
Par Dan Steinbock, le 18 septembre 2025
Bezalel Smotrich est l'un des principaux dirigeants de l'extrême droite messianique israélienne. Il est également un gestionnaire avisé qui met en œuvre une solution finale d'inspiration biblique de nettoyage ethnique à Gaza afin d'annexer l'enclave à Israël.
À la fois connu pour être un extrémiste en Israël et à l'étranger, mais admiré comme un visionnaire par ses électeurs, Bezalel Smotrich est le leader d'extrême droite du Parti national religieux israélien (Sionisme religieux) et l'actuel ministre des Finances du Premier ministre Netanyahu.
Critiqué et ridiculisé à l'étranger, Smotrich a constamment exploité les tensions à Gaza pour provoquer l'annexion de la Cisjordanie à Israël.
Smotrich, qui a un jour déclaré cyniquement que ses électeurs ne se soucient que de sa position anti-palestinienne ("Je suis peut-être un extrémiste de droite, homophobe, raciste, fasciste, mais je tiens toujours parole"), soutient le blocus de la bande de Gaza depuis octobre 2023. Il appelle à une "émigration volontaire" des Palestiniens de Gaza vers des pays tiers. Son objectif ultime est de transformer Israël, prétendument démocratique et laïc, en une autocratie religieuse régie par la loi biblique juive.
Rétablir le système judiciaire de la Torah
Smotrich a passé sa vie entière dans des colonies juives illégales au regard du droit international. Descendant d'une famille juive ukrainienne ayant perdu la plupart de ses membres durant l'Holocauste, il a grandi dans un milieu juif orthodoxe et sioniste, imprégné de messianisme.
Après avoir étudié à Mercaz HaRav Kook, à Yashlatz et à Yeshivat Kedumim, Smotrich a été formé aux idéaux apocalyptiques du rabbin Abraham Isaac Kook, le père du sionisme religieux messianique. Sa carrière politique a décollé au milieu des années 2010, alors que l'influence politique des groupes juifs messianiques d'extrême droite commençait à se faire sentir à l'échelle nationale. En 2019, il a fait campagne pour le ministère de la Justice, affirmant briguer ce poste afin de "restaurer le système judiciaire de la Torah".
Il s'agit d'un vieux rêve du sionisme religieux, défendu par le passé par le rabbin américain Meir Kahane, un extrémiste particulièrement violent. Il repose sur l'idée que les institutions démocratiques sont une invention hellénique, donc non juive, et que seuls les cinq livres de Moïse peuvent servir de fondement au droit dans un État juif. La politique extrémiste de Smotrich tend à remplacer l'État de droit laïc par la loi juive traditionnelle.
En 2021, Smotrich, encouragé par sa popularité croissante, a déclaré que le premier Premier ministre d'Israël, David Ben Gourion, aurait dû "finir le travail" et expulser tous les Palestiniens lors de la création d'Israël. Selon lui, les membres des communautés arabes minoritaires d'Israël sont certes des citoyens, mais "pas pour longtemps" !
"Le Grand Israël", Digital, Dream / Dreamland v3, 2024.
Le recours à la violence contre le retrait israélien de Gaza
Au printemps 2023, lorsque Smotrich a pris le contrôle d'une grande partie de l'administration de la Cisjordanie, il n'a pas condamné la violence des colons. Il a au contraire incité Israël à frapper
"sans pitié, avec des chars et des hélicoptères, pour faire savoir que « le véritable propriétaire en a assez", et a appelé à "frapper sans pitié les villes de la terreur et leurs instigateur".
Ces propos constituent désormais son leitmotiv depuis le 7 octobre 2023.
Gaza semble être une affaire personnelle pour Smotrich. Au début des années 2000, il qualifiait le retrait d'Israël de la bande de Gaza de sacrilège. Lors de manifestations contre le désengagement israélien de Gaza, il a été arrêté en 2005 alors qu'il était en possession de 700 litres d'essence.
Selon le Shin Bet, les services de sécurité intérieure israéliens, il était soupçonné de participer à une tentative d'attentat sur l'autoroute Ayalon, une artère routière majeure. Il a été détenu trois semaines, mais n'a pas été inculpé bien qu'il ait refusé de coopérer.
