19/06/2024 reseauinternational.net  8min #250795

 Il n'y a toujours pas de consensus au G7 concernant l'aide à Kiev en utilisant les actifs russes

L'Hégémon ordonne à l'Europe : pariez sur la guerre et volez l'argent de la Russie

par Pepe Escobar

Le kabuki suisse de la «paix» est venu et s'en est allé - et le vainqueur a été Vladimir Poutine. Il n'a même pas eu besoin de se présenter.

Aucun des Grands Acteurs n'en a eu besoin. Ou, s'ils ont envoyé leurs émissaires, il y a eu un refus significatif de signer la déclaration finale insipide - comme pour les membres des BRICS, le Brésil, l'Inde, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Afrique du Sud.

Sans les BRICS, il n'y a absolument rien que l'Occident collectif - c'est-à-dire l'Hégémon et ses vassaux assortis - puisse faire pour modifier l'échiquier de la guerre par procuration en Ukraine.

Dans son  discours soigneusement calibré devant les diplomates et la direction du ministère russe des Affaires étrangères, Poutine a défini une approche incroyablement sobre et stratégique pour résoudre le problème de l'Ukraine. Dans le contexte du feu vert à l'escalade donné par l'Hégémon - en réalité en pratique depuis plusieurs mois - à Kiev pour attaquer plus profondément à l'intérieur de la Fédération de Russie, l'offre de Poutine a été extrêmement généreuse.

Il s'agit d'une offre directe à l'Hégémon et à l'Occident collectif, car l'acteur en T-shirt suant à Kiev, en plus d'être illégitime, est tout à fait insignifiant.

Comme on pouvait s'y attendre, l'OTAN - par l'intermédiaire du morceau de bois norvégien épileptique - a déjà proclamé son refus de négocier, alors même que certains membres relativement éveillés de la Verkhovna Rada (parlement ukrainien) commençaient à discuter de l'offre, selon le président de la Douma, Vyacheslav Volodin.

Moscou considère la Verkhovna Rada comme la seule entité légitime en Ukraine - et la seule avec laquelle il serait possible de parvenir à un accord.

Le représentant russe à l'ONU, Vasily Nebenzya, est allé droit au but - diplomatiquement : si la proposition généreuse est refusée, les conditions d'ouverture des négociations seront «différentes» la prochaine fois. Et «bien plus défavorables», selon le président de la Commission de la défense de la Douma, Andrei Kartapolov.

Alors que Nebenzya soulignait qu'en cas de refus, l'Occident collectif porterait l'entière responsabilité de la poursuite de l'effusion de sang, Kartapolov s'est penché sur le Grand Tableau : Le véritable objectif de la Russie est de créer un tout nouveau système de sécurité pour l'espace eurasien.

Et cela, bien sûr, est anathème pour les élites de l'Hégémon.

La vision de Poutine en matière de sécurité pour l'Eurasie remonte à ce discours légendaire prononcé lors de la conférence de Munich sur la sécurité en 2007. Aujourd'hui, avec l'avancée constante d'un nouveau système irréversible de relations internationales multi-nœudales (mes italiques) et multi-centriques, le Kremlin fait pression pour une solution urgente - compte tenu de l'escalade extrêmement dangereuse de ces derniers mois.

Une fois de plus, Poutine a dû rappeler l'évidence aux sourds, muets et aveugles :

«Les appels à infliger une défaite stratégique à la Russie, qui possède le plus grand arsenal d'armes nucléaires, démontrent l'aventurisme extrême des politiciens occidentaux. Soit ils ne comprennent pas l'ampleur de la menace qu'ils créent eux-mêmes, soit ils sont simplement obsédés par la croyance en leur propre immunité et en leur propre exclusivité. Les deux cas peuvent entrainer une tragédie».

Ils restent sourds, muets et aveugles.

Une proposition qui ne résout rien ?

La proposition de Poutine fait l'objet d'un débat enflammé dans les cercles informés de Russie. Les critiques la qualifient de capitulation - imposée par certains oligarques et cercles d'affaires influents, hostiles à une «quasi-guerre» (la devise préférée) qui ne cesse de repousser l'inévitable frappe de décapitation.

Les critiques affirment que la stratégie militaire est totalement subordonnée à une stratégie politique. C'est ce qui expliquerait les graves problèmes rencontrés en mer Noire et en Transnistrie : le centre de pouvoir politique refuse de conquérir la cible économique/militaire numéro un, à savoir Odessa.

En outre, les chaînes d'approvisionnement en armes de l'Ukraine ne sont pas correctement interrompues.

Le point critique essentiel est «cela prend trop de temps». Il suffit de prendre l'exemple de Marioupol.

En 2014, Marioupol a été laissée sous le contrôle de gangs nazis-banderistes dans le cadre d'un accord financier avec Rinat Akhmetov, le propriétaire des usines Azovstal. Il s'agit là d'un cas classique où les oligarques et les financiers l'emportent sur les objectifs militaires.

La générosité de Poutine, visible dans cette dernière offre de paix, suscite également un parallèle avec ce qui s'est passé à Dara'a en Syrie : La Russie a également négocié ce qui ressemblait à première vue à un accord de paix. Pourtant, Dara'a reste une zone de chaos, extrêmement violente, où les soldats syriens et russes sont en danger.

La situation devient vraiment délicate lorsque la proposition actuelle se contente de demander à l'OTAN de ne pas empiéter sur le territoire de Kiev, tout en autorisant cette dernière à disposer d'une armée, sur la base des négociations (avortées) d'avril 2022 à Istanbul.

