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La nouvelle stratégie de sécurité nationale de Trump rompt avec l'Otan sur la question de l'Ukraine

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Par  Larry C. Johnson, le 6 décembre 2025

Élaborer une nouvelle stratégie de sécurité nationale sur le papier est une chose, mais le véritable défi est de savoir si Donald Trump a réellement l'intention de la mettre en œuvre. Les points clés à retenir sont la désescalade rhétorique avec la Chine, et la responsabilisation de l'Europe pour maintenir l'Ukraine à flot.

La Stratégie de sécurité nationale 2025 (NSS) des États-Unis, publiée par la Maison Blanche le 4 décembre 2025, constitue un tournant potentiellement radical dans la politique étrangère américaine sous le second mandat du président Donald Trump comparé au premier. Ce document de 33 pages adopte explicitement la doctrine "America First", rejetant l'hégémonie mondiale et les croisades idéologiques au profit d'un réalisme pragmatique et transactionnel axé sur la protection des intérêts nationaux fondamentaux : la sécurité intérieure, la prospérité économique et la domination régionale dans l'hémisphère occidental.

Ce document dénonce les excès antérieurs des États-Unis comme ayant contribué à affaiblir l'Amérique, et présente l'approche de Trump comme une "correction nécessaire" pour inaugurer un "nouvel âge d'or". La stratégie privilégie la réindustrialisation (faire passer l'économie américaine de 30 000 milliards à 40 000 milliards de dollars d'ici les années 2030), la protection des frontières et les transactions commerciales plutôt que le multilatéralisme ou la promotion de la démocratie. Elle admet l'existence d'un monde multipolaire, rétrogradant la Chine du statut de "menace imminente" à celui de "concurrent économique", et appelle à une coopération sélective avec ses adversaires. Pourtant, les mesures prises par Donald Trump au cours des 11 premiers mois de sa présidence ont été incohérentes, voire contradictoires, au regard de cette stratégie théorique.

Le rapport est ouvertement partisan, attribuant à Trump le mérite d'avoir négocié la paix dans huit conflits (cessez-le-feu entre l'Inde et le Pakistan, retour des otages à Gaza, accord entre le Rwanda et la RDC) et d'avoir obtenu un engagement verbal lors du sommet de La Haye de 2025 pour que les pays membres de l'OTAN augmentent leurs dépenses de défense à 5 % du PIB. Il présente l'immigration comme une menace majeure pour la sécurité, préconise le recours à la force meurtrière contre les cartels si nécessaire et réfute les politiques relatives au changement climatique et au "zéro net" comme étant préjudiciables aux intérêts américains.

Le document articule la stratégie américaine autour de trois axes : la défense du territoire national, l'hémisphère occidental et le renouveau économique. Parmi les autres priorités figurent des partenariats sélectifs en Asie, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.

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Voici les principaux réajustements de principe par rapport aux stratégies précédentes publiées sous les présidences respectives de Trump (2017) et Biden (2022) :

  • De gendarme mondial à hégémon régional : contrairement à la Stratégie de sécurité nationale (NSS) de Biden de 2022 (qui mettait l'accent sur les alliances et la concurrence entre grandes puissances) ou à celle de Trump de 2017 (où la Chine et la Russie étaient qualifiées de révisionnistes), ce document met fin aux "fardeaux éternels" des États-Unis à l'étranger. Il donne la priorité aux Amériques par rapport à l'Eurasie, considérant l'Europe et le Moyen-Orient comme des secteurs moins prioritaires.
  • Recul idéologique : la promotion de la démocratie est explicitement abandonnée - "nous aspirons à des relations commerciales pacifiques sans imposer de changement démocratique" (allez dire cela aux Vénézuéliens). Les autoritaristes ne sont pas pris en compte, et l'UE est qualifiée d'"antidémocratique" (à juste titre cette fois).
  • Relations conflictuelles avec les alliés : l'Europe fait l'objet de critiques cinglantes pour ses politiques migratoires, ses restrictions à la liberté d'expression et les risques d'"effacement civilisationnel" (par exemple, les mutations démographiques "défigureront les nations d'ici 20 ans"). Les États-Unis s'engagent à soutenir les partis européens "patriotes" qui s'y opposent, suscitant l'accusations des dirigeants de l'UE d'une "rhétorique du Kremlin".
  • Politique chinoise : reconnaissance de l'échec de la coopération, quête de relations "gagnant-gagnant", mais avec des mesures de dissuasion (Taïwan étant une "priorité"). Pas de découplage total, mais des restrictions en matière de technologie et de dépendances.
  • Reconnaissance multipolaire : invite les puissances régionales à gérer leurs sphères d'influence (comme le Japon en Asie de l'Est, le bloc arabo-israélien dans le Golfe), indiquant la volonté des États-Unis de faire preuve de retenue pour éviter les confrontations directes.

