par Ghermaoui Mohamed.
La guerre en Ukraine entre la Russie/Chine vs les États-Unis et ses proxys, répétons le encore une fois, est une guerre qui a été émaillée de plusieurs vocables et concepts très signficatifs. Parmi ceux qui m'ont le plus interpellé, figurent la convergence et la simulation des scénarios. Au delà de leur portée sémantique et littéraire, ces deux concepts s'insèrent amplement dans des domaines de compétences techniques et scientifiques très pointus, notamment la théorie des jeux et l'approche scénaristique.
Un petit rappel théorique.
En fait, la convergence est un concept central dans la théorie des jeux. Elle consiste à trouver un espace de convergence (un terrain d'entente, un concensus) entre deux ou plusieurs antagonistes qui est supposé au départ non convenu. La convergence progressive (step by step) vers cet espace est basée sur une approche stockastique qui repose sur la logique, la rationalité et l'intelligence de chacun en évaluant les points forts et les points faibles. Puis à chaque niveau de simulation, il s'agit de céder et faire de légères concessions de part et d'autre pour en fin de compte converger vers une solution qui satisfera tous les intervenants et qui bien sûr évitera la collusion qui ne profite à personne.
Quant à l'approche scénaristique, elle intègre un processus plus global, plus précisément la planification stratégique. Par sa nature, cette planification concerne le long terme et du coup s'intéresse aux variables lourdes. L'approche vise à explorer des scénarios probables à partir d'un ensemble d'hypothèses relevant d'une analyse systémique de la problématique posée. Elle consiste à mettre en exergue les points forts, les inerties, les dysfonctionnements, les blocages et les ratages pour mieux appréhender l'avenir. À partir de ces scénarios probables, c'est à nous de choisir celui qui nous convient le mieux. L'approche est volontariste et dénie toute tentative prophétique ou de fatalité. De surcroît, elle fait appel à la raison, à l'intelligence et boude l'acharnement, l'arrogance et l'orgueil.
L'appel à l'utilisation de ces deux « cours théoriques » va être d'un support pédagogique impérial pour mieux comprendre et assimiler ce qui se passe en Ukraine. Mais surtout pour essayer d'explorer les perspectives d'avenir probables et de les élucider clairement pour pouvoir esquisser les contours d'une solution possible qui permettrait d'éluder une aventure à risque élevé et avéré.
La fibre assoiffée de curiosité va vite se manifester pour demander, et c'est tout à fait légitime, comment ? Avant d'abreuver cette soif, rappelons quelques séquences où ont prévalu ces concepts. L'apport de cette approche va nous être utile - appuyée par l'apport et l'analyse d'autres fresques historiques - pour d'une part, appréhender et approcher les perspectives probables et d'autre part, pour entrevoir des palliatifs raisonnables et rationnels en vue de s'intégrer dans le nouvel ordre mondial qui se dessine sans équivoques. L'objectif ultime est d'éviter le cataclysme.
Cette approche qui peut paraître à premier abord naïve et anachronique, va s'avérer au fur et à mesure constructive et bienveillante.
