20/05/2023 ismfrance.org  10 min #228753

L'attaque de l'entité sioniste contre le Jip était vouée à l'échec depuis le début

Robert Inlakesh, 16 mai 2023. La campagne d'assassinats du régime sioniste qui a commencé mardi matin dernier fut une tentative ratée du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, de remporter une victoire politique rapide. L'objectif était clairement d'isoler le mouvement du Jihad islamique palestinien (JIP), en assassinant de hauts responsables, ce qui conduirait ensuite à des combats limités sur plusieurs jours, mais la tactique a rapidement échoué et les factions de la résistance unies avaient remporté la bataille avant de tirer une seule roquette.

Aux premières heures de la matinée de mardi, trois dirigeants du mouvement JIP, Khalil Bahtini, Jihad Ghanem et Tariq Ezz Ad-Din (photos ci-dessous), ainsi que leurs femmes et leurs enfants ont été tués chez eux, en pleine nuit, dans leur sommeil. Il est rapidement devenu clair que le régime sioniste visait uniquement le mouvement du JIP et dès le départ, a prévenu le Hamas de ne pas s'impliquer.

Les objectifs et les calculs du régime israélien

La coalition d'extrême-droite du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est en état de crise perpétuelle depuis le début de son mandat à la fin de l'année dernière. Benjamin Netanyahu n'a réussi à reprendre le pouvoir qu'avec l'aide de l'alliance du sionisme religieux, une combinaison de partis de colons religieux fanatiques qui se sont présentés sous une même bannière à la Knesset israélienne. Les deux hauts responsables du sionisme religieux, Itamar Ben Gvir - aujourd'hui ministre israélien de la Sécurité - et Bezalel Smotrich - ministre des Finances de l'entité - ont reçu de larges pouvoirs qui transcendent les rôles traditionnels qu'ils occupent en tant que ministres.

Avec le soutien de l'alliance du sionisme religieux, la coalition dirigée par le parti Likud de Netanyahu a fait pression pour une législation qui refondra la Cour suprême israélienne, déclenchant une désobéissance civile de masse dans la population. Le Premier ministre israélien a été contraint de reporter les modifications prévues du système juridique, après que d'une semaine sur l'autre, les manifestations ont menacé de dégénérer en grève générale. Pourtant, ce n'était pas le seul problème pesant sur Benjamin Netanyahu, car les ministres Ben Gvir et Smotrich ont exposé leurs opinions fanatiques racistes et religieuses au nom du régime de Netanyahu, conduisant à des querelles inutiles.

Ces fanatiques fondent leurs décisions sur l'émotion et le dogmatisme, à l'instar des groupes takfiris comme Daech et Al-Qaïda. Alors que des personnalités comme Netanyahu et de nombreuses autres personnalités sionistes de haut rang jouent un jeu machiavélique et manœuvrent uniquement en fonction de ce qui semble politiquement viable. La raison pour laquelle ce contexte est essentiel pour comprendre la récente escalade de la résistance à Gaza, c'est parce qu'il souligne la faiblesse du régime sioniste en ce moment. Les mouvements de résistance armée en Cisjordanie, ainsi que les attaques de Palestiniens armés individuels, se sont intensifiés depuis l'arrivée au pouvoir de Netanyahu, plusieurs opérations importantes ayant eu lieu contre des soldats israéliens et des colons. De plus, les deux derniers échanges avec les groupes de la résistance armée à Gaza - pendant le ramadan et après l'assassinat du porte-parole du mouvement JIP en Cisjordanie, Khader Adnan - ont embarrassé le régime israélien, qui a choisi de lancer des frappes négligeables sur des terrains vagues pour éviter l'escalade.

Après que la salle des opérations conjointes des factions de la résistance à Gaza a annoncé ses tirs de roquettes de représailles, en réponse au meurtre de Khader Adnan, le parti Otzma Yehudit d'Itamar Ben Gvir a fustigé Netanyahu pour la « faiblesse » de ses attaques contre Gaza.

Ben Gvir a même boycotté les votes de la Knesset sur l'échec du régime à écouter ses appels aux assassinats et à la destruction d'immeubles à Gaza. La querelle déclenchée entre le Likud et Otzma Yehudit a été le premier signe public de la désintégration des relations entre les partenaires de la coalition israélienne et a servi à affaiblir le pouvoir du Premier ministre israélien.

