
© People's Daily China
Des robots humanoïdes dans un centre de formation à Pékin. [Photo d'illustration]
Des centres d'entraînement grandeur nature ont été ouverts en Chine pour former des robots humanoïdes à des tâches industrielles et domestiques. Ces «écoles» robotisées, pensées comme des centres de collecte de données stratégiques, marquent un tournant technologique majeur dans la compétition mondiale.
Dans le district de Shijingshan, à Pékin, le « Centre de formation aux données pour robots humanoïdes de phase II » représente l'un des projets les plus ambitieux du pays. Sur deux étages, ce centre reproduit à l'identique des environnements industriels et domestiques. Ici, aucun élève en chair et en os : ce sont des robots, encadrés par des humains, qui s'exercent jour après jour à des gestes du quotidien.
Selon le People's Daily, un journal chinois, les robots y apprennent à trier des bobines, préparer des colis, cuisiner ou encore ranger une chambre. Chaque espace d'entraînement, appelé « cellule », est modulable, ce qui permet d'adapter rapidement les scénarios aux objectifs. Au cœur de cette formation se trouve « Kuafu », un humanoïde de 1,65 mètre développé par Leju Robotics. Ce robot, premier au monde à intégrer la technologie 5G-A, s'entraîne dans une logique proche de l'apprentissage humain, avec des centaines de répétitions par tâche.
L'or numérique de la robotique chinoise
Cette approche concrète tranche avec celle des entreprises occidentales, comme Nvidia, qui misent sur la simulation virtuelle. La Chine, elle, mise sur l'interaction réelle pour générer une matière première devenue centrale : les données. « Sans données standardisées issues du monde réel, les robots ne peuvent pas s'adapter efficacement à de nouveaux environnements », explique Zhu Kai, directeur du centre.
Chaque geste est scruté, enregistré et analysé. Dans un scénario de maison intelligente, deux formateurs se relaient toutes les deux heures pour guider un robot. L'un pilote à distance via un casque de réalité virtuelle, pendant que l'autre vérifie et enregistre les performances depuis un poste informatique.
Les robots choisissent une spécialisation parmi plusieurs domaines tels que la fabrication industrielle, gestion des maisons connectées ou services aux personnes âgées. Ces catégories couvrent 16 disciplines précises. À ce jour, plus de 20 compétences ont été validées, avec des taux de réussite dépassant 95 %.
Une avance technologique assumée
Le centre de Pékin n'est pas un cas isolé. À Shanghai, le site AgiBot entraîne plus de 100 robots en continu. Chaque jour, entre 30 000 et 50 000 données y sont produites, vérifiées puis intégrées à un réseau national de centres similaires, notamment à Suzhou, Jinan, Hefei et Zhengzhou. L'objectif est clair : produire plusieurs millions de données de haute qualité par an afin de consolider l'écosystème technologique chinois.
Les premiers résultats sont déjà visibles. Plusieurs robots « diplômés » ont été déployés sur le terrain : manutentionnaires dans les usines de FAW Group, livreurs chez Shenzhen Capital Group, ou inspecteurs pour le réseau électrique de China Southern Power Grid. Même les acteurs américains comme Tesla restent dépendants de composants chinois, comme l'ont rappelé les analystes de Morgan Stanley.
En 2025, plus de 30 000 robots humanoïdes ont été commandés, soit dix fois plus qu'en 2024. Pékin bénéficie d'un soutien massif de l'État, avec près de 20 milliards de dollars investis, et surtout d'une indépendance industrielle qui fait cruellement défaut aux autres pays occidentaux.