24 décembre 2018 - On a déjà observé que le choix du prochain secrétaire à la défense US serait un exercice très difficile pour Trump, après la démission de Mattis. (« Pendant ce temps et par ailleurs, pour rendre les choses plus complexes, cette simple et affreuse question : qui voudra de ce poste de secrétaire à la défense ? ») On observera en plus que, pour nombre de commentateurs hors du bêlement hystérique de la presseSystème neocon et progressiste-sociétale absolument belliciste, cette question s'avère déterminante pour la stabilité du pouvoir à Washington D.C., ou plutôt ce qu'il reste de stabilité du pouvoir à "D.C.-la-folle".
La suggestion pour le remplacement de Mattis la plus évidente, la plus directe et la plus exemplaire, - mais sans aucun doute aussitôt la moins probable, - était celle que fit le colonel Pat Lang, de Sic Semper Tyrannis : Tulsi Gabbard comme secrétaire à la défense !
« Le major Gabbard, membre de l'ARNG [Garde Nationale d'Hawaii] qui a servi en combat en Irak [de 2004 à 2006] : c'est une femme, une démocrate, une personne de couleur, une non-interventionniste, une pratiquante de la religion hindouiste et une insulaire du Pacifique d'origine samoane. Qu'est-ce qui pourrait être mieux ? »
Nous ajouterons sa séduisante jeunesse et un courage qui, dans la bouilloire de pressions haineuses qu'est "D.C.-la-folle", confine à l'héroïsme. Pour cette raison, nous doutons grandement que Gabbard soit jamais nommée du temps de Trump à ce poste, comme à n'importe quel autre, parce que ce n'est pas le genre de Trump de s'entourer de fortes personnalités. Il y a alors plutôt ces observations de Daniel Larison, de Strategic-Culture.org (ce site, mis en place par Wayne Madsen, est, à l'image de ce commentateur, en général très hostile à Trump tout en étant antiguerre, anti-neocon, bref plutôt très nettement du camp des antiSystème) :
« Si Mattis avait tort sur un certain nombre de questions de politique étrangère, son successeur risquerait d'être bien pire. Même si Trump ne nomme pas Tom Cotton ou Lindsey Graham, le prochain secrétaire à la Défense sera très probablement un béni-oui-oui du type-Mike Pompeo. Le plus souvent, lorsque Trump a remplacé ses plus hauts responsables de la sécurité nationale, il a choisi quelqu'un qui le flatterait et le féliciterait au lieu de lui dire la vérité et de lui donner des conseils avisés sans souci de lui plaire. Le prochain secrétaire à la Défense pourrait être moins susceptible de résister aux tendances belliqueuses de Trump, et plus susceptible d'adhérer aux pires impulsions du président. Tout comme Pompeo s'est avéré être un secrétaire d'État bien pire que Tillerson, le successeur de Mattis pourrait se révéler comme un secrétaire à la Défense bien pire que Mattis. »
Tous ces commentaires datent du 21 décembre et, depuis, de nouveaux événements ont eu lieu à "D.C.-la-folle", comme l'on sait et comme l'on verra plus loin. Néanmoins, dès ce 21 décembre (sur ConsortiumNews), l'ancien officier de la CIA devenu un brillant dissident antiSystème, Ray McGovern, avait pressenti par intuition ces "nouveaux événements"... Après avoir évoqué l'une ou l'autre possibilité comme successeur de Mattis, et notamment, - en apparence d'une façon paradoxale mais pas vraiment pour Trump, - le président sortant du JCS (comité des chefs d'état-major), le général Dunford, sorte de Mattis-bis en moins flamboyant et moins cliquetant, McGovern observe ceci, - en invoquant les mannes du Général des Marines Butler, auteur de The War Is a Racket, qui avait refusé tout net de mener un coup d'État envisagé par des cercles d'industriels contre Roosevelt en 1933 :
« Trump doit maintenant se débarrasser de Mattis et s'assurer qu'il reste à l'écart du Pentagone et du complexe militaro-industriel avant qu'on ne demande à ce même Mattis de mener une insurrection contre un président très vulnérable, comme on avait demandé au général Smedley Butler de faire [contre Franklin Delano Roosevelt], - ce que Butler, lui, avait refusé. »