À l'instar de tous les fanatiques religieux, Smotrich a mis ses paroles en pratique. Il a un objectif et il est déterminé à le réaliser. Son plan n'est pas nouveau - il date de plus de cinq ans.
Autrefois considéré comme pure lubie religieuse, il est en passe de devenir une réalité sur le terrain.
La "solution finale" de Smotrich pour Gaza
En 2017, alors qu'il était encore un jeune membre de la Knesset, Smotrich a présenté son " plan décisif" dans des cercles sionistes religieux restreints. Ce plan marquait en quelque sorte la fin du conflit israélo-palestinien.
Il rejette toute perspective de réconciliation. Il rejette la partition. Il rejette catégoriquement toute perspective d'un État palestinien et d'une présence palestinienne. Il envisage un État unique, du "fleuve à la mer", pour une seule nation : le peuple juif. Fidèle à ses convictions, il s'est appuyé sur des allégories bibliques - ou plutôt, pour lui, des réalités :
"Lorsque Josué est arrivé dans le pays, il a envoyé trois messages à ses habitants : 'ceux qui acceptent notre domination peuvent rester, ceux qui veulent partir peuvent partir, ceux qui veulent se battre peuvent se battre'. Lorsqu'ils n'auront plus d'espoir ni de perspectives, ils partiront, comme ils l'ont fait en 1948".
Depuis le 7 octobre, Smotrich défend ce qu'il qualifie de "solution humaine" pour les non-combattants de Gaza : un transfert "volontaire" de population.
Le concept de deux États n'était plus tenable. La solution de Smotrich, plus simple, consiste à éliminer l'adversaire pour résoudre le dilemme.
"Partez !"
Un mois après le 7 octobre 2023, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a présenté les grandes lignes de ce que les États-Unis refuseraient pour l'avenir de Gaza :
- pas de déplacement forcé des Palestiniens de Gaza
- pas question non plus d'utiliser Gaza comme base terroriste pour lancer des attaques contre Israël
- pas de restriction du territoire de Gaza, et
- un engagement en faveur d'une gouvernance palestinienne unifiée des terres de Gaza et de Cisjordanie.
Blinken devait vivre dans un univers parallèle pour tenir de tels propos. La plupart des Gazaouis avaient déjà été déplacés, les attaques se poursuivaient, les infrastructures avaient été rasées et une famine massive était imminente.
Pour l'extrême droite messianique en Israël, la Maison Blanche est un atout précieux au service du plan de Dieu pour Israël. Selon cette mouvance, les États-Unis sont non seulement riches et puissants, mais aussi naïfs et manipulables.
Ainsi, tandis que les émissaires officiels du cabinet de Netanyahu rendaient hommage à leurs sponsors américains en récitant régulièrement le mantra d'une "solution à deux États" et d'un "non-déplacement", ils œuvraient avec zèle à la mise en place d'un État juif unique et au déplacement de plus de deux millions de Palestiniens à Gaza.
Selon Smotrich, les Arabes ne possédent aucune terre. Les Juifs sont les propriétaires fonciers. Les Palestiniens ne seraient que des locataires temporaires. Les Juifs restent, les Palestiniens ne sont que de passage. Dans peu de temps, le monde aura oublié la Cisjordanie et Gaza, et peut-être même jusqu'à leurs noms. Ces terres seront judaïsées et porteront à nouveau leurs noms hébreux : Judée, Samarie et Azza.
Lorsque Netanyahu a confié à Smotrich l'administration de la Cisjordanie occupée, il l'a fait délibérément et intentionnellement. "Partez !" est le message passé aux Arabes palestiniens.
Traduit par Spirit of Free Speech
Dan Steinbock est l'auteur de The Obliteration Doctrine et The Fall of Israel. Il est le fondateur du Difference Group et a travaillé à l'India, China and America Institute (États-Unis), au Shanghai Institute for International Studies (Chine) et à l'EU Center (Singapour). Pour en savoir plus, consultez differencegroup.net