12/02/2024 infomigrants.net  6min #242721

L'Ocean Viking de nouveau immobilisé en Italie, l'équipage proteste contre « des déclarations mensongères » des garde-côtes libyens

L'équipage de l'Ocean Viking a secouru 261 personnes le 6 février, avant de débarquer au port de Brindisi, en Italie. Crédit : SOS Méditerranée

Troisième immobilisation en trois mois. Vendredi 9 février, les autorités italiennes  ont à nouveau annoncé bloquer l'Ocean Viking, le navire de sauvetage de l'association  SOS Méditerranée, pour une durée de 20 jours, en vertu de la loi Piantedosi qui oblige les bateaux humanitaires à rejoindre le port de débarquement qui leur est assigné dès le premier sauvetage. Ce dernier écope également d'une amende de 3 333 euros.

Dès l'arrivée du bateau au port de Brindisi, qui  transportait 261 migrants rescapés en mer, dont 16 femmes, deux enfants et 60 mineurs non accompagnés, la déclaration de détention a été présentée à l'équipage sans possibilité de se défendre, rapporte  un communiqué de l'ONG publié samedi.

La décision italienne s'appuie sur l'avis  de garde-côtes libyens, selon lesquels l'Ocean Viking aurait contrevenu à un ordre de quitter la zone de recherche en Méditerranée, le 6 février. Une version des faits "mensongère", estime l'association visée. Pour protester contre cette nouvelle immobilisation, SOS Méditerranée compte déposer un recours, a indiqué à l'AFP Sophie Beau, la directrice générale de l'ONG.

⚡️COMMUNIQUÉ⚡️
L'#OceanViking détenu sur la base déclarations mensongères de patrouilleurs libyens violant le droit maritime.@SOSMedFrance dénonce cette décision injuste et grave qui marque une nouvelle escalade dans le mépris, par les États, du droit maritime.
"Non seulement…

Quatre embarcations secourues lors d'une journée "chaotique"

Afin de partager sa propre version des faits, l'association résume ce qu'il s'est passé en mer lors de quatre sauvetages qu'elle a effectués entre le 6 et le 7 février. Déjà, ces quatre opérations ont été réalisées "dans une situation très tendue, due au comportement menaçant et imprévisible des garde-côtes libyens tout au long de la journée", précise-t-elle.

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Selon l'ONG, les quatre embarcations secourues par l'Ocean Viking ces jours-là "n'étaient pas en état de naviguer". "Elles étaient surchargées, exposées aux éléments, aucun des naufragés n'avait de gilet de sauvetage et il y a eu des facteurs aggravants de tension et de danger au cours de chaque opération."

D'abord, le navire est venu en aide  à une première embarcation de 110 personnes, qui était "sur le point de se disloquer". Après ce premier sauvetage, les autorités italiennes "ont demandé à l'Ocean Viking d'évaluer la situation d'autres embarcations en détresse", note encore l'ONG. Comme elle le décrit, la seconde embarcation présentait une fuite de carburant qui se répandait sur le pont et intoxiquait les migrants à bord, tandis que la troisième prenait l'eau et penchait dangereusement. L'équipage du navire humanitaire a donc procédé à leur sauvetage "en toute transparence et en coordination avec les autorités italiennes et les navires libyens présents sur les lieux, qui ont donné leur feu vert", note le communiqué.

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Cependant, alors que l'Ocean Viking s'apprêtait à porter assistance au quatrième canot, "les  bateaux libyens présents sur les lieux ont changé d'avis et ont demandé à notre navire ambulance de quitter les lieux à la dernière minute". Sauf qu'au moment où l'Ocean Viking allait quitter la zone comme ordonné par les Libyens, la petite embarcation transportant des exilés, "paniqués" en voyant les secours partir, "s'est approchée à cinq mètres" du navire. "Les personnes ont commencé à crier et à risquer leur vie pour atteindre l'Ocean Viking et l'empêcher de partir", raconte l'association. Face à cette situation "très dangereuse", ces migrants ont finalement été recueillis grâce à des canots de sauvetage rapidement mis à l'eau.

"Retours forcés vers la Libye"

En parallèle, tout au long des opérations, l'équipage de l'Ocean Viking dit avoir été témoin "d'au moins trois interceptions et de retours forcés vers la Libye" ainsi que de "violations répétées des conventions maritimes et des droits humains par des navires de patrouille libyens".

🔵UPDATE
Il y a deux jours, l’#OceanViking a effectué quatre sauvetages dans des situations difficiles en raison du comportement menaçant et imprévisible des navires des garde-côtes libyens.
Notre équipage a également été témoin d'au moins trois interceptions forcées, comme…

Les actions des garde-côtes libyens sont fréquemment pointées du doigt par les associations humanitaires. "Devoir justifier le simple  fait de sauver des vies en mer n'a aucun sens, ni moral, ni juridique. Les patrouilleurs libyens ramènent les naufragés de force en Libye, ce qui est contraire à l'obligation légale de les débarquer dans un lieu sûr. Pourtant, non seulement ils sèment le chaos sur la route maritime la plus meurtrière au monde, mais ils sont en plus écoutés et  soutenus par les institutions européennes, alors que ceux qui respectent le devoir de sauvetage en mer sont détenus", juge Soazic Dupuy, directrice des opérations de SOS Méditerranée.

C'est pour cela qu'elle appelle l'Union européenne à "cesser de financer les garde-côtes libyens et à réorienter les fonds publics vers des services de recherche et de sauvetage efficaces et rationnels".

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En plus de cela, l'ONG dénonce un "mépris" de la part des autorités italiennes vis-à-vis de l'action des associations humanitaires et une "criminalisation" de leurs activités. Pour ces dernières, le décret Piantedosi en est la preuve : les bateaux de sauvetage  ont perdu 374 jours à réaliser de longs trajets pour atteindre des ports de débarquement italiens, parfois à des centaines de kilomètres, au lieu de porter assistance aux canots en détresse, révélait SOS Humanity début février.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations, en 2023, 3 041 migrants ont été portés disparus après avoir tenté de traverser la Méditerranée vers l'Europe, et 128 depuis le début de l'année.

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