"Se débarrasser de Mattis", c'est ce que Trump a aussitôt entrepris de faire en ordonnant que son départ du Pentagone se fasse le 1er janvier 2019, et non le 28 février comme Mattis l'avait proposé. Il ordonne, en attendant (ou pas ?) la nomination du successeur, au sous-secrétaire à la défense d'assurer les responsabilisés de cette fonction ("Acting Secretary of Defense")... Tweet à l'appui, dans l'après-midi du 23 décembre :
« Je suis heureux d'annoncer que notre très talentueux sous-secrétaire à la défense, Patrick Shanahan, assumera le titre de secrétaire à la défense par intérim à compter du 1er janvier 2019. Patrick a à son actif une longue liste de succès lorsqu'il était vice-président de Boeing. Il sera génial ! »
Shanahan restera-t-il secrétaire à la défense en étant finalement nommé officiellement à cette fonction ? La situation est incertaine, selon ce que Trump voudrait éviter, notamment des auditions de confirmation au Congrès. Peut-être même entend-il vivre avec un "Acting Secretary of Defense" à demeure, qui n'aurait guère d'autorité politique ; cet état de chose le satisferait par contraste avec le poids que pesait Mattis, d'autant plus que Shanahan, homme de Boeing (le Complexe [CMI] est satisfait) serait cantonné à un travail de gestion et d'équipements du monstre technocratique qu'est le Pentagone, alias Moby Dick. C'est dire que toutes les orientations catastrophiques du technologisme qui guide la bureaucratie, à l'intense satisfaction de l'industrie du CMI, seraient encre plus accélérées. Pour autant, il est loin d'être assuré que Trump serait à l'abri d'initiatives et d'insubordinations militaires, si personne ne contrôle Moby Dick, par exemple par le biais d'un commandant de théâtre comme le Général Votel, de Central Command, a fait à deux reprises en Syrie.
Quoi qu'il en soit de ces perspectives, il y a surtout aujourd'hui le choc causé par la démission de Mattis, qui s'est transformé à nouveau en un ouragan de rage anti-Trump dans tous les quartiers de "D.C.-la-folle", du Congrès aux innombrables talk-shows et autres "salons" du DeepState. En un mot, la chasse au Trump est ouverte, il n'y a plus d'espoir de le contrôler... C'est ce qu'exprime Philip Rucker, du Washington Post le 23 décembre. On observera qu'il utilise dans son titre, avec reprise dans l'article, des expression qui font de Trump un égal de tous les ennemis qu'a eu à affronter Washington D.C. depuis 1945 : sa présidence est désormais une "présidence-voyou" ("rogue presidency") comme l'ont été ou le sont ces "pays-voyous", l'Irak, la Corée du Nord, la Syrie, l'Iran... On a essayé de "contenir" Trump, - "to contain" - et cela a tenu un temps mais on a finalement échoué et l'époque terminée est celle du containment de Trump, terme utilisé pour la politique US vis-à-vis de l'URSS durant la Guerre froide.
Par contraste, tous ceux dont s'est entouré Trump lui-même et qui, jusqu'ici, ont été écartés par des sautes d'humeur ou des colères noires du même Trump se débattant dans ses choix aberrants de son point de vue et dans les méandres de l'exercice du pouvoir, deviennent, dans une parabole abracadabrantesque, des sortes de pédagogues vertueux mandés par le Système pour contrôler l'affreux, autant d'Aristote-Système qu'une caricature d'Alexandre, un Alexandre-bouffon, aurait stupidement chassés... La narrative vaut bien le Hollywood des grandes périodes.
« Ils lui ont appris l'histoire, expliqué les nuances et tenté d'écarter les illusions. Ils l'ont exhorté à des délibérations prudentes, conseillé la retenue et lui ont préparé des arguments pour tenter de promouvoir des politiques normales auprès d'une base conservatrice agitée et avide de perturbations. Mais à la fin, ils ont échoué.
» Pour le président Trump, l'ère du containment est terminée.
» Un par un, les conseillers chevronnés considérés comme des remparts contre les pulsions les plus téméraires de Trump ont été écartés ou, comme l'a fait le secrétaire à la défense Jim Mattis jeudi, ont démissionné en signe de protestation extraordinaire. Ce que le président de la commission des relations extérieures du Sénat, Bob Corker (R-Tenn.) a surnommée "une garderie pour adultes", a cessé ses activités.
