24/07/2025 reseauinternational.net  5min #285132

La Russie se prépare à combler le vide laissé par l'Usaid

par PressTV

L'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) étant démantelée, la Russie saisit l'opportunité pour structurer sa propre stratégie d'aide au développement, comblant le vide laissé par le désengagement américain et renforçant sa présence dans les pays du Sud.

Contrairement à Washington, qui centralisait son aide à travers l'USAID, Moscou s'appuie sur un modèle plus souple et multipolaire, mobilisant plus d'une dizaine de ministères et d'organisations publics. Ces entités pilotent divers programmes dans les domaines du développement, de la culture, de l'éducation ou encore de l'assistance humanitaire en cas de catastrophe, peut-on lire dans un article du journal britannique The National Interest.

Bien que la Russie ne publie pas systématiquement des chiffres détaillés, les experts estiment que son aide annuelle atteignait plus d'un milliard de dollars avant la guerre en Ukraine. La majeure partie de l'aide russe est destinée aux pays post-soviétiques et plusieurs États du Sud global, dans une logique de coopération mutuellement bénéfique.

À titre de comparaison, les États-Unis allouaient encore 22 milliards de dollars à l'USAID en 2024, dispersés dans 146 pays, mais sans toujours répondre aux besoins réels de leurs partenaires. Même si ses dépenses seront probablement bien inférieures, le Kremlin envisage clairement d'investir l'espace géopolitique et géoéconomique laissé vacant par les États-Unis.

Les ambitions russes se précisent. Ce mois-ci, Evgueni Primakov, directeur de l'agence Rossotroudnitchestvo (Coopération russe), a donné un aperçu du futur dispositif russe d'aide étrangère, dans une interview. Cette agence met en œuvre des programmes culturels et humanitaires et gère des centres «Maison de la Russie» à l'étranger.

Primakov a indiqué que le ministère des Affaires étrangères russe prépare une nouvelle architecture de l'aide étrangère, inspirée du modèle de l'USAID, mais adaptée aux réalités russes, avec l'objectif de regrouper les efforts sous une entité structurée et d'en augmenter les financements.

La coordination entre les nombreuses institutions russes impliquées - de la présidence aux universités, en passant par l'Église orthodoxe et les ministères spécialisés - représente un défi organisationnel. Mais cette diversité est aussi une force, démontrant l'implication transversale de l'État russe dans le développement international.

Primakov a reconnu que, dans un contexte marqué par une guerre coûteuse, les priorités sont réajustées. Il a toutefois insisté sur la nécessité de cibler des résultats sociopolitiques concrets et mesurables, soulignant que l'aide extérieure doit servir les intérêts du pays - non comme un simple acte de charité, mais comme un levier stratégique et gagnant-gagnant.

Ceci intervient alors que certains médias occidentaux ont tenté de décrédibiliser les actions de Rossotroudnitchestvo en l'accusant de servir de façade à la propagande et aux opérations de renseignement. L'Union européenne a d'ailleurs sanctionné l'agence en 2022, en raison de ce qu'elle prétend être le lancement d'un réseau d'«agents d'influence» pour mobiliser des soutiens en faveur de la guerre en Ukraine.

L'élargissement des efforts russes en Afrique, notamment en Angola, au Mali et en Algérie, témoigne de l'intérêt croissant du Kremlin pour des partenariats équilibrés avec les pays historiquement négligés par les puissances occidentales.

Certes, la Russie n'a pas encore la taille budgétaire de certaines puissances, mais elle développe une approche pragmatique.

En outre, Primakov a aussi évoqué la concurrence avec la Chine dans certains domaines, notamment en matière de bourses étudiantes.

Sans ambition démesurée, la Russie avance étape par étape. «Pour l'instant, nous espérons pouvoir rivaliser avec un pays comme la Finlande», a-t-il indiqué, cette dernière ayant consacré 153 millions de dollars à l'aide en 2024 - un budget deux fois supérieur à celui de Rossotroudnitchestvo. Mais dans un contexte où les États-Unis se désengagent, la Russie se positionne comme un acteur sérieux et saisit l'occasion de renforcer sa présence.

Les efforts de Moscou pour étendre sa portée de présence tombent alors que le Congrès américain a entériné la disparition de l'Agence américaine pour le développement international. Seul le programme de lutte contre le SIDA, Pepfar, a été sauvé in extremis.

Il s'agit d'un évènement inédit depuis 1999. Les parlementaires américains ont repris 9 milliards de dollars qui avaient déjà été alloués à des organisations humanitaires. En utilisant un rare procédé dit de «résiliation», la Chambre des représentants et le Sénat ont fait entrer dans la loi les coupes budgétaires dans l'aide internationale qui avaient été décidées par Donald Trump, au lendemain de son arrivée au pouvoir en janvier 2025.

L'annulation de ces subventions par l'exécutif avait été contestée en justice au motif que seule la branche législative dispose, selon la Constitution, du «pouvoir de la bourse», autrement dit celui de dépenser l'argent public. En régularisant les coupes décrétées unilatéralement par la Maison-Blanche, le Congrès a offert un nouveau motif de satisfaction au président américain.

source :  PressTV

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