par Amir Saeid Iravani
D'ordre de mon gouvernement et comme suite à la lettre que je vous ai adressée le 2 décembre 2024 (S/2024/874), je vous écris en réponse à la lettre conjointe datée du 6 décembre 2024 que la Représentante permanente de l'Allemagne, le Représentant permanent de la France et la Représentante permanente du Royaume-Uni auprès de l'Organisation des Nations unies ont adressée au Secrétaire général (S/2024/886). Dans cette lettre, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni (groupe E3) ont, une fois de plus, passé sous silence le fait qu'ils manquaient continuellement à leurs engagements, tout en accusant sans justification aucune la République islamique d'Iran de ne pas respecter ses engagements au titre du Plan d'action global commun et de violer prétendument la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité. À cet égard, je tiens à appeler votre attention ainsi que celle des membres du Conseil de sécurité sur les points suivants :
1. La République islamique d'Iran rejette catégoriquement les assertions figurant dans la lettre du groupe E3 selon lesquelles elle ne respecterait pas ses engagements au titre du Plan d'action. Toute allégation concernant la mise en œuvre par l'Iran de ses engagements découlant du Plan est fondamentalement erronée lorsqu'elle est sortie du contexte global du retrait des États-Unis du Plan. Ce genre d'affirmation est arbitraire et dénuée de tout fondement, car elle ne tient pas compte des mesures prises sans relâche par l'Iran pour respecter l'accord malgré les provocations et les violations persistantes des États-Unis et du groupe E3.
2. Comme le souligne l'Iran dans sa lettre datée du 2 décembre 2024 (S/2024/874), la cause profonde de la situation actuelle concernant le Plan d'action réside dans le retrait unilatéral des États-Unis, qui a eu lieu en mai 2018, et dans l'incapacité qu'a ensuite démontrée le groupe E3 de respecter ses engagements au titre du Plan et de la résolution 2231 (2015). En se retirant de l'accord en violation flagrante de leurs engagements, les États-Unis ont non seulement sapé les fondements mêmes du Plan, mais également rétabli des sanctions illégales et paralysantes à l'égard de l'Iran, en contradiction manifeste avec l'accord et la résolution 2231 (2015). Tout en prétendant respecter ses engagements, le groupe E3 n'a pas pris de mesures efficaces pour atténuer les effets de ces sanctions illégales et permettre à l'Iran de bénéficier des avantages garantis par l'accord.
3. En mentionnant les rapports de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sans tenir compte de tous les éléments de contexte, le groupe E3 fait penser à tort que l'Iran ne respecte pas ses engagements. Or l'Iran a coopéré avec l'AIEA de manière constante et transparente, malgré les difficultés sans précédent posées par des pressions extérieures, comme les sanctions unilatérales des États-Unis et l'inaction du groupe E3. À ce jour, l'Iran reste soumis aux mesures de vérification et de surveillance les plus strictes jamais mises en œuvre par l'Agence. Les mesures correctives prises par l'Iran étaient réversibles et directement liées au principe de réciprocité énoncé dans le Plan d'action. Il est donc malhonnête et hypocrite de la part du groupe E3 d'évoquer le «non-respect» par l'Iran de ses engagements en passant sous silence ses propres manquements à ses obligations au titre de l'accord.
4. Le fait que le groupe E3 ait saisi le mécanisme de règlement des différends du Plan d'action en réponse aux mesures correctives prises par l'Iran depuis mai 2019, comme indiqué dans sa lettre datée du 14 janvier 2020, était injustifié. Cette mesure, qui ne tenait pas compte des griefs légitimes de l'Iran au titre du paragraphe 36, n'était pas un acte de bonne foi, mais une manœuvre politisée visant à détourner l'attention des manquements du groupe E3. Comme cela a été exprimé dans de nombreuses communications, la décision de l'Iran de cesser de respecter ses engagements après que les États-Unis se sont retirés unilatéralement du Plan et ont rétabli leurs sanctions illégales était une mesure légale et légitime, conformément aux droits que reconnaissent à l'Iran les paragraphes 26 et 36 du Plan. Par conséquent, il est tout à fait illogique et inacceptable que le groupe E3 tente de faire passer son refus de s'acquitter de ses engagements en matière de levée des sanctions à la Date de transition pour une réaction aux mesures correctives légales adoptées par l'Iran - des mesures que celui-ci n'a d'ailleurs prises qu'après avoir enduré pendant toute une année le retrait illégal des États-Unis et les manquements persistants du groupe E3 à ses obligations en matière de levée des sanctions.