» Trump entrera dans sa troisième année en tant que président hors de tout contrôle, - en guerre avec ses ennemis supposés, déterminé à tenir les promesses de sa campagne d'insurrection et écartant tout ce qui peut diviser sa coalition politique. »
Pour avoir une vision plus juste de la situation, misant sur leur hargne plus grande contre l'establishment de Washington que contre le "fascistique Trump" comme ils le désignent, on se tournera vers les trotskistes de WSWS.org. Chargés de leur expérience politique et de leur vertu de représentants exclusifs du prolétariat mondial, on peut presque les entendre déverser leurs tombereaux de vérités furieuses sur les zombiesSystème corrompus et totalement subvertis qui font la leçon à Trump au milieu de cris d'orfraie des vertus offensées.
« L'avenir de l'administration est remis en question. Chuck Todd, l'animateur du programme 'Meet the Press' de la chaîne NBC, a déclaré dimanche que la démission de Mattis en signe de protestation contre le retrait des troupes US de Syrie pourrait constituer le "début de la fin opérationnelle de cette présidence". Il a évoqué l'érosion du soutien à Trump, parmi les républicains du Sénat qui ont servi de tampon contre les enquête menées contre lui, essentiellement celle menée par l'ancien directeur du FBI, Robert Mueller, sur les relations personnelles de Trump et sur ses liens supposés avec la Russie.
» Dans les changements de politique étrangère de Trump, les démocrates, parlant au nom de l'armée et des services de renseignement, voient un abandon de ce qu'ils considèrent comme le principe fondamental de la politique étrangère américaine : le contrôle du Moyen-Orient, essentiel pour contrer la Russie et nécessaire pour affronter la Chine. Le sénateur démocrate Chris Coons a déclaré dimanche dans le cadre de l'émission 'Face the Nation' de CBS que "le président Trump a fait un beau cadeau de Noël au président Vladimir Poutine de Russie et à l'Ayatollah Khamenei d'Iran".
» Au cours du processus, les démocrates s'alignent sans vergogne sur les forces les plus réactionnaires de l'appareil d'État et de l'armée. 'Mad Dog' Mattis, le boucher de Faloujah, qui a déclaré un jour qu'"il est amusant de tirer sur certaines personnes" a été transformé en un pilier de la vertu morale. Dick Durbin, le numéro deux du parti démocrate au Sénat, a déclaré à 'Meet the Press' : "Ca me brise le cœur" de voir Mattis partir. Il a dit qu'il avait supplié Mattis : "Restez, restez aussi longtemps que vous le pouvez", car "nous avons désespérément besoin de votre maturité, de votre patriotisme". Le criminel de guerre Mattis, toujours en vie, suit la voie menant à la sainteté politique que les démocrates et les médias ont tracée aux défunts John McCain et George H.W. Bush.
» Il y a bien plus qu'un soupçon d'appels à une intervention directe de l'armée contre Trump. Si l'on décidait de renverser Trump par une sorte de 'coup d'État interne', cela serait bien accueilli par les démocrates et les médias. D'après les déclarations qui ont été faites, on ne peut que conclure que cela serait suivi d'une escalade immédiate de la guerre au Moyen-Orient et d'une agression contre la Russie.
» La réaction féroce contre les mouvements de Trump en Syrie et en Afghanistan expose la fraude de la 'guerre contre le terrorisme', prétendument lancée pour lutter contre les terroristes islamistes. Trump a justifié son plan de retrait des troupes américaines par la déroute de l'État islamique en Syrie. Mais comme l'ont déclaré de nombreux adversaires indignés, le véritable problème n'est pas l'État islamique, mais plutôt la lutte contre les rivaux géopolitiques de Washington au Moyen-Orient et en Asie centrale, en particulier la Russie et l'Iran. »
Plus c'est la même chose, plus ça change
Il est vrai que, depuis l'élection de Trump, les rumeurs de complot, de guerre totale, de coup d'État intérieur, etc., n'ont pas manqué. Celles qu'on évoque aujourd'hui, dans le cadre de l'interprétation qu'il s'agit avec la démission de Mattis d'un événement de rupture des choses, n'ont guère plus de consistances que celles qu'on évoque depuis novembre 2016, mais pas moins non plus... Qu'importe, elles continueront à circuler, paraissant chaque fois plus assurées, plus menaçantes et, pour certains, plus exquisement prometteuses.