En plus de cela, la résistance palestinienne avait mis en garde l'entité sioniste contre la marche prévue des colons qui devrait avoir lieu à Al-Qods le 18, qui, si Netanyahu devait l'annuler, pourrait provoquer une scission encore plus grande dans sa coalition. C'est dans ce contexte que la décision a été prise de procéder à des assassinats censés être à faible risque.

En 2019, le régime d'occupation avait perpétré l'assassinat du commandant du JIP Baha Abu Atta, qui a conduit à des jours de combats au cours desquels le JIP a été isolé et le Hamas n'a pas rejoint la bataille. En août 2022, sous l'ancienne administration de Yair Lapid, l'armée sioniste a également mené une opération ciblant spécifiquement les dirigeants du mouvement du JIP - Tayseer Jaabari et Khaled Mansour - menant à l'opération « Unity of Squares ». Malgré l'échec de l'entité sioniste à isoler le Hamas du JIP l'année dernière, les brigades Qassam du Hamas ont servi de conseillers et tiré des missiles de défense aérienne, mais se sont abstenues d'entrer dans l'échange avec toute leur force. Cela a permis aux dirigeants sionistes de revendiquer la victoire, ce que la majorité de la population a cru.

Les hauts commandants palestiniens du Jihad islamique Khaled Mansour, à droite, et Tayseer Jabari, à gauche

Pourquoi Netanyahu a échoué

Benjamin Netanyahu avait probablement espéré une victoire de propagande similaire à celle revendiquée par Yair Lapid en août de l'année dernière, en permettant une réponse du JIP qui ciblerait divers domaines au sein de l'entité, mais ne serait pas assez importante pour infliger un coup significatif. Comme ce fut le cas l'année dernière, l'armée israélienne s'est de nouveau recroquevillée dans des zones fortifiées à des kilomètres de Gaza et a laissé les colons supporter les conséquences de ses massacres. Dans un tel contexte, la résistance ne peut s'engager dans aucune action directe contre l'armée israélienne sur le terrain, car les Israéliens ont trop peur de se rapprocher de l'enclave côtière assiégée. Cela signifie que les roquettes sont le seul moyen disponible et c'est sur cela que comptait le régime sioniste.

Immédiatement après les assassinats, les Israéliens ont commencé à crier victoire, le ministre israélien de la Guerre, Yoav Gallant, a déclaré que « les objectifs de l'opération ont été atteints ; la direction du Jihad islamique à Gaza a été éliminée. » Le problème avec leur fanfaronnade, qu'Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich propageaient également sur les réseaux sociaux, était qu'ils mentaient et s'étaient lourdement trompés.

Ce qui s'est passé ensuite a changé toute l'équation. Depuis la salle des opérations conjointes, les factions de la Résistance ont annoncé qu'elles répondraient, mais ont attendu un jour et demi, laissant l'entité occupante fermer de nombreuses zones, évacuer des milliers de colons et ouvrir des abris anti-bombes dans toute la Palestine occupée.

La frustration s'est propagée, non seulement dans la population sioniste, mais aussi au sein de la classe politique israélienne elle-même, qui estimait que leur « capacité de dissuasion » n'avait pas été restaurée, comme le régime de Netanyahu avait tenté de le démontrer après ses assassinats. Pendant ce temps, les frappes israéliennes se sont poursuivies, probablement dans le but d'inciter le JIP à réagir, mais ce fut un échec.

Lorsque la réponse est arrivée, elle a visé 'Tel-Aviv', ce qui a déconcerté de nombreux analystes israéliens qui s'attendaient à ce que les premières frappes soient limitées. C'est à ce moment-là qu'un cessez-le-feu aurait été favorable à l'image du régime sioniste, même s'il avait fallu admettre l'idée de rétablir la dissuasion - il aurait suffi à Benjamin Netanyahu de revendiquer une petite victoire et la rendre crédible. Cependant, le Premier ministre israélien et ses collègues partenaires de la direction politique ont décidé qu'ils devaient démontrer davantage et ne pas donner l'impression que l'opération n'avait pas atteint ce qu'ils avaient prétendu. L'étape suivante consistait à commencer à démolir les maisons civiles pour faire pression sur la résistance, ce qui a échoué.

