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Parlement européen.
Le Parlement européen a largement affaibli la directive sur le devoir de vigilance des entreprises grâce à une alliance inédite entre le PPE et la droite radicale. Ce basculement reflète le virage conservateur de l'UE après les élections de 2024. Cette nouvelle majorité fragilise la Commission et brouille les orientations politiques européennes.
Jeudi 13 novembre, le Parlement européen a franchi un seuil politique majeur : une alliance assumée entre la droite traditionnelle du PPE et la droite radicale a vidé de sa substance la directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Par 382 voix contre 249, les eurodéputés ont drastiquement réduit le nombre de sociétés concernées, supprimé l'obligation d'alignement climatique et affaibli les sanctions.
Ce coup de force marque un basculement : pour la première fois, une majorité PPE-nationalistes s'attaque à un texte contraignant, rompant avec la logique pro-européenne construite depuis 2019 avec les sociaux-démocrates et les libéraux.
Une Europe qui se droitise ?
Ce virage reflète un contexte transformé depuis les européennes de 2024 : un PPE renforcé, des droites gagnantes, des capitales plus souverainistes et une UE désormais obsédée par la compétitivité face aux États-Unis de Donald Trump et à la Chine.
Sur fond de pressions venues aussi de Paris, Berlin, Doha ou Washington (pour des questions commerciales et notamment liées aux livraisons de gaz), Ursula von der Leyen a ouvert la porte à un assouplissement du texte, permettant au PPE de relancer la bataille contre une directive pourtant adoptée quelques mois plus tôt.
Dans l'hémicycle, François-Xavier Bellamy célèbre la victoire contre « l'asphyxie normative », Jordan Bardella revendique d'avoir « fait plier » Bruxelles, tandis que la gauche dénonce l'effondrement d'une protection essentielle censée éviter un nouveau Rana Plaza.
Pour beaucoup, la digue a cédé : une nouvelle majorité est désormais possible sur des sujets économiques, environnementaux ou migratoires. Mais rien ne dit que cette coalition pourra œuvrer à des projets constructifs pour l'UE, tant ses composantes divergent sur les questions budgétaires ou institutionnelles.
Cette fracture politique fragilise la présidente de la Commission, déjà sous pression face à la révision imminente de la fin des voitures thermiques, prochaine cible du PPE. Elle ouvre aussi une période d'incertitude : comment négocier désormais avec les sociaux-démocrates ou les libéraux, ébranlés par ce renversement d'alliance ? À l'heure où la COP30 se tient à Belém, l'Europe envoie un signal contradictoire, tiraillée entre ambitions climatiques et repli pro-business.