Par ailleurs, il n'y a pas de doute que nous avons longtemps été submergé par des concepts erronés et tordus à travers nos systèmes éducatifs et nos mass médias, ce qui a causé l'aliénation de notre cognitif. La redondance était le piment principal de la recette pour consommer et savourer. Tout a été conçu et planifié pour subir plutôt que pour analyser et décortiquer. Lorsque nous regardons ou écoutons par exemple, ceux qui sont censés nous inspirer, plus particulièrement nos élites et nos dirigeants, nous assistons rarement à des collusions de points de vue et de positions similaires, plutôt la retivité d'esprit et l'orgueuil sont de mise. Et c'est ça le modèle quasiment infligé/perçu et de facto ancré/incarné. Alors qu' il y a infiniment plus d'intelligence (l'intelligence positive) dans deux positions qui essaient de se rapprocher et de converger que dans deux intelligences (l'intelligence négative) qui essaient de camper sur leurs positions. Notre système de valeurs à été complètement ravagé par les non sens. Nous avons été plombés par un système de pensées effrayant et désastreux et en plein désarroi avec la pure nature de l'être humain. Dans ce système de pensée, la convenance et la cordialité sont synonymes de condescence. L'insolence et l'outrecuidance sont synonymes de fierté et de vigueur, etc. La violence est devenue l'expression de la nature humaine. La violence n'est pas une nature, la violence est une conséquence d'une entorse de la nature humaine. C'est une conséquence d'une incompréhension, d'une déculturation, d'une frustration, d'une désassimilation
Certains et peut être même une majorité (l'humiliation intellectuelle est de devise) vont dire que la morale est très mauvaise conseillère en politique et en géopolitique, mais je pense qu'elle devrait s'activer le plutôt possible pour soulager le sort des populations éprouvées par ces guerres (en Palestine, en Libye, en Syrie, en Yémen, en Afghanistan, en Ukraine, etc.) et épargne le monde d'un avenir sombre et certainement catastrophique.
Il est temps de changer le modèle. La culture et la philosophie occidentale ont trop duré.
Qu'en est il pour cette guerre en Ukraine ?
Voilà quelques données (hypothèses de base), qui je pense sont pertinentes et crédibles, et qui vont nous aider à bâtir nos scénarios probables. Il n'y a pas de doute qu'on commence à mieux appréhender les tenants et aboutissants de cette guerre.
• le triomphe du nouveau système économique convergent combinant les avantages de la planification stratégique centralisée et de l'économie de marché, ainsi que le contrôle de l'infrastructure monétaire et physique de l'esprit de l'entreprise prôné par les pays du BRICS et particulièrement par la Chine.
• la posture de la convergence des civilisations qui s'installe tranquillement et qui met un coup de pied viscéral au choc des civilisations - longtemps soutenu par le professeur Samuel Huntigton - notamment par l'initiative du NSTC pour activer le projet « pivot de L'OUMMA » avec l'Iran et le Pakistan et le NEO-NAM Avec l'Inde.
• la convergence de la vision stratégique de la Russie et de la Chine sur le nouvel ordre mondial et leurs manœuvres opérationnelles pour le mettre en évidence. Cette convergence est très bien explicitée à maintes reprises sur RI par l'éminent professeur Sergey Glazyev et intelligeament résumée par Vincent Gouysee sur son dernier article publié sur RI « Aussi est-il évident que si la Russie ne bénéficie pas aujourd'hui d'un appui militaire chinois en Ukraine, il n'en va pas de même sur le plan idéologique, l'appui morale de la Chine est incontestable, inconditionnel et massif ».
• la livraison massive d'armes par L'OTAN et le déploiement des forces permanentes à grandes échelles dans les pays frontaliers à la Russie.
• la formation et l'assistance des régiments d'Azov et de l'armée ukrainienne.
• le paiement des exportations du gaz et du pétrole russes par le rouble pour les pays non amis.
• l'instauration d'un comité de réflexion, présidé par l'éminent expert Sergey Glazyev, pour la mise en place d'un système financier et monétaire dans lequel la monnaie de réserve et de transactions internationales serait adossée à des économies réelles et non à la pleine foi et au crédit d'un émetteur souverain.
• l'impact de la flambée des prix du pétrole et du gaz sur toutes les économies (stagflation) et ses retombées sur l'instabilité et la déstabilisation des systèmes régnants.
• la démilitarisation, la dénazification et la neutralisation partielle de l'Ukraine.
• le retrait des forces russes de certaines localités pour éviter l'engagement dans une guerre rapprochée et donc trop risquée (guérillas).
• le financement de l'armée américaine des laboratoires pour la production d'armes biologiques.
• les déclarations des responsables de L'OTAN et de l'UE sur la nécessité du prolongement et de la pérennisation de la guerre.
