Lauriane Bernard, France-Soir
Centrale nucléaire de Golfech, le 9 février 2023.
MATTHIEU RONDEL / AFP
Alors que la France a adopté un projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires le 21 mars dernier, Ursula von der Leyen a souligné ce jeudi 23 mars les limites du soutien de l'UE à l'énergie nucléaire dans le cadre de sa politique d'orientation énergétique. Le nucléaire ne fait pas partie de la stratégie "zéro-net" et échappe aux financements européens.
La présidente de la Commission européenne a pris la parole en conférence de presse à l'occasion de la première journée du sommet européen de Bruxelles qui s'est déroulé les 23 et 24 mars.
L'Union européenne met en place sa stratégie de décarbonation
Outre-Atlantique, l'Inflation Reduction Act (IRA) sonne la fin du libre-échange en matière énergétique. En effet, ce texte prévoit le versement de 369 milliards de dollars de subventions aux industries vertes qui sont produites sur le sol américain.
En réaction à ces subventions massives, la Commission a présenté la semaine dernière son règlement Net-Zero Industry Act. À l'instar des États-Unis, les 27 souhaitent à leur tour subventionner une nouvelle politique énergétique plus verte, sans toutefois vouloir faire trop d'ombre à l'Oncle Sam. "Il s'agit de veiller à ce que nos dispositifs respectifs, des deux côtés de l'Atlantique, se renforcent mutuellement et ne se fassent pas concurrence", a expliqué Ursula von der Leyen.
Un choix politique qui a pour conséquence principale de délaisser en grande partie l'atome de sa stratégie de décarbonation.
"Une contribution significative à la décarbonation" pour le nucléaire de pointe
À ce stade, le Net-Zero Industry Act cite l'énergie nucléaire parmi les huit technologies censées apporter "une contribution significative à la décarbonation" en Europe.
Cependant, n'est pris en considération dans le projet de règlement que le nucléaire de pointe, en la forme de "technologies avancées pour produire de l'énergie à partir de procédés nucléaires avec un minimum de déchets issus du cycle du combustible" et de "petits réacteurs modulaires".
De plus, l'énergie nucléaire n'apparait pas dans la définition des "technologies stratégiques à zéro émission" qui "bénéficieront d'un soutien particulier". Car en plus d'être négligée dans la nouvelle orientation de production de l'UE, elle est de surcroît exclue des modes énergétiques subventionnés.
L'énergie nucléaire exclu du financement public européen
D'ici à 2030, l'union européenne fixe l'objectif de faire fabriquer davantage de technologies "zéro-net" afin de couvrir 40% de ses besoins. Pour y parvenir, Bruxelles compte bien mettre la main au portefeuille.
"Un large éventail de technologies propres - y compris le nucléaire de pointe - ont accès à des règles simplifiées et à des incitations » a précisé la présidente de la Commission, avant d'ajouter "mais seules les technologies à zéro émission que nous jugeons stratégiques pour l'avenir - comme les panneaux solaires, les batteries et les électrolyseurs, par exemple - ont accès à l'ensemble des avantages et des bénéfices".
Selon l'analyse menée par Commission, les besoins d'investissement totaux concernant les énergies vertes devraient s'élever à environ 92 milliards d'euros sur la période 2023-2030. 16 à 18 milliards d'euros compris dans cette somme représenteraient les besoins en investissements publics. L'UE entend mobiliser une partie des fonds du plan de relance européen pour les obtenir.
En juillet 2020, l'Union européenne a prévu une enveloppe de 390 milliards d'euros de subventions à répartir entre chaque État-membre. Une partie des ressources doit être consacrée à financer la montée en puissance des énergies propres. Sur ces 390 milliards d'euros, la France s'est engagée à en rembourser près de 67 milliards.
En excluant le nucléaire des énergies décarbonées, la France aide au financement de la transition écologique de ses voisins européens, mais ne bénéficiera pas des subventions européennes pour mettre en place sa politique de relance de l'atome.
À contre-courant de la stratégie énergétique française
Mauvais timing pour l'hexagone, qui vient d'adopter en première lecture un projet d'accélération du nucléaire ce mardi 21 mars. La France a pour projet de bâtir six nouveaux réacteurs EPR et de lancer des études pour huit autres. Au début de mois mars, la ministre de la Transition énergétique française a même profité de cet élan pour initier une alliance sur le nucléaire en Europe au côté de 11 autres États membres.
Avec l'approbation de ce texte, la ministre se félicitait d'envoyer "un signal clair à une filière qui a souffert d'injonctions contradictoires dans le passé", en ajoutant que relancer le nucléaire "est être écologiste" et qu'opposer "énergie nucléaire et énergies renouvelables était climaticide".
Après avoir convaincu l'Assemblée nationale, Agnès Pannier-Runacher devra en persuader Bruxelles.