Par Pierre Duval
Le site Meta-Défense, qui répond aux besoins des professionnels de la Défense, constate que «ces dernières années, les Etats-Unis ont souvent ravi au nez et la barbe de la France d'importants contrats de défense, parfois même en pesant pour que le client choisisse un autre prestataire, du moment que celui-ci n'était pas français». Ainsi, les Etats-Unis sont en train de détruire leur allié français de l'Otan.
Le site spécialisé dans la défense liste divers cas: «Qu'il s'agisse des hélicoptères Caracal polonais, des F-35belges ou suisses, des corvettes qatari, ou très récemment, des sous-marins australiens, les administrations américaines successives ont démontré une réelle volonté d'empêcher la France d'accéder à certains marchés internationaux, allant jusqu'à mener des opérations massives pour éjecter Paris, comme en Grèce au sujet des frégates et de la commande de Rafale». Et le constat est amer car même si «pour certains observateurs, il ne s'agit que d'une stratégie commerciale, opportunément résumée par un «business is business» qui justifierait l'agressivité dont font preuves les Etats-Unis envers la France, il bien question d'une stratégie profonde pour éliminer la technologie militaire française.
Meta-Défense explique qu' «en observant les stratégies employées, et la détermination dont font preuve les Etats-Unis dans ces dossiers, on comprend que les enjeux dépassent de beaucoup les seuls critères commerciaux, pour s'étendre à une réelle stratégie de contrôle des politiques extérieures et de la Défense de la sphère occidentale, notamment en Europe, domaine dans lequel la France et ses positions héritées du Gaullisme apparaissent comme une entrave, voire une menace, pour les Etats-Unis». Ainsi, le site militaire explique pourquoi et comment Washington articule cette stratégie.
L'industrie de défense française est, en dehors des Etats-Unis, unique en Occident, dans la mesure où elle est la seule capable de concevoir et fabriquer l'ensemble des systèmes de défense d'une force armée moderne, sans dépendre, dans plusieurs domaines critiques, de matériels américains. Hormis des équipements spécifiques, comme les avions embarqués de veille E-2C Hawkeye, ou les catapultes qui sont employés sur le porte-avions Charles de Gaulle, l'industrie française a la capacité de produire la totalité des équipements nécessaires à ses forces armées, du blindé à l'avion de combat, de l'hélicoptère au sous-marin, en passant par les radars, les missiles et les systèmes spatiaux. La France est avec le Royaume-Uni le seul pays européen à disposer de sa propre force de dissuasion nucléaire, basée sur 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins équipés de missiles balistiques intercontinentaux et sur deux escadrons de Rafale équipés de missiles nucléaires supersoniques aéroportés.
La France est non seulement autonome dans ce domaine, mais ses équipements égalent et surpassent souvent leurs homologues américains, tout en étant, le plus souvent, plus économiques à l'achat comme à l'utilisation à performances égales ou supérieures. Meta-Défense précise qu' ainsi, un sous-marin nucléaire d'attaque classe Suffren est acheté pour à peine un peu plus de 1 milliards d'euros pas l'Etat français, là où l'US Navy débourse 3,5 milliards de dollars pour un Virginia, certes mieux armés en matière de missiles de croisière, mais pas plus performant que le sous-marin français dans la fonction première de Hunter-Killer, la chasse aux sous-marins et navires adverses. Pour l'avion de combat Rafale qui surpasse en bien des domaines le F-35 (manœuvrabilité, rayon d'action, pénétration basse altitude) et qui verra, dans sa version F-4, ses performances en matière de fusion de données rattraper celles de l'avions américain, pour un prix de possession moitié moindre, c'est la même chose.
Paris doit s'appuyer sur d'importants marchés à l'exportation, la demande nationale n'étant pas suffisante pour alimenter une telle exhaustivité industrielle. Dès lors, 40% du chiffre d'affaire annuel enregistré par la base Industrielle technologique et Défense, ou BITD, française, sont liés aux exportations d'équipements de défense, ceci représentant 80.000 emplois directs et 120.000 emplois indirects et induits dans le pays, et conditionne la marge de manœuvre de cette industrie pour évoluer et prospérer, relate Meta-Défense. «A l'instar des objectifs de la législation CAATSA américaine conçue pour priver Moscou des recettes d'exportation de son industrie de défense afin d'handicaper ses propres capacités à soutenir une autonomie stratégique», que le même but est appliqué contre la France, «mais avec des méthodes moins évidentes».
Des attaques ciblées, répétées et dévastatrices. «Pour y parvenir, l'industrie américaine de défense, mais également le département d'Etat, et l'ensemble des services plénipotentiaires américains, n'hésitent pas à s'immiscer directement dans les négociations françaises, y compris bilatérales, profitant des moindres failles laissées par les négociateurs français», affirme Meta-Défense. C'est, ainsi, que face aux difficultés rencontrées par Paris et Athènes lors des négociations autour de l'acquisition des frégates FDI email protected, Washington a mené une campagne d'intrusion forte pour tenter de placer ses propres navires MMSC conçus par Lockheed-Martin, pourtant très peu adaptés aux besoins d'Athènes, en usant de tous les moyens de pression à sa disposition, et amenant finalement les autorités grecques à sortir des négociations exclusives avec la France pour mener une consultation élargie avec pas moins de 5 modèles différents proposés. «Même si dans ce dossier, la responsabilité incombe en partie à la mauvaise posture des négociateurs français, il n'en demeure pas moins vrais que les Etats-Unis ont mené une action directe contre la France, sans même la garantie d'en tirer des bénéfices directs», tient à avertir Méta-Défense.
De nombreux exemples de ce type ces dernières années. «C'est ainsi qu'en 2016, après l'élection du PiS en Pologne, celui-ci annula un contrat pourtant accompagné d'importantes compensations industrielles pour construire localement une flotte de 50 hélicoptères de transport H225M Caracal, au profit de quelques hélicoptères américains, mais surtout d'un partenariat privilégié avec Washington au sein de l'Otan», rappelle le site militaire. Ainsi, «depuis, Varsovie a multiplié les acquisitions auprès de l'industrie américaine: avions F-35A, systèmes d'artillerie HIMARS, systèmes anti-aériens Patriot, missiles antichars Javelin et plus récemment des chars lourds Abrams M1A2C». Plus récemment encore, lors de la compétition pour le remplacement des F/A 18 Hornet et F-5 Tiger des forces aériennes helvétiques, alors que le Rafale et SAMP/T Mamba étaient donnés vainqueurs par la presse mais également par les confidences faites aux industriels eux-mêmes à quelques jours de l'annonce des résultats, une visite de Joe Biden à Genève entraîna un totalement revirement des autorités suisses. Meta-Défense reprécise: «Le F-35 et le Patriotétaient soudain jugés très supérieurs dans tous les domaines au Rafale comme au Typhoon et au Super Hornet». «Pour certains observateurs proches du dossier, le président américain aurait menacé de remettre au goût du jour les sanctions US concernant le secret bancaire helvétique si Berne ne choisissait pas ses propres équipements».
Meta-Défense concède que «cette suite d'événements rapprochés n'est pas le seul fait d'une conjoncture défavorable ou d'une agressivité commerciale renforcée des Etats-Unis» car «ces premières actions ont commencé avec Barack Obama, continué avec Donald Trump et ont lieu avec Joe Biden». «Pour les Etats-Unis, l'industrie française de Défense représente désormais sans contexte une menace, non pas commerciale, mais stratégique.», conclut Meta-Défense.
Pierre Duval
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