Dans les premières heures de jeudi matin, les forces d'occupation ont ensuite assassiné Ali Hassan Ghali, le commandant de la direction de l'unité de missiles du JIP, avec une frappe de drone suicide. Plus tard dans la journée, le régime israélien a également assassiné Ahmad Mahmoud Abu Daqqa, qui était le commandant en second de l'unité de missiles de la branche armée du JIP, les Brigades Qods. C'est là que les choses ont commencé à mal tourner pour l'entité sioniste, qui a été confrontée à une roquette meurtrière plus tard dans la journée, qui a tué un colon et blessé plusieurs autres.

Ali Hassan Ghali

Ahmad Abu Daqqa

Ce qui devait être une opération chirurgicale rapide s'est transformé en un massacre confus et mal évalué.

Benjamin Netanyahu était alors dans une position difficile, s'il ne terminait pas avec force, il risquait d'amplifier la querelle au sein de sa coalition ; cependant, la seule option pour une réussite convenable était de lancer une guerre terrestre totale contre la bande de Gaza, à laquelle le régime n'était pas préparé.

Le simple fait qu'« Israël » ait complètement évité le Hamas, prétendu qu'il n'avait joué aucun rôle dans la réponse du JIP, puis continué à ne viser que le mouvement du JIP pendant des jours, prouve que « Tel Aviv » n'a plus aucune capacité de dissuasion. Le régime israélien craint les conséquences d'une attaque contre le Hamas et le Hezbollah au nord, qu'il évite d'affronter avec une force significative. Au lieu de cela, il a tenté d'isoler un mouvement plus faible que le Hezbollah et le Hamas, dans l'espoir qu'ils ne seraient pas entraînés dans une confrontation plus large.

Après des tirs de roquettes sur des colonies en Cisjordanie occupée et autour d'al-Qods, le régime israélien a décidé de commettre un autre assassinat et a commencé à démolir davantage de maisons civiles à Gaza - une tentative désespérée de montrer sa force à son propre peuple, mais plus important encore, un moyen de pression pour mettre un terme à l'escalade.

Après l'annonce du cessez-le-feu, le JIP a lancé des roquettes vers « Tel Aviv » quelques minutes seulement avant la fin de la bataille, démontrant que sa capacité à frapper l'ennemi au cœur n'avait pas été affectée. Bien que sur le papier, il semblerait que les Israéliens aient réussi un coup en assassinant 6 hauts responsables du mouvement JIP et en causant un carnage à l'intérieur de l'enclave côtière assiégée, c'est l'efficacité de la victoire de la propagande qui a décidé du résultat de la manche. Netanyahu n'a pas pu prouver que la capacité de dissuasion israélienne était restaurée, la majorité des Israéliens interrogés par la Chaîne 12 en hébreu ont répondu qu'il n'y avait eu aucun changement dans l'équation avec Gaza et que la dissuasion n'avait pas été rétablie. En plus de cela, c'est la résistance palestinienne qui a eu le dernier mot dans l'échange et a prouvé que le complot visant à creuser un fossé entre le JIP et d'autres groupes avait échoué. Les Israéliens n'ont pas non plus changé les règles d'engagement.

Malgré le coup certain infligé à la direction du JIP à Gaza, les martyrs ont déjà été remplacés, la puissance de tir des roquettes que possède le mouvement n'a pas été affectée de manière important et ce round a prouvé que sans une invasion terrestre, il n'y absolument aucune option pour les Israéliens à Gaza. Même contre la deuxième faction la plus puissante, Netanyahu n'a pas pu remporter une victoire crédible, ce qui en soi a annulé entièrement l'utilité de l'attaque israélienne. Parce que Gaza était sur la défensive, empêcher l'attaquant d'atteindre l'un de ses objectifs s'est avéré être une sorte de victoire, surtout par rapport à ce qui s'est passé l'année dernière en août.

Article original en anglais sur  Al-Mayadeen / Traduction MR - relecture Chris.

Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe . Suivez-le sur  Twitter.

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