L'affirmation de Rucker (« Pendant deux ans, ils ont essayé de l'instruire et de le retenir... ») qui nous laisserait à penser que Trump a été "sous contrôle" pour faire son "éducation" depuis deux ans (sacré Aristote) apparaît, lorsqu'on considère la séquence, totalement, absolument fausse. Cela fait partie des montages de type antidépresseur, les narrative que les plumes-Système les plus huppées se racontent à elles-mêmes pour se rassurer d'une part ("Nous le tenions, donc nous n'avons jamais perdu le contrôle des choses") ; pour se laisser à penser et pourquoi pas, y croire malgré tout ("C'est sûr, le crime ne restera pas impuni et le Général des Marines Mattis va prendre la tête de la contre-attaque sabre au clair, et déposer ce président insalubre et qui pue").
Mattis n'a rien empêché du tout dans les domaines les plus durables et les plus marquants de la présidence Trump jusqu'ici, - notamment le retrait du traité nucléaire avec l'Iran et une guerre commerciale d'une intensité extrême, n'épargnant certainement pas les alliés de l'OTAN et interférant gravement sur la solidarité transatlantique. Tout juste a-t-on pu croire à l'influence apaisante de Mattis et des autres "généraux" (McMaster et Kelly, également éjectés) dans l'affaire nord-coréenne, sauf à penser, comme l'affirme Trump lui-même, que ses rodomontades nucléaires ne constituaient que l'application de sa tactique habituelle de négociation (exercer une pression énorme sur "le partenaire" pour l'amener à des concessions maximales)... De toutes les façons, cette affaire nord-coréenne n'intéresse plus personne à "D.C.-la-folle", où elle a été mise au frigidaire, tandis que Russes et Chinois travaillent discrètement avec Kim, dans leur coin.
De même et au contraire, bien qu'il ait fait avancer certaines de ses idées réduites à la comptabilité et à la sensibilité de ce qu'il juge être son électorat, Trump est loin, très loin, de posséder la moindre capacité d'imposer une stabilité "trumpiste" à une politique US qui est chaque jour plus chaotique. Il est vrai que Trump serait bien en peine d'offrir une perspective, une conception sur laquelle bâtir la moindre stabilité ; à cet égard, il n'a rien appris "sous la contrainte" durant ses deux premières années de pouvoir ; il est resté le même homme qui ne mesure les choses qu'en fonction d'une seule référence : l'argent et les bénéfices qui permettent d'en disposer.
C'est par ce chemin étrange, qui paraîtrait celui de tous les blocages, qu'il en est arrivé à la conclusion du désengagement de Syrie : à cause du coût de ses opérations dès lors qu'il ne leur voit aucun avantage, aucun bénéfice sonnant et trébuchant. (Dieu sait pourtant si les opérations US en Syrie ne sont qu'une poignée de dollars dans l'énorme trésor de monnaie de singe fraîchement imprimée que reçoit chaque année le Pentagone.)
Le paradoxe est qu'ainsi, par le tout-petit, tout-petit bout de la lorgnette, on arrive à écorner la politique d'un bellicisme et d'un hégémonisme religieux (la politiqueSystème) qui nourrit la folie washingtonienne, et par conséquent, par la vertu du symbolisme que prend cette décision dans les conditions où elle est prise et selon la personnalité insupportable de celui qui l'a prise, l'on suscite une nouvelle crise nerveuse à "D.C.-la-folle" et l'on y aggrave la situation de désordre à mesure, tandis que le prestige et l'influence des USA dans le monde baissent encore d'un cran.
Constatant l'extraordinaire déchaînement de colère et de mépris contre Trump, l'affirmation de l'isolement mortel et de la destruction "opérationnelle" de l'administration Trump, à l'occasion de la démission du Général Mattis effectivement élevé au rang des Saints & Martyrs de l'innommable, WSWS.org le note avec fureur et dérision : « Ce n'est pas l'attaque 'fascistique' de Trump contre les immigrés, sa guerre contre la classe ouvrière ou sa bellicosité vis-à-vis de la Chine qui a déclenché le paroxysme de la rage au sein de l'establishment et du Parti démocrate. La cause de cette rage, c'est son intention apparente de mettre fin aux guerres en Syrie et en Afghanistan, qui sont toutes deux non déclarées et illégales. »
Le résultat de cet épisode est toujours le même pour le sens de la situation qui est le sens du désordre, et bien entendu il permet d'aggraver encore plus cette situation.
