28/04/2021 tlaxcala-int.org  6 min #188954

Jérusalem : heurts entre Palestiniens et policiers israéliens sur fond de tensions communautaires

La privatisation de la violence : les pogromistes fachos de Jérusalem sont un bras de l'État

 Amira Hass عميرة هاس עמירה הס

Ne considérez pas les émeutiers de Jérusalem comme des nationalistes haredim excentriques, une populace sans rapport avec nous, les Israéliens civilisés.

Les politiciens de la droite dure Itamar Ben-Gvir, au centre, et Bezalel Smotrich, derrière lui, près de la Porte de Damas la semaine dernière. Les derniers partisans de la « disparition » des Palestiniens de la sphère publique. Photo Ohad Zwigenberg

« Quand vous entendez les cris 'Que votre village brûle', cela vous représente-t-il ?, a demandé Suleiman Masswadeh, un reporter de la Kan Public Broadcasting Corporation, à une jeune femme qui a participé aux émeutes de Lehava - une organisation de droite dure et anti-arabe - dans le centre-ville de Jérusalem jeudi. Portant un autocollant « Kahane avait raison » sur sa poitrine, elle a répondu : « Pas comme ça. Je ne dis pas qu'il faut brûler, mais que vous devez quitter le village et que nous irons y vivre ».

Voilà une réponse qui résume bien notre histoire : Il n'est pas nécessaire de mettre le feu, il suffit d'expulser les Palestiniens et d'habiter leurs maisons.

Les gens de Lehava ne sont pas seuls dans cette bataille. Presque au début du mois sacré du Ramadan, le 12 avril, la police israélienne a lancé une provocation en bloquant l'esplanade de la Porte de Damas, lieu de rassemblement des jeunes hommes de Jérusalem, avec l'excuse pathétique de faciliter l'accès aux masses de fidèles. Et pourtant, une telle mesure n'avait pas été prise avant la période du coronavirus, lorsque le nombre de fidèles était bien plus important.

Alors pourquoi maintenant ? Que la provocation soit le résultat d'une bêtise, ou d'une tentative délibérée de détruire l'atmosphère de convivialité typique de ces jours de Ramadan - elle doit être considérée dans un contexte plus général, comme l'écrivent Yudith Oppenheimer et Aviv Tatarsky de Ir Amim, une ONG qui se concentre sur les politiques d'Israël à Jérusalem, sur le site Siha Mekomit (Local Call, la version hébraïque du site +972) : « Ceux qui suivent ce qui s'est passé à Jérusalem ces deux dernières années détecteront une ligne directe reliant le harcèlement policier incessant dans [le quartier de Jérusalem-Est d'] Isawiyah et les événements de ces derniers jours à la Porte de Damas.

« Ce que les deux ont en commun, c'est le ciblage d'une zone dans laquelle il y a une vie palestinienne active, l'entrée dans cette zone avec d'importantes forces de police et des tentatives incessantes de provoquer des frictions pendant une période dont la fin n'est pas en vue.

« Pourquoi la police israélienne a-t-elle déclaré un couvre-feu juste à cet endroit ? », demandent Oppenheimer et Tatarsky, et répondent : « Le message implicite est le suivant : Vous voulez un jour de fête ? Très bien, observez-le dans votre propre maison, derrière des murs et des portes. Les illuminations festives sont accrochées au-dessus de la Porte de Damas, comme chaque année, mais la place est vide, meurtrie et ensanglantée, et la municipalité qui a installé les lumières se tait. La police crée des « preuves » par le biais de frictions permanentes avec les résidents palestiniens. Au final, si ce n'est pas par la force, alors par encore plus de force, les images dérangeantes font surface, ce qui justifie à son tour l'usage supplémentaire de la force et l'éloignement supplémentaire des résidents palestiniens de leur sphère publique ».

