Auteur(s): Teresita Dussart, pour FranceSoir
TRIBUNE - À quoi ressemblerait un monde où la vraie opposition ne serait plus cette dissidence censurée de Twitter, principale plateforme digitale, voire soustraite au regard des autres au travers de l'infâme "shadow ban" ? Un monde où les citoyens de la principale puissance du monde pourraient voter en ayant accès à toute l'information sur les scandales de Hunter Biden, car le journal qui les publie ne serait pas censuré et ceux qui mentionnent l'article ne seraient pas bloqués. Un monde où l'affaire de corruption McKinsey en France serait en tendance sur Twitter, car elle ne serait pas escamotée par des algorithmes censeurs. Un monde où le citoyen lambda pourrait faire part de ses peurs sans être humilié ou traité comme un fiché S, voire un propagateur de haine, pendant que des comptes de vraies organisations terroristes peuvent, elles, proliférer sur la même plateforme. Un monde où la polémique, l'irrévérence, l'insolence et même les erreurs, sophismes, mensonges auraient leur place et pourraient être rebattus publiquement. Un monde sans Torquemadas œuvrant à l'endoctrinement des masses sous couvert d'être des "vérificateurs de l'information".
Démocratie serait sans doute le mot accolé à ce type de société. Un vieux concept hérité de l'hellénisation de l'Occident, peaufiné par les siècles. Pourtant, il aura fallu un Elon Musk et 41 milliards d'euros pour rappeler ce qui avait cessé d'être évident : "La liberté d'expression est la base d'une démocratie fonctionnelle".
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La démocratie a plus souffert de l'autoritarisme woke, de la nouvelle radicalité du parti Démocrate soutenue financièrement par les oligarchies du XXIème siècle, du poids des entités non représentatives devenues des sortes de métagouvernements, que sous de vrais pouvoirs totalitaires, avançant comme tel. Les citoyens en Union soviétique savaient que la Pravda consistait en un ramassis de propagande stéréotypique. Le propre de la propagande woke, c'est le lavage de cerveau maquillé en liberté d'expression, avec un agenda de haine de l'espèce humaine sous couvert d'inclusivité et autres poncifs. C'est beaucoup plus pervers.
Le retour à la démocratie est imprévu. Les oligarques de la Silicon Valley ne savent plus où se mettre. Ils sont terrorisés. Comment adapter la doxa sans que leurs marionnettes se retrouvent dans l'horrible situation d'avoir à répondre à des arguments par des arguments ? Que faire si l'anathème "de fausses informations" ou cette autre formule "vos commentaires ne sont pas conformes à notre charte de valeurs", ne sont plus de mise ?
En rachetant Twitter, Elon Musk a généré un tremblement de terre. Et le pire est qu'il ne dissimule pas le mépris dans lequel il les tient. Il semble se réjouir de l'état de panique. Il en rajoute. Il est chez lui. Sans inhibition. Sans censure. Il y a toute une génération qui n'a pas connu cela. C'est désarmant pour des millions de personnes de lire des évidences telles que : "Suspendre le compte d'une organisation d'information pour avoir publié une histoire véridique, est certainement incroyablement inapproprié".
Dans ce tweet, Elon Musk fait directement allusion à l'affaire la plus politique de ces deux dernières années : la censure directe par Twitter du compte du journal The New Yorker. Le titre avait osé publier les mails de Hunter Biden, pendant la dernière campagne électorale. C'est la première fois en démocratie, qu'un média était explicitement muselé, pour s'attaquer au népotisme et à la corruption. Depuis, Twitter a été condamné par la Commission Fédérale Électorale en septembre 2021 pour avoir agi de manière illégale en restreignant la distribution du New Yorker. Joe Biden aurait-il été élu, si cette information, factuellement inattaquable, avait circulé sur le réseau ?
Autant dire que chez les Biden, le climat n'est pas à la sérénité. Twitter est intervenu dans la campagne électorale de manière sournoise, non pas la Russie, et l'a fait pour lui, Joe Biden. Il semblerait que cela n'ait pas laissé de très bons souvenirs au dernier PDG de la plateforme, Jack Dorsey, qui aujourd'hui soutient activement Elon Musk. Les pressions qui se sont exercées sur Jack Dorsey restent à écrire. Toujours est-il qu'aujourd'hui, ce dernier présente Elon Musk comme la personne "qui peut sauver la liberté d'expression" de Twitter. En soi, un incroyable désaveu doublé d'une menace latente pour le clan Biden au sens large.
L'administration du vieil homme semble l'avoir ainsi perçu, à en juger par son empressement à présenter un projet cherchant une approbation la plus rapide possible. Il s'agit d'une loi qui devrait "réguler les réseaux sociaux, tel que Twitter", nommément cité, "pour qu'ils rendent compte des dommages causés." La sénatrice démocrate Elizabeth Warren considère le rachat de Twitter par Elon Musk comme "dangereux pour la démocratie". "Les milliardaires comme Elon Musk jouent selon un autre éventail de règles, accumulant du pouvoir pour leur propre bénéfice. Nous avons besoin d'une loi fiscale et de règles fortes pour rendre la Big Tech responsable", dit-elle. C'est curieux, parce que les démocrates ne disent rien de tel de Bill Gates, ni d'aucun oligarque, tant que ceux-ci créent les conditions de l'ostracisme et de la diabolisation de leurs opposants.
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Outre cette mesure qui vise la criminalisation de l'opinion, les cavaliers de l'Apocalypse ont été lâchés urbi et orbi pour prêcher la bienséance woke. Elon Musk, le visionnaire de SpaceX et Tesla, économiste, physicien, l'homme qui a bâti sa fortune en commençant à programmer dès l'âge de huit ans, est jugé comme "insuffisamment cultivé" pour comprendre les enjeux de la liberté d'expression. Il est disqualifié sur toutes les chaînes mainstream. Une attaque en règle, qui fait penser au concert de diffamation à l'égard de chefs de départements hospitaliers durant la phase covidienne. D'éminents experts dont les compétences étaient mises en doute par les titulaires de licence en communication.
Quitter Twitter est devenu le nouveau mantra des tenants de l'autoritarisme woke. Le maquis digital sera TikTok, régulé selon les canons de modération du Parti Communiste Chinois (PCC). Il est vrai que c'est là un univers beaucoup plus en conformité avec les canons de la gauche woke.
Lorsque Jeff Bezos a racheté le Washington Post et en a fait un organe de communication partisane, personne n'a rien dit. Les oligarques de la Silicon Valley ont installé l'oxymoron selon lequel la liberté est sélective. Sont libres de s'exprimer ceux qui communient dans la doxa fonctionnelle à leur agenda. La liberté d'expression est rationnée. Elle se mérite.
C'est dans cette fourmilière qu'Elon Musk est venu donner un coup de pied. Toutefois, il appartient lui-même à ce monde. Sa fortune est largement illiquide et relève principalement de la capitalisation de Tesla. C'est le talon d'Achille par lequel il peut être détruit. Nul doute qu'il est devenu un homme à abattre.