Les critiques affirment également que Poutine semble croire que cette proposition résoudra la guerre. Pas vraiment. Une véritable campagne de dénazification s'étale sur des décennies et implique tout, de la démilitarisation complète à l'éradication des foyers d'idéologie extrémiste. Une véritable révolution culturelle.

L'escalade actuelle est déjà conforme aux ordres donnés par la ploutocratie raréfiée qui dirige réellement le spectacle aux messagers - et aux agents : les gangs nazis-banderistes vont déclencher une Guerre du Terrorisme à l'intérieur de la Russie pendant des années. Depuis le territoire ukrainien. Tout comme Idlib en Syrie reste un environnement propice au terrorisme.

Le dossier Odessa

La stratégie de Poutine est peut-être fondée sur quelque chose qui échappe à ses détracteurs. Son souhait d'un retour à la paix et au rétablissement de relations saines avec Kiev et l'Occident doit être une ruse, car il est le premier à savoir que cela n'arrivera pas.

Il est clair que Kiev ne cédera pas volontairement des territoires : ceux-ci devront être conquis sur le champ de bataille. En outre, l'OTAN ne peut tout simplement pas signer son humiliation cosmique sur la ligne pointillée, en acceptant que la Russie obtienne ce qu'elle demande depuis février 2022.

Le premier objectif - diplomatique - de Poutine a cependant déjà été atteint. Il a clairement démontré à la Majorité mondiale qu'il était prêt à résoudre le dilemme dans une atmosphère sereine, alors que l'OTAN, déconcertée, ne cesse de crier «Guerre !» toutes les deux minutes.

L'Hégémon veut la guerre ? Ce sera donc la guerre, jusqu'au dernier Ukrainien.

Et cela nous amène au dossier Odessa.

Poutine, et c'est essentiel, n'a rien dit au sujet d'Odessa. C'est la dernière chance pour Kiev de conserver Odessa. Si la proposition de paix est définitivement rejetée, Odessa figurera sur la prochaine liste des points non négociables.

Le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a une fois de plus visé juste : «Poutine est patient. Ceux qui ont des oreilles entendront, ceux qui ont un cerveau comprendront».

Il ne faut pas s'attendre à ce que des cerveaux en état de marche surgissent en Occident. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a confirmé que l'OTAN prévoyait des installations massives en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie pour «coordonner le transfert d'armes vers l'Ukraine».

Ajoutez à cela le morceau de bois norvégien épileptique qui déclare que l'OTAN «discute» d'amener ses armes nucléaires à un état de préparation au combat «face à la menace croissante de la Russie et de la Chine».

Une fois de plus, le vieux Stolty dévoile le jeu : il s'agit de la paranoïa de l'Hégémon face aux deux principales «menaces existentielles», le partenariat stratégique Russie-Chine. C'est à dire, les dirigeants des BRICS coordonnant leur action en faveur d'un monde multipolaire, multi-nœudales (mes italiques) et «harmonique» (selon la terminologie de Poutine).

Voler l'argent russe est légal

Ensuite, il y a le vol flagrant des actifs financiers russes.

Lors de leur triste spectacle dans les Pouilles, dans le sud de l'Italie, le G7 - en présence de l'acteur illégitime au T-shirt suant - a accepté d'accorder 50 milliards de dollars de prêts supplémentaires à l'Ukraine, financés par les intérêts sur les actifs russes gelés et, en pratique, volés.

Avec une logique impeccablement tordue, la Première ministre italienne Giorgia Meloni - dont le changement de coiffure et de garde-robe ne s'est pas appliqué à son cerveau - a déclaré que le G7 «ne confisquera pas les avoirs gelés de la Fédération de Russie» ; «nous parlons des intérêts qu'ils accumulent au fil du temps».

En matière d'escroquerie financière, celle-ci est de toute beauté.

Essentiellement, le principal client (l'Hégémon) et son instrument (l'UE) tentent de masquer le vol réel de ces actifs souverains russes «gelés» comme s'il s'agissait d'une transaction légale.

L'UE transférera les actifs «gelés» - environ 260 milliards de dollars - en tant que garantie pour le prêt américain. C'est là toute l'affaire, car seuls les revenus tirés de ces actifs ne suffiraient pas à garantir le prêt.

La situation est encore plus complexe. Ces fonds ne quitteront pas Washington pour Kiev ; ils resteront en ville au profit du complexe militaro-industriel pour fabriquer encore plus d'armes.

L'UE vole donc les actifs, sous un prétexte juridique peu convaincant (Janet Yellen a déjà dit que c'était OK) et les transfère aux États-Unis. Washington est à l'abri si tout va mal - comme ce sera le cas.

Seul un fou croirait que les Américains accorderaient un prêt important à un pays de facto 404 dont la dette souveraine est au bord de l'abîme. La sale besogne est confiée aux Européens : c'est à l'UE de changer le statut des actifs volés/«gelés» de la Russie en garantie.

Et attendez l'ultime manœuvre délicate. Tout ce stratagème concerne Euroclear, en Belgique, où se trouve la plus grande partie des fonds russes. Pourtant, ce n'est pas la Belgique, ni même les eurocrates, qui ont pris la décision de mettre en place cette escroquerie de blanchiment d'argent.

Il s'agit d'une décision du G7 imposée par l'Hégémon. La Belgique ne fait même pas partie du G7. Pourtant, en fin de compte, c'est la «crédibilité» de l'UE dans son ensemble qui sera mise à mal dans l'ensemble de la majorité mondiale.

Et les sourds, muets et aveugles, comme on peut s'y attendre, n'en sont même pas conscients.

 Pepe Escobar

source :  Strategic Culture Foundation

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