16/09/2025 dedefensa.org  11min #290668

 Hystérie autour des drones en Pologne : l'Europe veut-elle faire oublier l'Alaska ?

L'Otan et les drones face aux experts

 Bloc-Notes  

• L'OTAN, l'UE, le triste Tusk de Pologne (mais ni Trump ni la Maison-Blanche) sont tout en affaires après l'expédition, – voulue ou non ? Qui le dira, sauf un petit doigt nommée ‘maskirovka' – des drones russes dans le ciel polonais. • Où l'on découvre, sans surprise excessive, que l'OTAN n'est préparée à rien contre les Russes qu'elle menace depuis trois ans et demie. • Toutes ses procédures, toutes ses conceptions, tous ses matériels, et éventuellement tous ses chefs sont disponibles : poubelle ! • La fiesta des drones ne changera rien à leurs erreurs.

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Le journal espagnol ‘El Mundo' prend au mot l'argument des antirusses qui dénoncent l'incursion de 19 (ou 21) drones ‘Geranium' en Pologne : il s'agissait d'un test des Russes sur la défense aérienne de l'OTAN. Si c'est le cas, dirions-nous pour paraphraser le journal, le résultat est lumineux. La défense aérienne de l'OTAN (de la Pologne) est soit un panier crevé, soit un morceau de gruyère auquel il ne resterait que les trous. On émet ce sévère jugement du fait que 4 (ou 3) des 19 drones seulement ont été abattus, et indirectement en raison du coût pharamineux de ces destructions (quatre missiles AIM-120 AMRAAM de un millions d'euros pièce pour abattre des drones dont le coût de production évolue de €10 000 à €5 000 l'unité).

On ignore si les Russes ont réellement monté cette opération comme le clament l'OTAN et la Pologne, – qui feraient mieux de se taire pour ce cas, même mensonges en bandouillère, – mais nous serions tentés de penser que, pour une fois, les mensonges disent le vrai. (On ment par réflexe hystérique et parfois on rencontre le vrai.) Il se pourrait bien que, pour ce cas effectivement, les Russes aient retrouvé leur goût et leur habileté légendaires pour la ‘ maskirovka'. Il doit être tentant pour eux d'utiliser (parfois, – épargnons la vertu russe) à leur avantage les innombrables contradictions des simulacres et narrative dans lesquels se noient les élitesSystème américanistes-occidentalistes.

En attendant, voici  le rapport sur les écrits d'‘El Mundo'.

« Les récentes incursions de drones en Pologne, membre de l'OTAN, et la réponse "décevante" de l'OTAN ont révélé l'inefficacité et le manque de préparation des systèmes de défense de l'OTAN, rapporte le quotidien espagnol El Mundo.

» El Mundo a noté que les partenaires de l'OTAN n'ont pas réussi à abattre ne serait-ce qu'un quart des drones entrés dans l'espace aérien polonais. La Pologne est le premier pays de l'UE en matière de dépenses militaires, avec 4,1 % de son PIB. La réponse collective de l'OTAN a été "décevante par son inefficacité et son coût disproportionné", écrit le journal.

» Le rapport cite le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui a déclaré que seuls quatre drones avaient été interceptés, chacun équipé d'un missile AIM-120 AMRAAM coûtant environ un million d'euros. "Autrement dit, ils ont utilisé un projectile cent fois plus cher que le drone lui-même", écrit El Mundo. Le média s'interroge également sur la manière dont un bloc militaire de la taille de l'OTAN et doté d'un budget colossal a pu laisser ses frontières sans préparation.

» Tusk a déclaré que l'incursion avait rapproché la Pologne d'un conflit militaire "plus qu'à aucun autre moment depuis la Seconde Guerre mondiale". »

La "décision stratégique" des pîlotes-experts

D'abord, revenons sur une évidence qui nous est communiquée par LCI, dont on sait le zèle à nous informer à propos de l'évolution de la situation ; donc, la chaîne  n'a pas manqué à son devoir...

« On ne connaît pas encore les intentions de Moscou. Mais une chose est certaine : l'intrusion de drones venus de Russie a permis de tester les défenses aériennes de l'Otan. »

... Et le résultat n'est pas exaltant. Le texte cité donne non pas 19 mais 21 drones invasifs, et trois abattus. Le ratio n'est pas du tout impressionnant lorsqu'on le compare aux performances des Russes et des Ukrainiens contre des flottes de drones bien plus impressionnantes. Mais il n'est pas question de laisser planer le moindre doute sur la vigilance, sinon la capacité, des Polonais, qui sont les mieux armés des pays de l'OTAN immédiatement face aux Russes. Ainsi la communication se met-elle en grand appareil pour nous expliquer, à nous les sachants-très-peu, qu'il faut juger cela d'une façon stratégique, et qu'alors le supposé-échec se transforme en succès "stratégique" ; qu'on se rassure et qu'on se le dise nous suggère LCI...

