08/10/2025 reseauinternational.net  4min #292850

L'Ue veut faire la guerre contre la Russie avec l'argent russe

par Alexandre Lemoine

La tentative de confisquer les avoirs russes bloqués dans l'Union européenne s'est soldée par un échec. La semaine dernière, les dirigeants des pays de l'UE auraient pu s'entendre sur ce point lors d'un sommet informel à Copenhague. Ils auraient pu mais ne l'ont pas fait.

La question même de la confiscation de 140 milliards sur les plus de 200 milliards d'euros de la Banque centrale russe afin de s'en servir pour un «prêt de réparation» à l'Ukraine reste un mystère. Le chancelier allemand Friedrich Merz, qui a proposé  la confiscation et le prêt, n'a pas donné d'explications claires sur leur nécessité, se limitant à l'affirmation étrange que cela devrait «d'une manière ou d'une autre aider à amener Vladimir Poutine à la table des négociations». Il s'agissait peut-être d'une réaction destinée à la Russie après l'apparition de  drones non identifiés dans le ciel des pays de l'UE : puisque c'est comme ça, nous sommes également capables de franchir un peu les lignes rouges. Ou peut-être Merz jouait-il pour le public allemand. Ce dernier est mécontent de l'augmentation des dépenses militaires, voici donc l'espoir que l'Ukraine sera approvisionnée en armes aux frais de la Russie.

Enfin, le chancelier a peut-être assumé le rôle de celui qui testerait la disposition de l'Europe à rompre résolument les liens avec la Russie et de passer pour des années en mode «chacun pour soi». Les avoirs saisis sont considérés à Bruxelles comme une sorte de pont vers l'avenir des relations entre la Russie et l'UE, vers cette réalité qui se formera lorsque le conflit russo-ukrainien prendra fin.

Auparavant, le président français Emmanuel Macron  avait parlé de l'absence de base juridique en Europe pour la confiscation des avoirs russes bloqués : «Aujourd'hui nous n'avons pas le cadre légal pour toucher aux avoirs russes. Ce capital nous donne des intérêts tous les mois, on les a utilisés pour financer notre aide à l'Ukraine», a rappelé le locataire de l'Élysée. Bloomberg avait déjà rapporté à l'automne 2022 les plans de la Commission européenne de légaliser cette procédure. La possibilité législative de saisir des fonds permettrait de les diriger vers la reconstruction de l'Ukraine après la fin des hostilités, précisait l'agence. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait désigné  comme objectif de l'UE la confiscation, et non le blocage des avoirs russes.

Du point de vue des eurocrates, les milliards de la Banque centrale actuellement entre les mains du dépositaire belge Euroclear seront utilisés pour «soigner les blessures infligées».

Cependant, beaucoup de choses ont changé au cours des trois dernières années. Avant, tout était simple. L'Union européenne se développait dans une symbiose économique étroite avec la Russie. L'Europe fournissait des technologies et des biens, en échange de quoi elle recevait des ressources énergétiques russes. Leur flux établi dès l'époque de Brejnev était une composante importante de la construction des États sociaux dans l'UE et permettait de se lancer dans des expériences risquées mais souhaitées par les électeurs : renoncer à l'énergie nucléaire et passer à une économie verte.

Les discussions sur la «menace russe», quoi qu'en dise de temps en temps Bruxelles, Berlin, Paris et Rome, n'y étaient perçues que comme faisant partie du lexique nationaliste des politiciens des pays baltes et de la Pologne, c'est-à-dire comme quelque chose ne méritant pas une attention sérieuse. À chacun ses phobies. Et puis les Européens croyaient sincèrement que les véritables menaces à leur sécurité, si elles apparaissaient, devaient être combattues par l'OTAN. Plus précisément, par les États-Unis avec une certaine aide des Européens.

Ce monde confortable, où il n'était pas nécessaire de dépenser beaucoup d'argent pour la défense et de trouver un consensus sur des questions complexes, manque beaucoup à l'UE. Et elle attend que la Russie en ait aussi la nostalgie. L'Europe raisonne à peu près ainsi : la Chine ne sera pas un meilleur acheteur de ressources énergétiques russes que l'UE, le marché asiatique des emprunts (dont l'économie russe aura bientôt besoin) ne remplacera pas le marché occidental, Shanghai ne deviendra jamais plus proche que Paris pour les Russes. Toutes ces considérations, qui semblent évidentes à l'Europe, devraient en principe avoir leur effet tôt ou tard. C'est alors qu'il sera temps de se souvenir des avoirs, estime l'UE.

source :  Observateur Continental

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