« Ce soir les titres des médias auraient pu être : "Démonstration de force : gilets jaunes et mouvement climat s'unissent dans la rue". » Mais les forces de l'ordre en ont décidé autrement. C'est l'amer constat tiré par Maxime Combes, militant d'Attac, qui participait à la marche pour le climat et la justice sociale à Paris le 21 septembre. L'une des membres de l'équipe de Basta !, auteure des photos, a également été interpellée et fouillée alors qu'elle fuyait les gaz lacrymogènes.
Ce samedi 21 septembre, j'ai manifesté à Paris pour le climat et la justice sociale.
Du moins, j'ai essayé. Comme plusieurs dizaine de milliers d'autres manifestant.e.s. La Préfecture de Police en a décidé autrement. Comme souvent. Trop souvent : depuis des mois la répression policière s'abat sur toutes les manifestations d'opposant.e.s, quelles qu'elles soient.
En tête de cortège, « dans le carré de tête » plus précisément pour représenter l'association Attac, j'ai pu observer comment les forces du désordre nous ont gazés puis repoussés vers l'arrière, sur le reste du cortège - sans qu'il n'y ait d'issue - alors que rien ne l'imposait.
La manifestation avait débuté depuis 30 minutes à peine.
Le cortège grossissait à vue d'œil : interdits de manifester dans l'Ouest parisien et chassés par les forces de police, les gilets jaunes se joignaient aux manifestant.e.s pour le climat dans une jonction lourde de sens. Qu'ils réclament la justice sociale, fiscale ou écologique, ou plus de démocratie, tous les opposant.e.s à la politique d'Emmanuel Macron allaient manifester ensemble. Le slogan « fin du monde, fin du mois, même combat » allait prendre corps dans la rue. Avec des dizaines de milliers de personnes.
Marche pour le climat et la justice sociale, 21 septembre 2019. Juste avant sa répression. from empty on empty .
Nous n'avions pas encore atteint Port-Royal. Nous avancions serrés, trottoirs compris, sur le boulevard Saint-Michel. Les slogans des gilets jaunes répondaient à ceux du mouvement climat, et réciproquement.
A ce moment, ni les manifestant.e.s, ni les passant.e.s, ni les habitant.e.s n'étaient en danger et le cortège aurait pu se poursuivre, malgré quelques tensions.
Pourtant la Préfecture de police a fait usage de grenades lacrymogènes et de désencerclement sur un cortège compact et divers au motif de « traiter vite » (sic) « les éléments les plus violents ».
Répression de la marche pour le climat et la justice sociale, le 21 septembre 2019 à Paris. from empty on empty .
Des enfants, personne âgées et à mobilité réduite prises au piège
Au sein du cortège, des enfants, des personnes âgées, des personnes à mobilité réduites se sont retrouvées prises au piège sous un nuage de gaz lacrymogènes, sans issue : lacrymo et forces de police d'un côté, cortège dense de l'autre, reculant lentement, en chansons, sans échappatoire. Les rues adjacentes étaient bloquées par les forces de police et sans possibilité de passer.
C'est une chance qu'il n'y ait pas eu de drame (du moins à ma connaissance) : quelques blessés légers, quelques personnes prises de panique, des milliers d'entre nous plusieurs fois pris dans un nuage de lacrymos.
Ce que j'ai vu, boulevard Saint-Michel, ce samedi, ce n'est pas du « maintien de l'ordre ». C'est manifestement une intervention injustifiée de la Préfecture de police qui a procédé à un usage agressif et disproportionné de grenades lacrymogène et de désencerclement, sans aucune distinction, sur un cortège dense de personnes qui souhaitaient manifester en toute sécurité.
Loin d'assurer cette « sécurité », cette intervention de la préfecture de police a mis en danger les manifestant.e.s, les passant.e.s et les habitant.e.s.
On aurait voulu empêcher qu'un cortège opérant la jonction, dans la rue, du mouvement climat avec celles et ceux qui sont mobilisés contre l'injustice fiscale et sociale, en l'occurrence les gilets jaunes, et fasse ainsi une démonstration de force, qu'on ne s'en saurait sans doute pas pris autrement.
Déjà le samedi matin, les autorités ont interdit tout rassemblement - malgré des demandes répétées toute la semaine - qui visait à rendre visible dans Paris la jonction et la convergence des gilets jaunes et de la marche pour le climat.
Emmanuel Macron nous prive du droit de manifester
Ce soir, il y a donc beaucoup de colère.
De la colère parce que quand Emmanuel Macron appelle au calme c'est son Préfet qui, dans les faits, met des milliers de personnes en danger de façon injustifiée, empêchant un acte politique fort entre gilets jaunes et marche pour le climat.
De la colère parce que Christophe Castaner prétend ainsi avoir « garanti la liberté d'expression ». Non, Monsieur le Ministre, confisquer les gilets jaunes, empêcher des rassemblements, matraquer, arroser de lacrymogène des enfants, envoyer des grenades de désencerclement au milieu de manifestant.e.s pacifiques, ce n'est pas garantir la « liberté d'expression ».
Manifester est un droit. De fait, Emmanuel Macron et la Préfecture de Police nous en privent.
La police n'est plus là pour protéger les manifestant.e.s, comme le prétend l'exécutif, mais pour les empêcher de venir et/ou les dissuader de revenir.
Ce soir les titres des médias auraient pu être : « Démonstration de force : gilets jaunes et mouvement climat s'unissent dans la rue ».
Au lieu de cela, le bris de quelques vitrines - dont la grande majorité postérieurs à l'intervention policière - masque l'essentiel.
La réponse autoritaire de l'exécutif face à tous les mouvements sociaux qui contestent sa politique est stupéfiante, illégitime, inacceptable et dangereuse.
Tous les démocrates devraient s'en offusquer et la dénoncer : il en va de l'avenir de la démocratie et des libertés en France.
Concluons :
➡️ ces samedi 20 et 21 septembre, on a compté plus de 4 millions de manifestant.e.s pour le climat pour 5800 événements dans 163 pays !
➡️ le seul pays où le cortège Climat a été violemment réprimé, c'est la France, pays dirigé par le « Champion de la Terre » (sic).
Visiblement, Emmanuel Macron et son gouvernement sont plus forts pour agir contre les militants du climat que contre le dérèglement du climat : alors que les politiques climatiques avancent moins vite, y compris en France, que le réchauffement, l'exécutif s'en prend désormais aux militant.e.s pour le climat.
Sans doute n'est-ce pas sans lien avec le fait que cette manifestation pour le climat et la justice sociale dressait un bilan à charge de la (non) politique du gouvernement en la matière : non, le mouvement climat n'est pas un mouvement dépolitisé focalisé sur des solutions individuelles. Il en appelle à un sursaut politique et un changement de logiciel pour que le climat prime sur le Business as usual. Emmanuel Macron et son gouvernement défendent le contraire.
Restons donc déterminé.e.s. Un mouvement mondial pour le climat s'est exprimé avec force, courage et conviction : plus de 4 millions dans 160 pays, ce n'est pas rien. Prenons-en soin. Renforçons-le. Il sera désormais impossible de faire comme s'il n'était pas là.
Texte : Maxime Combes
Photos : Nathalie Quiroga
Vidéos : Thomas Clerget