• la déclaration du ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, qui précise que l'acte Fondateur Russie-OTAN ne correspond plus à la situation actuelle dans le monde et ses jours étaient révolus. Cet acte stipulait que la Russie et L'OTAN ne se considéraient pas comme des adversaires.
• la déclaration du secrétaire général de L'OTAN au journal Télégraphique concernant l'entrée de l'alliance Atlantique dans la phase de « transformation fondamentale ».
• la mise en place de bases permanentes américaines en Europe de l'est, envisagée par le général Mack Milley, le chef d'état-major américain appuyée par le secrétaire à la défense Lioyd J. Austin.
• la reddition des centaines sinon des milliers de militaires ukrainiens.
• l'appui et le soutien déclaré de la Chine à la Russie, du moins sur le plan idéologique et stratégique.
• la préparation du producteur chinois du pétrole et du gaz offshore CNOOC à quitter ses activités au RU, au Canada et aux EU, en raison des craintes de Pékin que les actifs ne soient soumis à des sanctions occidentales.
• la visite des responsables américains au Taïwan et la réaction de la Chine à cet égard.
• la lettre des iraniens adressée aux responsables israéliens pour les avertir de la possibilité d'attaques pointues des principaux sites vulnérables en Israël (discours du président iranien Ibrahim Raissi lors du défilé annuel des forces armées iranienne). Le lundi, le président iranien a averti ouvertement qu'Israël serait pris en cible s'ils faisaient la « moindre action » contre l'Iran.
• l'appel public de la grande Bretagne via son président, à entrer en guerre aux côtés de l'Ukraine.
• l'augmentation exceptionnelle des aides militaires occidentales aux forces armées ukrainiennes, tant en quantité qu'en qualité. Ceci confirme l'intention affirmée des EU et leurs acolytes à l'enlisement de la Russie dans un bourbier profond qui assurera son épuisement et son déclin. Et bien sûr la Chine suivra.
• et enfin et pour ne pas alourdir l'article car la liste et très longue, la note diplomatique adressée par Moscou à Washington pour les avertir que la guerre en Ukraine va déborder largement sur son contexte actuel et ses conséquences seront très graves.
Conclusion : la guerre va durer longtemps.
La seule façon de l'éviter c'est de faire appel à la raison, la rationalité, la logique, l'humanité, la vision, le bon sens, la bonne lecture et la bonne analyse des faits, tout en récusant l'arrogance, l'acharnement, l'orgueil.
Personne n'est gagnant dans une guerre, ni sur le plan politique, ni sur le plan économique, surtout à long terme. Mais si cette guerre continue, à mon sens, les grands perdants sont l'Ukraine, les EU et les européens. Le grand gagnant, c'est la Chine, à court terme seulement. Pour moi, il n'y a pas de doutes la dessus. D'autant plus que les lineaments de cette fresque commencent à se tracer. Certes, les responsables des EU essaient de corriger et décliner la tendance (les visites en Iran, à Venezuela, en Inde et dans plusieurs pays arabes et africains, le rôle joué pour remplacer Imran Khan par Shehbaz Sharif au Pakistan, etc.). Mais, il s'avère que ça serait difficile, sinon impossible.
À partir de cette panoplie d'hypothèses et de données, quels sont les scénarios probables et surtout quelles sont leurs implications. Prenons deux variantes s'inspirant essentiellement de la bonne lecture et la bonne analyse de ces hypothèses (faits réels).
Scénario 1
Les américains et les occidentaux s'entêtent et s'abstiendront de toute analyse logique des faits en espérant aveuglement pousser de plus en plus la Russie à s'enfoncer dans le guêpier imaginaire. Bien sûr, en misant sur la récupération de tous les pays qui ont voté contre les sanctions ou se sont abstenus, en négligeant (et c'est très intéressant) la mouvance mondiale qui s'imprime depuis une bonne lurette contre la politique « deux poids deux mesures » des occidentaux envers le reste du monde. Vincent Gouysee écrivait à ce propos « comparez le manque d'enthousiasme à soutenir les nations déchirées par les guerres initiées par l'occident sans vergogne avec l'euphorie sans pareil à fournir des armes à l'Ukraine ».