La NSS rest un changement radical dans la stratégie américaine vis-à-vis de l'OTAN, mettant l'accent sur un "transfert de tâches" plutôt que sur un leadership inconditionnel de l'alliance. Elle présente l'OTAN non pas comme une communauté fondée sur des valeurs, mais comme un partenariat transactionnel où les engagements des États-Unis (troupes, financement et garanties nucléaires) seront liés au respect des alliés européens de nouvelles exigences strictes. Ce recentrage "America First" donne la priorité aux ressources américaines pour la région indo-pacifique et l'hémisphère occidental, tout en réduisant la présence américaine en Europe pour éviter des "contraintes sans fin". Les principales évolutions comprennent un arrêt de l'expansion de l'OTAN, des dépenses de défense représentant 5 % du PIB d'ici 2035 et le rétablissement de la "stabilité stratégique" avec la Russie via un cessez-le-feu en Ukraine. Si les États-Unis réaffirment l'article 5 et leur parapluie nucléaire, ils annoncent toutefois un retrait partiel d'ici 2027 si l'Europe ne prend pas le relais, mettant en péril la cohésion de l'alliance dans un contexte de pressions démographiques et idéologiques sur l'Europe. Lorsque la Russie aura vaincu l'Ukraine, la survie de l'OTAN sera véritablement remise en question.

La stratégie attribue aux efforts diplomatiques de Trump le mérite de l'engagement des 5 % pris par l'OTAN lors du sommet de La Haye en 2025, mais met en garde contre "l'effacement de la civilisation" européenne en raison des flux migratoires et de la faible natalité, estimant que certains pays membres pourraient devenir "majoritairement non européens" d'ici quelques décennies, érodant ainsi leur alignement sur les intérêts américains.

La NSS de Trump marque un tournant radical dans la politique américaine vis-à-vis de la guerre en Ukraine, rejetant essentiellement sur les Européens la responsabilité de maintenir l'Ukraine à flot. La partie de la NSS consacrée à l'Ukraine se berce toutefois d'illusions quant aux capacités militaires des États européens :

"Nous voulons une Europe européenne, qu'elle recouvre sa fierté civilisationnelle et abandonne son obsession maladive pour le contrôle de l'État. [...] Cette carence en légitimité est particulièrement criante dans les relations entre l'Europe et la Russie. Les alliés européens possèdent un avantage significatif en matière de puissance militaire sur la Russie dans presque tous les domaines, à l'exception de l'armement nucléaire.

"La guerre menée par la Russie en Ukraine a profondément détérioré les relations entre l'Europe et la Russie, et de nombreux Européens considèrent désormais la Russie comme une menace existentielle. La gestion des relations entre l'Europe et la Russie exigera un engagement diplomatique important de la part des États-Unis, à la fois pour rétablir les conditions d'une stabilité stratégique sur le continent eurasien et réduire le risque de conflit entre la Russie et les États européens.

"Les États-Unis ont tout intérêt à négocier une cessation rapide des hostilités en Ukraine pour stabiliser les économies européennes, prévenir une escalade ou une extension imprévue de la guerre, rétablir la stabilité stratégique avec la Russie et permettre la reconstruction de l'Ukraine après les hostilités pour assurer sa survie en tant qu'État viable.

"La guerre en Ukraine a eu pour effet pervers d'accroître la dépendance extérieure de l'Europe, en particulier de l'Allemagne. Aujourd'hui, les entreprises allemandes de produits chimiques construisent certaines des plus grandes usines de transformation au monde en Chine, en utilisant du gaz russe qu'elles ne peuvent pas obtenir dans leur pays. L'administration Trump est en désaccord avec les responsables européens qui nourrissent des ambitions irréalistes concernant ce conflit, issus de gouvernements minoritaires instables qui bafouent les principes fondamentaux de la démocratie et répriment toute voix dissidente. Une large majorité d'Européens souhaite la paix, mais cette aspiration ne se traduit pas en politique, en grande partie en raison de la subversion des processus démocratiques par ces gouvernements. C'est un enjeu stratégique pour les États-Unis, car les États européens ne sont pas en mesure de se réformer si leur système politique s'enlise dans une crise permanente".

Inutile de préciser que cet aspect de la NSS de Trump a suscité un vent de panique chez les dirigeants européens. L'ancien Premier ministre suédois Carl Bildt, par exemple, l'a qualifiée de "plus à droite que l'extrême droite", mettant en garde contre l'érosion de l'alliance. Si les analystes du Center for Strategic and International Studies (CSIS) louent le pragmatisme de ces mesures, ils soulignent toutefois leur faible vision à long terme et prédisent des États-Unis "plus isolés et affaiblis". La Chine estime que les garanties en matière de souveraineté sont positives, mais se montre méfiante quant aux pressions économiques. Aux États-Unis, les Démocrates, comme le représentant Jason Crow, jugent cette stratégie "catastrophique" pour les alliances, notamment l'OTAN.

Dans l'ensemble, cette stratégie marque un repli des États-Unis et contraint les alliés de l'OTAN à financer eux-mêmes leur sécurité, risquant ainsi de fragiliser les partenariats avec l'Europe. Elle présente l'Amérique comme une puissance hémisphérique riche évoluant dans un ordre multipolaire, et mise sur la conclusion d'accords et la relance industrielle pour maintenir son influence mondiale sans s'éparpiller. Le document complet est disponible sur le site web de la Maison Blanche.

J'ai abordé les questions du Venezuela et de l'Ukraine avec Nima R. Alkhorshild et le colonel Larry Wilkerson le matin, puis avec le juge Napolitano et Ray McGovern dans l'après-midi.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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