03/11/2023 francesoir.fr  3min #236562

L'identité numérique et la surveillance des communications privées pour lutter contre l'accès aux contenus sensibles

Lauriane Bernard, France-Soir

Sous couvert de réglementation numérique, l'intégralité des communications électroniques pourrait être surveillée 24H/24.

Unsplash / France-Soir

Plusieurs projets de loi qui entendent lutter contre l'accès aux contenus pornographiques et pédopornographiques en ligne sont en passe d'être votés par les parlements français et européen. L'un entend imposer le recours à l'identité numérique pour consulter un site pornographique afin de s'assurer de la majorité des utilisateurs. L'autre prévoit d'analyser les communications échangées par messageries privées dans le but de détecter des abus sexuels commis sur des enfants.

Une identité numérique pour consulter un site pornographique

La loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, dit SREN, qui n'a pas encore été complètement votée, est un texte fourre-tout qui va de la lutte contre la pédopornographie aux arnaques en ligne. Autant de thématiques différentes abordées dans ce texte mais qui convergent vers un même objectif : restreindre l'anonymat en ligne.

Le projet de loi préconise entres autres de bloquer l'accès des sites pornographiques tant que l'âge des utilisateurs n'a pas été vérifié. Avant toute chose, il faut savoir qu'une loi adoptée en 2020 impose déjà à de tels sites de faire remplir une déclaration de majorité à leurs visiteurs, sous peine de blocage. Mais voilà, selon la député Marie Guévenoux (Renaissance) : "Les éditeurs pornographiques ont payé les meilleurs cabinets d'avocats de la planète pour contourner la loi." En effet, lorsque les sites en question sont sanctionnés, ils font des recours en justice qui traînent en longueur, et pendant ce temps, leur site reste accessible au public. Il faut donc songer à d'autres méthodes.

Avec la loi SREN, un référentiel recommandé par l'Arcom suggère de passer par un tiers de confiance (un professionnel habilité à mettre en œuvre des signatures électroniques) confirmant que l'utilisateur est bien majeur. Ce mécanisme du tiers de confiance impose néanmoins l'utilisation d'une identité numérique d'État. Sous prétexte de protéger les mineurs contre l'accès à des contenus inappropriés pour leur âge, cette loi contraint les autres à se prévaloir d'une identité numérique.

Pour l'instant, le gouvernement nie toute intention d'élargir l'application de ce mécanisme à d'autres types de contenus que celui des sites pornographiques et des jeux en ligne. Au niveau européen, un projet semblable prévoit aussi d'écorner un peu plus la règle de l'anonymat sur Internet.

Des communications privées analysées en permanence pour détecter les abus sexuels commis sur les enfants

Le 11 mai 2022, la Commission européenne a présenté un  projet de règlement qui vise à lutter contre les abus sexuels sur les enfants. Selon la proposition, des services de communication tels que Gmail, WhatsApp ou encore Telegram devraient analyser tout ce que s'envoient leurs utilisateurs. Le but serait de détecter des photos et des vidéos d'agressions sexuelles commises sur des mineurs. L'obligation de signalement incomberait aux services de messageries instantanées, qui feraient remonter les informations à un centre européen créé à cet effet.

Une fois n'est pas coutume, l'intégralité des communications électroniques de personnes parfaitement intègres serait ainsi surveillée 24 heures sur 24, au moyen d'une technologie qui n'est pas encore déterminée. En tout état de cause, un espionnage constant et non ciblé des communications, sans preuves suffisantes d'activités répréhensibles, constituerait une atteinte à la vie privée extrêmement grave. Sans compter que le dispositif pourrait devenir très rapidement inefficace. En effet, les criminels trouveraient probablement d'autres moyens de communiquer s'ils s'aperçoivent que leurs échanges sont surveillés.

Le projet de règlement sera soumis au vote du Parlement européen avant août 2024.

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