par Karine Bechet-Golovko.
Dans une mise en scène hollywoodienne (ne sont-ils pas mignons en mode Men in Black sur la photo ?), la mission de l'Agence internationale de l'énergie atomique est arrivée hier à Kiev et se dirige aujourd'hui vers la centrale atomique de Zaporijia, que l'armée ukrainienne continue à attaquer de l'autre côté du Dniepr. Au-delà de la dimension sécuritaire, qui dépendra des ordres donnés aux Ukrainiens, cette opération a une dimension politique incontournable. Les autorités locales n'ont pas d'illusions sur l'engagement de cette organisation et déjà les déclarations contradictoires fleurissent : entre Grossi, qui appelle à une mission permanente, et les autorités régionales qui ne parlent que d'une mission d'un jour, le combat politique est ouvert.
La bataille de Zaporijia est ouverte. Et les déclarations de Raphaël Grossi, à la tête de l'AIEA, sont sans ambiguïté, quant à sa vision stratégique :
« Nous allons dans une zone de guerre, nous allons dans un territoire occupé et cela nécessite des garanties explicites, non seulement de la Fédération de Russie mais aussi de l'Ukraine. Nous avons pu obtenir cela ».
Immédiatement, la vision qu'il a de son mandat ne correspond pas tout à fait à ce qui avait été envisagé, à savoir aller voir sur place, prendre connaissance de la situation réelle :
« Nous nous déplaçons enfin après six mois d'efforts acharnés », a déclaré Grossi aux journalistes avant le départ du convoi, ajoutant que la mission prévoyait de passer « quelques jours » sur le site.
Alors que les experts s'emballent dans la possibilité de travailler sur place et même d'effectuer des travaux de réparation, de leur côté, les autorités locales n'envisagent qu'une visite d'une journée avec un programme, qui risque de ne pas plaire :
« Le programme de la visite est conçu pour une journée. Ils doivent voir le travail de la station en une journée. (...) Jusqu'à présent, il a été annoncé que le but de la mission est de « se familiariser avec le travail de la station ». Pour nous, c'est un concept vague. (...) Nous sommes prêts à montrer les lieux d'impact. Nous sommes prêts à montrer des fragments très différents : ceux de style soviétique tirés par les Grads, les Hurricanes et l'obusier M777. Montrez les drones, de qui ils sont la production, où et comment ils sont tombés », a-t-il dit. De plus, des témoignages de résidents locaux peuvent être fournis. « Après tout, on y voit clairement comment le projectile frappe, où va l'onde d'inertie. De plus, il est très facile de prélever un échantillon de sol et de déterminer quelles munitions ont été utilisées dans l'ogive ».
Je doute très sincèrement que tels soient les éléments prévus du programme côté AIEA. Ces experts, parfaitement dépendants, n'ont pas envie de voir que le site n'a pas été militarisé par la Russie, que les employés ne sont pas torturés dans des « douches radioactives », que les civils en ont marre des bombardements ukrainiens, ils n'ont pas envie de voir ce que le discours politico-médiatique atlantiste réfute. Et de toute manière, volontairement et sciemment, ils ne le verront pas. Leur vision est beaucoup plus politique, entre parfaitement dans la finalité de reconquête politique du territoire perdu militairement, notamment par l'instauration d'une mission permanente :
« Il (Grossi) a déclaré que l'AIEA espérait mettre en place une mission permanente à la centrale, qui serait dirigée par des techniciens ukrainiens. Grossi a déclaré que l'une des priorités de la mission serait de leur parler. « C'est l'une des choses les plus importantes que je veux faire et je le ferai », a-t-il déclaré. »
Et ensuite ? Ensuite, après l'instauration de cette mission permanente, le plan américain pourrait être mis en place : une fermeture de la centrale et une zone démilitarisée autour. Ainsi, le site pourrait être militarisé et deviendrait une menace de bombe sale contre la Russie, qui aurait perdu le contrôle de la zone.
En ce sens, la Lituanie travaille pour le bon ordre mondial et déclare qu'il faut revenir sur l'idée d'envoyer une mission force de paix internationale, pour sauver le monde d'une catastrophe nucléaire. Pour cela, il serait plus simple de demander aux États-Unis d'arrêter de donner ordre aux Ukrainiens de tirer sur la Centrale, qui a quand même été conçue à l'époque soviétique pour résister à de fortes attaques classiques...
Bref, la bataille de Zaporijia est en cours et l'AIEA, l'un des organes de gouvernance globale, est entré dans la danse pour ouvrir un nouveau front. Comme ce fut le cas avec le retrait des forces russes en mars, comme ce fut le cas avec l'Ile aux Serpents, comme ce fut le cas avec la famine médiatico-globaliste. Mais à chaque fois, la Russie tire les leçons des expériences durement acquises, voyons quelle sera sa stratégie ici. À ce jour, et le ministère de la Défense, et le Kremlin, se prononcent fermement contre l'instauration d'une zone démilitarisée. Au minimum, cette visite pourra être utilisée dans les combats politiques au Conseil de sécurité de l'ONU, puisque ces experts auront bien vu les débris, auront dû parler avec les gens. N'ayons aucun doute quant à leur capacité à transformer tout discours inconfortable, mais les faits seront-là.
source : Russie Politics