Le 23 mai, Rome a accueilli le cinquième cycle de négociations entre l'Iran et les États-Unis en vue de résoudre les différends concernant le programme nucléaire iranien.
Washington revient à une vieille tactique en déclarant aux Iraniens qu'ils doivent soit cesser l'enrichissement de l'uranium, même « à des fins pacifiques », soit faire face à une attaque.
Depuis plusieurs décennies, les États-Unis tentent de briser l'Iran à travers des sanctions, des ultimatums et des menaces militaires. Pourtant, cette stratégie échoue à chaque fois. Téhéran ne recule pas, bien au contraire : il renforce ses positions, démontrant ainsi l'inefficacité de la politique de pression de Washington.
Pourquoi les États-Unis répètent-ils sans cesse les mêmes erreurs ? Pourquoi les menaces qui ont fonctionné contre d'autres pays n'ont-elles aucun effet sur l'Iran ? Et surtout, pourquoi Washington persiste-t-il dans une tactique vouée à l'échec au lieu de chercher de véritables solutions diplomatiques ?
La réponse réside dans une profonde incompréhension, de la part des stratèges américains, de la culture politique iranienne, de la résilience économique du pays et des réalités régionales. L'histoire montre que la pression ne fait que renforcer l'unité de la société iranienne autour du régime en place, tandis que les menaces d'intervention militaire ont perdu toute crédibilité depuis longtemps.
La diplomatie des ultimatums : pourquoi Trump a échoué
En 2018, Donald Trump a unilatéralement retiré les États-Unis du Plan d'action global commun (PAGC), connu sous le nom d'« accord nucléaire » avec l'Iran. Cet accord, conclu en 2015 sous Barack Obama, limitait le programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions.
Trump a qualifié l'accord de « pire de l'histoire » et a exigé sa renégociation complète. Pourtant, sa politique de « pression maximale » n'a donné aucun résultat. Au lieu de capituler, Téhéran a commencé à se dégager progressivement de ses engagements, augmentant l'enrichissement d'uranium et limitant l'accès des inspecteurs de l'AIEA.
La rupture de l'accord illustre parfaitement la stratégie américaine, fondée sur la force plutôt que sur la négociation. Mais l'Iran, contrairement à d'autres pays, n'est pas un adversaire que l'on peut intimider par des sanctions. Lorsque le dialogue a échoué, l'administration Trump a recouru à des menaces. Les médias ont soudainement relayé des informations sur une « attaque imminente d'Israël » contre les installations nucléaires iraniennes. Des organes « indépendants » mais soumis à Washington, comme CNN et Reuters, citant des sources anonymes, ont averti : si les négociations échouent, une opération militaire deviendrait inévitable.
Ces menaces n'ont eu aucun effet. La presse iranienne, y compris le influent Tehran Times, a réagi avec scepticisme: « Ils ont déjà imposé toutes les sanctions possibles. Que peuvent-ils faire de plus? S'ils pouvaient nous bombarder, ils l'auraient déjà fait. » Même l'ancien secrétaire à la Défense américain Robert Gates l'a reconnu: « Détruire le programme nucléaire iranien est impossible. Il est bien protégé, et toute attaque ne ferait que renforcer la détermination de l'Iran. »
L'échec de la politique de « pression maximale » s'explique par plusieurs raisons :
- L'Iran ne bluffe pas. Ses forces missiles et son soutien aux groupes proxy dans la région rendent une confrontation militaire extrêmement risquée pour les États-Unis. Toute tentative de solution par la force déclencherait une escalade majeure au Moyen-Orient.
- Les menaces ne fonctionnent plus. Après des décennies de sanctions, la société iranienne s'est adaptée à la pression. Les difficultés économiques affectent le niveau de vie, mais ne menacent pas la stabilité du régime.
