06/03/2025 euro-synergies.hautetfort.com  5min #270881

Le cinéma et la prostration européenne

Nicolas Bonnal

La vieille dame transie européenne rêve donc d'écraser, comme en 1941, et l'Amérique et la Russie et se suicide une nouvelle fois (voyez encore le livre de Laurent Guyénot sur la malédiction papale pour comprendre) en se pendant au premier joueur de bite venu, le nommé Zelenski. On ne sent aucune opposition autre que minoritaire poindre dans le vieil incontinent et on se demande si on rêve. Non, on fait on vit dans un continent zombi depuis longtemps, fils de Kafka, de Kubin et de Céline (autre auteur fantastique), et on ne fait qu'attendre la fin de la pièce. La société mortifère décrite par Chateaubriand après 1815 finira bien par crever et on laisse de vraies grandes puissances, l'Amérique ou la Russie, le soin de remodeler le monde, même si le résultat n'est ni brillant ni ragoutant.

Une nouvelle fois le cinéma permet de bien saisir les choses. L'Europe est depuis longtemps, depuis très longtemps même, la terre de la prostration en matière de cinéma. On aime l'ennui, l'existentialisme, le sexe cheap, la bonne déprime, la pleurnicherie humanitaire, bref on se plonge dans le « qu'est-ce qu'on peut faire ? » du Pierrot le fou de Godard quand la gourde Karina arrive au bord de l'amer et commence à casser les pieds à son Jules.

Dans les années soixante Raymond Aron, toujours aussi peu inspiré, avait publié un pensum universitaire de plus (les livres universitaires sont ceux qui vieillissent le plus vite dans l'Histoire, n'en ayant jamais fait partie) intitulé Plaidoyer pour l'Europe décadente. Mais ayant matériellement récupéré de la guerre, l'Europe était déjà moribonde sur le plan humain, culturel, philosophique : on relira avec intérêt Chevaucher le Tigre et l'Arc et la Massue de Julius Evola pour s'en rendre compte.

A cette époque, on a le cinéma d'Antonioni qui en inspira beaucoup d'autres. Prenons Blow up qui montre un Londres décadent, gauchiste, drogué, hagard, vide, politiquement correct, débauché, rocker et ennuyé. Une histoire encore plus ennuyeuse nous retient pendant une heure et demie. C'est l'époque où la cinéphilie qui était un émerveillement durant l'âge d'or hollywoodien (voyez mes livres !) devient une corvée : j'ai donné dans ma jeunesse.

Antonioni a commis un navet avec Wenders qui lui-même avant, sans le vouloir, avait montré notre dépendance aux USA. On a eu l'Ami américain (très bons Blain et Hopper) puis l'Etat des choses qui montre une équipe de cinoche s'emmerder au Portugal, car elle n'a plus le pognon US pour continuer son navet apocalyptique (pour une fois qu'on sort de l'existentialisme !). Le réalisateur (excellent Patrick Bauchau, jadis acteur de Rohmer et copain de… Parvulesco) s'en va donc à Los Angeles, pendant que son équipe baise et fume à l'hôtel, pour se retrouver canardé dans un trailer avec son petit producteur victime de sa générosité. Métaphoriquement ce film était parfait : l'Europe attend toujours le pognon et le projet des USA. Le navet suivant de Wenders était Paris Texas, ce qui montrait le devenir ricain de l'Europe. Mais c'est un devenir volontaire, pas une conséquence de l'impérialisme américain. J'ai rappelé Trotski qui explique le devenir domestique de la social-démocratie européenne ou Dostoïevski qui dans ses Possédés montrent la fascination involontaire que les USA, alors puissance secondaire, exercent déjà sur l'Europe et ses bataillons de progressistes.

Ce n'est pas l'Amérique qui a conquis l'Europe. C'est l'Europe qui se vend en putain éternelle et qui voulait être bonne fille à Biden et aux présidents démocrates type Wilson-Obama-Roosevelt (voir mon texte sur l'Europe et les présidents démocrates). La révolte actuelle qui mènera à une implosion de l'UE ou à une guerre mortifère contre la Russie est celle d'un cadavre.

Mais j'en reviens brièvement au cinéma : on a d'un côté les maîtres du cinéma non subventionné (jusqu'à Joe Biden !), du cinéma d'action, au grand air, pour grand public, familial, aventurier ou policier, mais qui toujours veut dire quelque chose : et puis on a le cinéma qui ne veut rien dire, le cinéma du néant, que personne ne va voir, le cinéphile comme moi préférant encore le nihiliste ricain pour découvrir un monde sans sens : voyez Jim Jarmusch, qui s'est moqué de Trump et de son électorat dans son navet cannois (la France finance tous les films qui perdent du fric, c'est une obsession chez elle), sur les zombis. Voyez la fille Coppola qui dans Lost in translation avait très bien filmé l'effondrement ontologique du Japon, bien confirmé depuis par la diplomatie et par l'économie nippones.

Dans sa découverte de l'archipel, ouvrage qui m'avait fasciné jeune, Elie Faure (pote à Céline tout de même, érudit et médecin, adorateur de la psychologie des peuples – quand il y en avait une) avait excellemment écrit qu'il ne fallait pas parler de ploutocratie (la France en est une) mais de dynamocratie pour évoquer l'Amérique : Trump, Musk, Vance, avec « tous leurs défauts » le montrent nuit et jour à la face du vieux continent perdu qui ne rêve que de s'enfoncer dans la nuit à la suite de Zelenski et de ses légions nationalistes. Certes, il faut du fric en Amérique : eh bien, tu n'as qu'à en gagner, et c'est facile là-bas (Daniélou).

De la même manière que le cinéma américain est un pléonasme (comme disait Orson Welles, traité de fasciste par la critique gauchiste en France), la mondialisation est un phénomène moins américain que français (les idéaux de la révolution) ou britannique (l'Empire, les Huxley, les institutions) ; l'Amérique avait justement rejeté à l'époque du grand et méconnu président Harding la SDN (tableau, ci-dessus). Son instinct toujours isolationniste et non-interventionniste lui disait de ne pas s'en mêler, et il avait fallu la création de la Fed par des banquiers allemands pour la précipiter dans la catastrophe de 1914-1918 qui allait susciter d'autres catastrophes durant tout le vingtième siècle et après.

On verra s'il y a une justice et si l'Europe sera vraiment, justement punie cette fois, pour sa mauvaise politique et son cinéma désastreux. En dépit de rodomontades de certains, la soumission des droites et les dernières désastreuses élections allemandes montrent que l'Europe désire à nouveau être CORRIGEE.

 euro-synergies.hautetfort.com