l'établissement d'une base militaire russe à Cuba dans un contexte d'agression américaine accrue répondrait aux intérêts de sécurité nationale».
Par conséquent, étant donné que les États-Unis maintiennent intact le blocus anachronique de l'île, il est inévitable qu'un détachement émotionnel à l'égard des États-Unis émerge à La Havane, un vide dont profitera l'habile stratège géopolitique Poutine pour signer un nouvel accord russe par un traité de collaboration militaire cubain (rappelant le Pacte secret signé en 1960 à Moscou entre Raúl Castro et Khrouchtchev). La première étape fut le déploiement à Cuba d'un complexe mobile de réception de données des satellites russes, la création d'une base radar dans le territoire abandonné, de la base militaire de Lourdes pour écouter confortablement les murmures de Washington.
De même, après que les États-Unis ont autorisé l'Ukraine à attaquer le territoire russe à l'aide de missiles américains ATACMS, la Russie pourrait réagir en déployant à Cuba des missiles Iskander M équipés de têtes nucléaires polyvalentes ainsi que des missiles anti-aériens S-400, ce qui pourrait relancer le conflit de la crise des missiles Kennedy-Khrouchtchev (octobre 1962) et la signature ultérieure avec Khrouchtchev de l'accord de suspension des essais nucléaires (1962).
source : Observateur Continental