« Mais peut-on pour autant parler d'un échec ? Pas selon plusieurs sources militaires qui décrivent plutôt une décision stratégique. "Chaque fois que vous utilisez des avions pour vous défendre contre une attaque de drone comme celles-ci, vous devez faire des choix quant aux drones à intercepter et à ceux à ne pas intercepter", a ainsi argué le  général Alexus Grynkewich, commandant suprême des forces alliées en Europe pour l'Otan. Un tri à réaliser "en fonction du nombre d'avions que vous avez en vol" et si "quelque chose se dirige vers [un objectif important]", a-t-il poursuivi, saluant les "bonnes décisions" des équipages mobilisés. »

Et figurez-vous que, pour assurer une complète tranquillité à nos pauvres âmes parfois tentés par le défaitisme, LCI a ‘doubled down' comme on dit de plus en plus souvent, – avec une éclatante confirmation d'une partie à la fois connaisseuse, extrêmement honnête et objective tout autant. Nous parlons de l'armée du maréchal Macron et nous disons au nom de la majorité du public vigilant que nous voilà rassurés...

« Même analyse du côté français. Auprès de TF1info, une source militaire estime ainsi que l'intervention des systèmes de défense anti-aériens de l'Otan a permis de "neutraliser les vecteurs les plus menaçants". »

Il faut parfois écouter les experts...

Cela dit, écrit et lu, si nous redevenions sérieux ? Ces mêmes sources nous apprennent que la puissante Royal Air Force va envoyer des Eurofighter ‘Typhoon' en renfort. Il n'y aura pas une flotte massive, sans doute moins d'une petite dizaine, mais le Premier ministre Kramer nous rassure absolument en nous disant que

« ces avions ne sont pas seulement une démonstration de force. Ils sont essentiels pour dissuader toute agression, sécuriser l'espace aérien de l'Otan et protéger notre sécurité nationale et celle de nos alliés ».

Eh bien, tout cela ne rassure pas les experts et les experts-LCI, qu'il faut parfois écouter car (bis repetitat) "nous serions tentés de penser que, pour une fois, les mensonges disent le vrai. (On ment par réflexe hystérique et parfois on rencontre le vrai.)"

Nos experts sont placés devant une double obligation contradictoire qu'ils doivent satisfaire, de l'une à l'autre selon les circonstances, – parfois, in extremis, comme vous allez le voir, les deux en même temps, même si par raccroc.

Quelle est celle double obligation ?

• La première est de montrer qu'à l'évidence les Russes sont des sauvages arriérés, des "nuls" instructurés, qui ont une armée de polichinelle en carton-mâché qui, sans aucun doute avant 2047, lorsque le fils Zelenski aura succédé à papa, seront balayés par les phalanges ukrainiennes.

• La seconde est de mettre en évidence l'évidence que la quincaillerie technologique et la science militaires américanistes-occidentalistes, ainsi que les conceptions, l'humanisme, tout ce qui va avec, sont infiniment malheureusement trahies, sinon dépassées par celles des Russes, qui ont des masses de barbares qu'on envoie à la boucherie et qui finissent par tout emporter de nos vertueuses forces malheureusement sous-équipées et mal informées. Il faut donc, de toute urgence, signer quelques chèques, réarmer, réformer, etc.

On voit à quelle obligation ces messieurs-dames ont répondu, et, –surprise, surprise, – il se trouve que ce n'est pas faux.

« Reste que de nombreux experts refusent de "considérer cette opération comme un succès majeur", à l'instar de Pierre Servent. Consultant défense TF1-LCI, il souligne tout de même qu'un drone "a volé 250 kilomètres à l'intérieur de l'espace polonais". S'il ne parle pas d'une défaite à proprement parler, il décrit un "échec par rapport à ce type de vecteur compliqué à intercepter", à savoir les drones.

» Et pour cause,  d'après Fabian Hinz, chercheur à l'Institut international d'études stratégiques, "les systèmes de défense aérienne occidentaux n'ont pas été conçus pour faire face à des systèmes de drones peu coûteux utilisés à grande échelle". Une analyse que partage Pierre Servent. La défense aérienne de l'Otan est plutôt calibrée "pour intercepter des avions de combat, des hélicoptères, des missiles de croisière ou balistique". Et d'illustrer son propos avec une comparaison : "On n'intercepte pas des mouches avec un marteau". Une image qu' Alexus Grynkewich est bien obligé de reconnaître.  Interrogé sur le coût particulièrement élevé de la réponse militaire déployée jeudi par rapport à celui des Gerbera, le général a confié qu'il y avait "absolument plus à faire" en la matière, avec "des améliorations de l'armement qui nous permettent d'atteindre un coût par engagement plus faible". [...]