Tout comme il y a un lien entre le harcèlement policier à Isawiyah et à la Porte de Damas, il y a un lien entre les spectacles de haine et de brutalité de la droite dans le centre-ville de Jérusalem et la Vieille Ville - et les attaques des colons dans toute la Cisjordanie (une autre a été signalée au moment de la rédaction de cet article, samedi : Des Israéliens quittant l'avant-poste de Havat Ma'on ont attaqué des agriculteurs du village d'Al-Tawani qui travaillaient leurs terres. Selon les premières informations, deux Palestiniens et deux militants du groupe anti-occupation israélo-palestinien Ta'ayush, qui les escortaient, ont été blessés).

Lehava et les jeunes gens passionnés qui répondent à son appel font partie des branches privatisées du gouvernement, de la municipalité de Jérusalem et de la police, qui mettent en œuvre leur politique consistant à faire disparaître les Palestiniens de la sphère publique - tout comme les hooligans des collines sont une autre branche privatisée pour mettre en œuvre la politique gouvernementale consistant à entasser les Palestiniens dans des enclaves densément peuplées et à s'emparer de la majeure partie de la Cisjordanie.

Les ONG d'extrême droite qui accaparent les terres, avec une patine religieuse et messianique, comme Regavim, Amana, Elad, Ateret Cohanim et Ad Kan, sont d'autres branches non gouvernementales qui, avec leurs impressionnantes ressources financières, constituent un vent arrière pour les institutions de l'État et leur politique sioniste cohérente. Leur navire-mère est le mouvement Gush Emunim et son incarnation sous la forme du Conseil régional de la Yesha (Judée et Samarie, nom donné pas les sionistes à la Cisjordanie).

La violence individuelle, débridée et messianique - à laquelle les forces de l'ordre répondent depuis des décennies en fermant un œil et en clignant de l'autre - est une composante essentielle de la belligérance du pays le plus juif du monde. À sa manière démocratique (c'est-à-dire avec le soutien de la plupart de ses Juifs), cet État juif travaille à l'effacement du passé, du présent et de l'avenir des Palestiniens sur cette terre.

L'appétit de ces émeutiers, les lascars de la droite ultranationaliste à Jérusalem et dans les collines du sud d'Hébron, augmente avec chaque décision judiciaire qui permet la prise de contrôle par une ONG de droite d'un quartier palestinien comme Cheikh Jarrah et Silwan, avec chaque attaque impunie contre un agriculteur palestinien sur ses propres terres par des Israéliens qui sortent de Havat Ma'on ou de Yitzhar, avec chaque permis permettant à l'administration civile de déclarer une terre palestinienne comme terre d'État, et de l'attribuer à une colonie ou à un avant-poste adjacent.

« Faire disparaître » les Palestiniens de la sphère publique et les entasser dans des enclaves surpeuplées peut s'avérer être un prélude à une autre expulsion massive de Palestiniens du pays. Ce crime contre l'humanité a été préconisé dans le passé par un Juif religieux comme Meir Kahane et par un Juif laïque comme Rehavam Ze'evi, et est maintenant répété par leurs successeurs, les Hardalim (nationalistes haredi) Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, sous diverses formes.

Ne considérez pas les émeutiers de Jérusalem comme de simples excentriques Hardalim et Haredim, une populace sans rapport avec nous, les Israéliens civilisés qui, avec bon goût et bonnes manières, respectons ostensiblement l'État de droit. Les émeutiers se renforcent et se multiplient, parce que les Israéliens qui se considèrent comme des centristes « décents » (et soutiennent des partis tels que les travaillistes, Kahol Lavan et Yesh Atid) ont vécu et vivent en paix avec ces actes méprisables des gouvernements d'Israël et de leurs satellites privatisés et renforcés.

Peut-être que si les amis de ce pays - l'Europe et les USA - mettent en garde Israël contre sa politique et imposent des sanctions à son encontre - le « centre » israélien se réveillera et cessera d'être silencieux, indifférent, de rester sur la touche ou de soutenir activement cette politique.

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Courtesy of  Tlaxcala
Source:  cutt.ly
Publication date of original article: 26/04/2021

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