5. Le fait que le groupe E3 ait refusé de lever les sanctions à la Date de transition, en octobre 2023, et imposé de nouvelles sanctions en 2024 sous des prétextes fallacieux constitue une autre violation manifeste de ses engagements au titre du Plan d'action et de la résolution 2231 (2015). L'affirmation selon laquelle ces sanctions sont «totalement distinctes» du Plan n'est fondée ni sur le droit ni sur la réalité. Dans sa résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité a demandé explicitement à tous les participants au Plan d'action de s'abstenir de toute action susceptible d'entraver la réalisation des objectifs de l'accord. En recourant à des régimes de sanctions unilatérales, comme la décision du Conseil de l'Union européenne (PESC) 2023/1532 et le règlement édicté par le Royaume-Uni, le groupe E3 tente manifestement de se dérober à ses engagements. Nous nous étonnons en particulier de l'interprétation du paragraphe 30 du Plan faite par le groupe E3, qui donne une idée erronée des activités couvertes par la levée des sanctions. Si nous nous félicitons que le groupe E3 ait décidé de participer plus étroitement au Plan, l'interprétation qu'il en fait n'est malheureusement pas la bonne. Le paragraphe 30 concerne exclusivement les activités directement liées aux obligations en matière de levée des sanctions et ne justifie aucunement les mesures unilatérales ou politiquement motivées qui violent les engagements fondamentaux pris au titre de l'accord. L'imposition de sanctions supplémentaires et la réinscription sur la liste des sanctions d'entités comme Islamic Republic of Iran Shipping Lines contreviennent de manière flagrante à l'interdiction de rétablir des sanctions précédemment levées dans le cadre du Plan d'action. De telles mesures sont non seulement contraires aux engagements au titre du Plan, mais sapent également les efforts visant à renforcer la confiance, essentiels à de véritables avancées diplomatiques. Il est indiscutable que les dispositions du Plan en matière de levée des sanctions s'appliquent à l'entité Islamic Republic of Iran Shipping Lines ; toute affirmation contraire est à la fois fausse et trompeuse.
6. L'affirmation du groupe E3 selon laquelle l'Iran «a refusé de saisir des occasions» en 2022 est tout simplement mensongère et ne tient pas compte de la réalité sur le terrain ni des négociations. L'Iran s'est engagé de bonne foi dans les pourparlers de Vienne, faisant preuve d'une grande souplesse pour parvenir à un accord équilibré. Toutefois, l'approche irréaliste adoptée par le groupe E3 et les États-Unis, à laquelle s'ajoutent un manque de volonté politique, des considérations politiques nationales et des tentatives visant à faire porter les négociations sur des questions hors sujet, a, en définitive, compromis l'aboutissement des pourparlers. Par conséquent, il est à la fois inapproprié et injuste d'imputer à l'Iran l'échec des négociations.
7. L'Iran demeure fermement attaché aux obligations que lui impose le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, lequel garantit sans équivoque le droit inaliénable de tous les États parties de développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination et dans le plein respect des dispositions de son article premier et de son article II. Il ne transigera jamais sur les droits légitimes et inaliénables que lui confère le Traité. Par conséquent, toute menace de recourir au «mécanisme de retour aux sanctions» est contre-productive et suscitera une réponse ferme de la part de l'Iran. Cette position a été explicitement exprimée par l'ancien président de la République islamique d'Iran dans une lettre adressée aux dirigeants du groupe E3 le 8 mai 2019.
8. L'Iran demeure résolu à coopérer de bonne foi et à envisager tous les moyens diplomatiques pour résoudre les difficultés communes. Toutefois, le groupe E3 doit comprendre qu'une diplomatie digne de ce nom exige une véritable réciprocité et le respect des engagements pris. Nous lui demandons instamment d'abandonner sa politique de pression et de confrontation, inefficace et vouée à l'échec. Le groupe E3 devrait plutôt opter pour la diplomatie et s'employer à rétablir la confiance, indispensable pour sortir de l'impasse actuelle. Une solution diplomatique durable passe obligatoirement par le respect mutuel, le strict respect du droit international et le plein attachement aux principes énoncés dans le Plan d'action global commun, un cadre qui s'est révélé efficace pour gérer la crise inutile concernant le programme nucléaire pacifique de l'Iran.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité.
source : Réseau Voltaire