Nous avons même assisté à des séquences décevantes et dégradante qui proclament sans équivoques qu'il y a une grande différence entre les ukrainiens (les blancs aux yeux verts et bleus) et les autres (les arabes en particulier). Le racisme filtré. Le monde n'est pas dupe pour ne pas constater cette hypocrisies flagrante, même la Suisse a pris position et de fait, a écorné et endommagé son image de neutralité bienveillante.
Il serait dommage de ne pas bien endogéniser et assimiler le passage suivant de Sergey Lavarov, le ministre russe des affaires étrangères, qui annonçait à la télévision russe24 ce qui suit « notre opération spéciale (en Ukraine bien sûr) doit mettre fin à l'expansion inconsidérée et à la domination des États-Unis dans le monde, une domination qui s'accompagne de violations des Droits Internationaux ». Et surtout en ayant à l'esprit que les russes ont toujours dit ce qu'ils vont faire et font toujours ce qu'ils ont dit.
Si les américains et leurs alliés maintiennent l'escalade, piétinent sur leur position et font prévaloir l'acharnement et l'orgueil sans aucun esprit critique, c'est le désordre total et le cataclysme assuré. L'apocalypse débordant va régner partout, et on ne peut même pas imaginer le futur, parce que tout simplement, ce n'est même pas la peine de faire l'effort d'imagination.
La guerre va durer très longtemps. Une guerre conventionnelle bien sûr. Elle est d'ailleurs conçue pour durer très longtemps. Sauf accident de parcours.
Si on veut faire un petit effort d'imagination, ce scénario peut être bifurqué en deux variantes simplistes. La première étant les russes perdent la guerre. Cette variante n'est possible à mon sens que si la Chine délaisse et abandonne la Russie. Cette hypothèse est dérisoire et très peu probable car même si on suppose que la Chine et la Russie ne partagent pas la même vision, les chinois ne sont pas dupes et ils savent pertinemment que leur sort est scellé si la Russie perd cette guerre. Il y a une adage en arabe qui dit que « j'étais déjà sacrifié quand le taurreau blanc l'a été ».
La deuxième variante, les EU et L'OTAN perdent la guerre. Les européens vont vraiment souffrir et voir leur avenir s'assombrir et se rembrunir. Mais c'est les américains qui vont le plus peiner, pour la simple raison que la performance économique américaine a été tous le temps basée sur la rente du dollars depuis le Breton Woods. Son hégémonie et son empire repose sur des piliers fragiles, contrairement à la plus part des économies européennes.
Scénario 2
La convergence et le consentement. L'appel à la raison et à l'intelligence rationnelle (la théorie des jeux). On s'assoit autour d'une table et on négocie la paix. Une alternative si facile et si positive que l'aliénation intellectuelle nous empêche de l'entrevoir et de la soumettre à bon escient. L'arrogance est une faiblesse, c'est la conséquence d'un complexe et d'une frustration. Par contre le bon sens et la sagesse sont des points forts que seul les « grands hommes » se procurent. Dans ce scénario, tout le monde est gagnant.
Rappelons pour conclure que tous les empires finissent par péricliter en dépit de tous les efforts prodigués pour faire perdurer leur hégémonie. Prenons deux exemples, un très ancien et l'autre relativement récent, qui sont respectivement l'empire Romain et celui de la Grande Bretagne.
Les causes du déclin, l'environnement prévalu et les conséquences sont presque les mêmes. Qu'attendons nous pour nous inspirer de la vraie histoire pour nous mettre d'accord sur la bonne décision ? Excusez la redondance.