• D'un côté, les adversaires de Trump nous ont montré depuis deux ans l'extraordinaire volume de leur haine et de leur fureur, mais aussi leur impuissance presque complète face à Trump, y compris dans la tradition exotique de l'élimination d'un président par l'outil le plus expéditif. (Il ne serait pas étonnant d'apprendre que Trump a pris ses précautions de ce point de vue en doublant sa protection officielle d'une protection secrète assurée par une société privée de sécurité.) L'épisode Mattis et la mise en cause de la "Grrrande Politique" belliciste et hégémonique, type antiSystème, ne font qu'accentuer leur haine et leur fureur, et surtout les y enfermer un peu plus, sans pour autant donner, - dans tous les cas jusqu'à maintenant, - le signe que l'effet de la chose puisse correspondre à ce qu'un commentateur facétieux nommait "un peu de Viagra politique".
(• On notera que si ses adversaires parvenaient "enfin" à réussir quelque chose de décisif contre Trump, l'effet serait également d'accentuer le désordre, cette fois au niveau de la paix civile, - passage probable de la "guerre civile froide" à la guerre civile tout court, - en raison du paroxysme de la tension psychologique et de la radicalité des oppositions au niveau populaire.)
• Trump continuera à être Trump, c'est-à-dire qu'il le sera plus que jamais, ayant de plus en plus rompu des amarres qui n'ont jamais vraiment existé entre D.C. ; et lui, cherchant surtout à mobiliser sa "base" pour 2020, c'est-à-dire à faire une politique 1) qui rapporte de l'argent et lui permet de clamer que tout va mieux, et 2) qui interfère dans la politiqueSystème washingtonienne et lui permet de clamer qu'il est antiSystème. Ses divers éventuels problèmes légaux liés à ses affaires le conduiront à une seule chose : accentuer tout ce qui peut alimenter le populisme de ses électeurs, et de ce point de vue l'attaque contre la politiqueSystème est un excellent argument.
(• Effectivement, de ce point de vue Trump apporte de la nouveauté, en renversant complètement la technique dite " Wag the Dog ". Au lieu de concevoir que les effets de ses problèmes intérieurs ou intimes peuvent être annulés par une crise extérieure, comme le déclenchement d'une guerre, il fait l'inverse : c'est en interrompant des guerres extérieures qu'il peut renforcer sa position intérieure et disposer d'assez de poids pour écarter les problèmes que nous évoquons... Bref, pour ce cas la justesse de l'événement vient par un étrange chemin.)
Dans tout cela, il n'y a que des postures et des simulacres (même s'il y a des effets) relevant d'abord de la communication, dans un temps qui semble impuissant à "opérationnaliser" ce qu'il y a de tragique dans la " tragédie-bouffe ", - sinon en atteignant la tragédie finale de l'effondrement ? Chuck Todd a sans doute raison lorsqu'il affirme que « le retrait des troupes US de Syrie pourrait constituer le "début de la fin opérationnelle de cette présidence" », sauf que cette présidence n'a jamais été vraiment "opérationnelle", et que, lorsque la présidence n'est pas "opérationnelle" à Washington D.C., c'est tout "D.C.-la-folle" qui est paralysée en une "non-opérationnalité" structurelle et le désordre alimenté au maximum de sa puissance.
Certes, Trump n'est pas et ne peut être un antiSystème, considérant sa psychologie, son origine sociale, le milieu où il évolue, sans doute sa faiblesse conceptuelle à cause des habitudes indéracinables que donne la pratique du business-USA. Par contre, il est sans aucun doute le plus formidable outil dont la dynamique antiSystème puisse rêver : avec lui, dans la posture où il se trouve, avec les forces dont il dispose et celles qui lui sont opposées, s'est créé un phénomène de paralysie et d'impuissance qui ne fait qu'activer le désordre de "D.C.-la-folle" et ce qui suit, et précipiter plus encore le Système dans le déchaînement de sa surpuissance qui implique nécessairement le déchaînement de son autodestruction. De ce point de vue, Trump nous paraît être un producteur sans fin de poison antiSystème, et si l'effondrement n'est pas encore bouclé il faudra le réélire en 2020.
(... Excellente remarque d'Orlov : « Comment savoir si la séquence d'autodestruction a été déclenchée ? Il y a deux signes révélateurs. La première est qu'il existe une reconnaissance et une acceptation communes du fait qu'il faut faire quelque chose pour éviter l'effondrement. La perestroïka de Gorbatchev et le "Make America Great Again" de Trump sont deux signes de désespoir. La seconde est que chaque tentative de prévenir ou de retarder l'effondrement nous en rapproche, chaque perturbation augmente le désordre et la portée de l'action productive se réduit à presque rien. »)