» Si la défense de l'Otan n'a pas failli à proprement parler, l'incursion de drones russes a tout de même montré les limites des solutions militaires de l'alliance, notamment financières. Reste désormais à tirer les leçons de cet incident, plaide Pierre Servent, en s'appuyant sur l'exemple de Kiev. "Très clairement, on a des trous dans la raquette et les seuls qui ont le fil, ce sont les Ukrainiens", conclut-il. D'après une source militaire proche du dossier citée par Reuters, des représentants militaires polonais doivent d'ailleurs se rendre en Ukraine pour s'entraîner à abattre des drones. En attendant, Moscou risque en tout cas de répéter la démonstration. Car pour le Kremlin, "ce type d'opérations hybrides à faible coût produit un rendement politique et psychologique élevé", nous glisse une source militaire française, soulignant l'"incapacité" des forces aériennes russes à réaliser une réelle démonstration de force de grande envergure sur le front ukrainien. »

La tonalité générale de ce tour d'horizon est bien une réelle inquiétude, dans ce cas tout à fait justifiée. Une " Tribune libre" très LCI-typée, parue dans ‘Le Monde', va dans ce sens. Tous ces experts, qui vous expliquaient en 2022 que les Russes devaient, pour leur pauvre armée misérable, démonter leurs frigidaires pour faire marcher leurs missile en y récupérant les puces électroniques ou similitudes, vous expliquent aujourd'hui que nous traînons à l'arrière, dépassés par leurs tactiques et leurs capacités, et leurs puces et missiles innombrables, – et pourquoi pas leurs "frigidaires de combat" ?.

...Mais d'une oreille ironiquement critique

On notera tout de même une illustration hilarante de ce que nous annoncions plus haut. Après avoir essuyé une mise à nu retentissante de la faiblesse, de la vulnérabilité et de la complète inadaptation de la défense aérienne otanienne face aux capacités russes, une "source militaire" bien-française, c'est-à-dire désormais docile et absolument otanisée, "souligne" pour l'oreille complaisante de l'expert

« l'"incapacité" des forces aériennes russes à réaliser une réelle démonstration de force de grande envergure sur le front ukrainien. »

Étonnante logique, étonnant perception des faits, tout est étonnant dans cette remarque ! Dire cela à propos des Russes qui pilonnent chaque nuit l'Ukraine à coups de missiles dévastateurs et incroyablement précis ; qui se servent des drones avec la dextérité qu'on sait (braves officiers français, ne pas buvaient comme du petit lait les bilans de drones russes abattus de la propagande du SBU) ; qui se gardent bien d'exposer leurs avions à ce qu'il reste de défense aérienne en Ukraine pour obtenir des résultats infiniment inférieurs à leurs attaques de missile... Bref, ce que nous dit cette source, c'est que les Russes ne parviennent pas à être aussi cons que les américanistes-occidentalistes et leurs doctrine ‘ Schock & Awe' (traduction doctrinale de la " politiqueSystème") qui a évolué de catastrophe en catastrophe en accélérant follement leur décadence.

Cette remarque mesure combien les américanistes-occidentalistes, avec les Français plus américanistes que jamais puisque tout cela vient des doctrinaires US, sont loin de comprendre dans quel sens il faut pousser la réforme révolutionnaire, si même ils réalisent le besoin de se réformer révolutionnairement. Notre pari est que non, ils ne feront rien, surtout pas qui aille dans le sens des Russes. Ils empileront des avions en plus, des chars, des missiles, même des droines tiens, – mais rien qui aille dans le sens des tactiques russes.

Il faut tout de même noter qu'ils ont mis trois et demi pour réaliser qu'il faudrait changer quelque chose révolutionnairement, – ce qu'ils ne feront pas, bis repetitat. Pendant trois et demi, ils ont fourbi leurs outils de combat, ont cadenassé leur espace aérien, et pour en arriver à cette plaisante aventure ! Ils ont gobé tous les simulacres zélenskiste, de haut en bas et de long en large, et ils vont continuer.

Qu'est-ce que vous voulez faire avec des gens pareils ? Les Russes devant trouver l'expérience instructive et réjouissante, même si au départ ils ne l'ont pas cherchée (vraiment ce dont nous doutons), nous attendons donc les prochaines volées de drones, en Roumanie, en Lituanie, – peut-être au-dessus de l'Élysée, non?

Mis en ligne le 16 septembre 2025 à 14H50

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