11/11/2025 reseauinternational.net  6min #295937

La Hongrie créera-t-elle une alliance durable avec la Tchéquie et la Slovaquie au sein de l'Ue?

par Alexandre Lemoine

Le gouvernement hongrois actuel n'admettra pas que l'Ukraine devienne membre de l'Union européenne.

C'est ce qu'a souligné le ministre hongrois des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, Péter Szijjarto, en commentant le nouveau rapport de la Commission européenne sur l'élargissement de l'UE ( le paquet Élargissement 2025) et la volonté obsessionnelle de Bruxelles à entamer des négociations d'adhésion avec Kiev d'ici fin 2025.

«Le peuple hongrois a clairement fait comprendre qu'il ne souhaitait pas que l'Ukraine soit membre de l'Union européenne. Et puisque la question de l'élargissement de l'Union européenne requiert l'unanimité parmi tous les États membres, et que la Hongrie et le peuple hongrois ont clairement indiqué qu'ils ne soutenaient pas l'adhésion de l'Ukraine à l'UE, l'Ukraine ne sera pas membre de l'Union européenne», peut-on lire  dans la déclaration de Szijjarto diffusée par le ministère hongrois des Affaires étrangères.

Auparavant, Volodymyr Zelensky, lors d'une intervention vidéo le 4 novembre au sommet sur l'élargissement de l'UE,  avait déclaré que marchander avec Kiev concernant son adhésion à l'Union (et rien de moins qu'une adhésion à part entière) n'était pas approprié, et qu'il considérait un éventuel veto comme un soutien direct au président russe Vladimir Poutine. Il avait adopté sa posture habituelle de chantage effronté envers le dirigeant hongrois: «Je pense que Viktor Orbán devrait proposer quelque chose à l'Ukraine, qui protège toute l'Europe contre la Russie.» Orbán  avait immédiatement répondu sur sa page X: «Le soutien que l'Ukraine reçoit de l'Union européenne inclut l'argent des Hongrois. Cela ne nous réjouit pas, mais c'est un fait. Je dois rejeter la suggestion que la Hongrie doive quoi que ce soit à l'Ukraine. L'Ukraine ne protège la Hongrie contre rien ni personne. Nous n'avons pas demandé cela et ne le demanderons jamais. La sécurité de la Hongrie est garantie par notre potentiel de défense national et l'Otan, dont l'Ukraine (heureusement) n'est pas membre... La Hongrie ne soutient pas et ne soutiendra pas l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne, car cela projettera la guerre en Europe et détournera l'argent des Hongrois vers l'Ukraine

Lors du sommet de l'UE de juin à Bruxelles, le Premier ministre hongrois «rebelle» Viktor Orbán avait déjà bloqué une déclaration commune en soutien à Kiev, qui donnait le feu vert pour le début des négociations d'adhésion. Cette décision, qui avait provoqué une tempête d'indignation dans les milieux politiques favorables à l'adhésion ukrainienne, s'appuyait sur  les résultats sans équivoque d'un référendum consultatif organisé en juin, où 95% des participants s'étaient prononcés contre une adhésion accélérée de l'Ukraine à l'UE.

Bien sûr, d'ici janvier 2026, il sera clairement impossible pour la haute bureaucratie européenne ou la «coalition des volontaires» pour une intégration européenne accélérée de l'Ukraine de briser Budapest ou de remplacer le mécanisme de vote bloquant au Conseil européen sur cette question. Mais un homme seul ne peut pas grand-chose. Sur qui en Europe Viktor Orbán peut-il compter, et y a-t-il des signes de formation d'une coalition «ukraino-sceptique» durable, compte tenu de ses ambitions de leadership?

 Un article est paru dans Politico concernant les plans de la Hongrie de former une alliance régionale avec la République tchèque et la Slovaquie, «sceptique» vis-à-vis de l'Ukraine, citant les propos du principal conseiller politique du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, Balázs Orbán. Selon lui, le chef du gouvernement compte sur la coopération avec Andrej Babiš, dont le parti populiste de droite a remporté les élections législatives d'octobre en République tchèque, ainsi qu'avec le Premier ministre slovaque Robert Fico, pour élaborer des positions concertées avant les réunions des dirigeants de l'UE.

Comme le note Politico, la formation d'une alliance «anti-ukrainienne» au sein de l'Union européenne pourrait considérablement entraver les efforts de Bruxelles pour soutenir financièrement et militairement l'Ukraine.

En effet, Fico et Babis partagent en grande partie le point de vue du dirigeant hongrois sur l'Ukraine, appelant au dialogue avec Moscou plutôt qu'à la pression économique. Pendant sa campagne électorale, les médias grand public avaient déjà critiqué Babis pour son scepticisme public concernant la poursuite de l'aide européenne à Kiev. Il convient de rappeler que ces dernières années, Prague a été l'un des partisans les plus actifs de Kiev sur la scène européenne, lançant un programme d'approvisionnement en munitions qui a permis de mutualiser les ressources de toute la communauté pour envoyer plus de 3 millions d'obus aux forces armées ukrainiennes.

Cependant, la refonte d'une quelconque version raccourcie de l'alliance de Visegrad pourrait prendre un certain temps et ne semble pas si simple. Babis n'a réussi que récemment à s'entendre pour commencer à former une nouvelle coalition gouvernementale en tant que leader du parti euro-sceptique victorieux aux élections. Les relations entre la Hongrie et la Slovaquie ne sont pas non plus simples: bien que Robert Fico ait été réélu Premier ministre de Slovaquie en 2023, il n'a pas encore pleinement collaboré avec son homologue hongrois sur le principal agenda politique.

Malgré la proximité des positions sur les thèmes nationaux-conservateurs et la défense des valeurs traditionnelles (les trois pays n'ont pas ratifié la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe de 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, qui contient des références à la multitude de genres). Il n'y a pas encore de coordination des forces au Parlement européen, et dans les relations avec le président américain Donald Trump, le Premier ministre hongrois tire pour l'instant la couverture sur lui.

Ainsi, il est pour le moins prématuré de parler de la durabilité de l'union tripartite en cours de création, compte tenu des frictions internes, des poursuites judiciaires contre Babiš et de la possibilité que l'humeur des électeurs en Hongrie, à l'approche des prochaines élections, puisse s'éloigner de celle d' Orbán.

Néanmoins, le rejet de plus en plus manifeste en Europe centrale du «parasitisme» constant de Kiev ouvre un peu plus de possibilités de manœuvre diplomatique pour Moscou.

source :  Observateur Continental

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