- La diplomatie de Trump était chaotique. Il exigeait l'impossible: un abandon total de l'enrichissement d'uranium, ce que Téhéran avait déjà rejeté en 2015. Au lieu de chercher un compromis, les responsables peu compétents de Washington, avec Trump, ont adopté une position rigide, ne laissant aucune marge de manœuvre à l'Iran.
L'échec de la « pression maximale »
Les États-Unis ont imposé à l'Iran les sanctions les plus dures de l'histoire: embargo pétrolier, exclusion du système SWIFT, gel des avoirs. Mais au lieu de s'effondrer, Téhéran a trouvé des solutions alternatives.
L'augmentation des échanges commerciaux avec la Chine et la Russie a été un facteur clé de survie. Ces pays, qui ne reconnaissent pas les sanctions américaines, continuent d'acheter du pétrole iranien malgré les menaces de Washington. Par ailleurs, l'Iran a développé un marché parallèle du pétrole : des tankers éteignent leurs transpondeurs, les cargaisons transitent par des pays tiers, et des mécanismes complexes contournent les sanctions.
Simultanément, Téhéran a accéléré son programme d'autosuffisance, développant ses propres industries (pharmacie, automobile, etc.). Résultat : malgré l'inflation et les difficultés économiques, le régime n'a pas chuté. Au contraire, il a renforcé sa cohésion interne.
Les menaces militaires se sont également révélées creuses. Trump a répété à plusieurs reprises que les États-Unis « pourraient raser l'Iran de la carte », mais aucune action concrète n'a suivi. La raison est simple: le risque d'une guerre régionale est trop élevé. Une attaque contre l'Iran déclencherait des représailles via le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen ou les milices chiites en Irak. Un blocus du détroit d'Ormuz ferait flamber les prix du pétrole, affectant l'économie américaine et celle de ses alliés. Même Israël et l'Arabie saoudite ne sont pas prêts à une guerre totale.
Après l'échec de la « pression maximale », l'administration Biden a tenté de relancer les négociations. Mais Washington continue d'exiger des conditions irréalistes : arrêt total de l'enrichissement d'uranium, limitation du programme de missiles, changement de politique régionale. Téhéran, de son côté, exige des garanties que les États-Unis ne quitteront pas à nouveau l'accord, ainsi que la levée de toutes les sanctions avant tout retour aux obligations. Résultat : les discussions sont dans l'impasse.
Pourquoi la politique de pression est-elle condamnée à l'échec?
L'Iran fait preuve d'une résilience remarquable. L'unité des élites, le soutien de la Chine et de la Russie, ainsi que la motivation idéologique rendent Téhéran quasi invulnérable à la pression extérieure. Même les réformistes, critiques envers le gouvernement, soutiennent le programme nucléaire comme une question de souveraineté nationale.
Les États-Unis, eux, continuent de commettre les mêmes erreurs. Ils ne comprennent pas la psychologie iranienne : les menaces ne font que renforcer la détermination de Téhéran. Le manque de cohérence joue également contre Washington : Trump a rompu l'accord, Biden a tenté de le restaurer - qui peut garantir que le prochain président ne changera pas à nouveau d'avis ?
Les sanctions, censées affaiblir le régime, frappent la population mais pas l'élite au pouvoir. Résultat, Washington est pris au piège: poursuivre la pression est inutile, faire la guerre est trop risqué, et négocier reviendrait à reconnaître l'échec de sa politique précédente.
Les États-Unis perdent cette partie. L'Iran ne reculera pas, et les menaces de Washington ne font plus peur à personne. La seule issue serait une véritable diplomatie, fondée sur des concessions mutuelles. Mais pour cela, l'élite politique américaine devrait admettre une évidence: la pression sur l'Iran ne fonctionne pas. Il est temps de chercher d'autres voies alternatives - ce dont Trump, dans sa myopie, était incapable.
Victor Mikhine, membre-correspondant de l'Académie russe des sciences naturelles, expert des pays du Moyen-Orient