par Gérard Emile
Dans l'article précédent a été évoquée la notion de cohésion sociale, fruit de l'application d'un pacte d'association entre membres du corps social, entre gouvernants et gouvernés, entre le citoyen et l'Etat, pacte tacite et librement consenti pour l'établissement d'une société au sein de laquelle chacun coexistera pacifiquement avec autrui.
Le contrat social, de par sa valeur, est la principale justification de l'existence de l'Etat basé sur un consentement mutuel impliquant la légitimité du pouvoir politique qui n'est issu ni du droit divin, ni de la loi du plus fort. Comme Rousseau l'a défini dans son ouvrage « du contrat social » (1762) celui-ci défend le principe de la souveraineté du peuple basée sur la liberté, l'égalité et la notion de volonté générale.
« Si l'on met à part les explications religieuses telles que l'existence d'un plan providentiel ou les explications de pur fait fondées sur des rapports de force (droit du plus fort), l'hypothèse du Contrat social est la seule justification possible de l'autorité qu'exerce la société sur ses membres. » - Georges Vedel - 1910-2002 - Manuel de droit constitutionnel, 1949
Quelles sont, par conséquent, les attentes du citoyen acceptant l'idée de contrat social si ce n'est la possibilité de vivre en bonne intelligence avec les autres membres de la société en s'appuyant sur la confiance qu'il accorde au pouvoir politique légitime pour défendre ses libertés, ses droits et la garantie d'une existence sereine au sein d'un corps social fondé sur l'égalité des individus le constituant ?
Le peuple confie au législateur le devoir de sauvegarder le bien-être général contre des intérêts extérieurs susceptibles de l'affecter et entend maintenir la viabilité du contrat social par l'application de la démocratie. La République est bâtie sur ces fondements créant cet idéal républicain cher au peuple de France et parfaitement retranscrit dans sa devise : liberté, égalité, fraternité.
Toute confiance est accordée intrinsèquement aux différents pouvoirs prévus dans le contrat social pour défendre les intérêts du citoyen dans le cadre de la jouissance d'une vie en communauté au sein de laquelle chacun s'épanouit sereinement sans entraver les aspirations des autres et dans le respect des valeurs communes.
L'article premier de la Constitution de 1958, l'un des fondamentaux du contrat social liant le citoyen français aux pouvoirs politiques et institutionnels définie notre République comme étant : indivisible, laïque, démocratique et sociale :
- une république indivisible par l'intégrité du territoire et l'unité politique
- une république laïque par le respect égalitaire des religions
- une république démocratique par le fait que seul le peuple est souverain et s'accorde le droit de l'exercer par des représentants
- une république sociale par la protection égalitaire chaque citoyen
Le contrat social se doit donc, par destination, d'être le garant de l'accès au droit de vivre dans une société n'entravant pas les droits du citoyen lequel se doit de respecter les devoirs qui lui incombent en contrepartie.
Non sans difficultés la France est entrée dans l'ère républicaine après la Révolution de 1789. Chacune d'entre elles a marqué l'histoire du pays et a apporté son lot de changements politiques, sociaux et institutionnels. La première république (1792-1795) a été suivie par le Directoire (1795-1799), le Consulat (1799-1804), l'Empire napoléonien (1804-1814), les 2 périodes dites de restauration (1815-1848) et le retour d'un régime républicain (IIè république - 1848-1851). S'ensuit un second empire (1852-1870) qui se termine par la lamentable défaite de Napoléon III à Sedan. La IIIè République semble redonner une certaine stabilité au pays par sa durée (1870-1945) et ce malgré la première guerre mondiale de 1914-1918. La période « vichyssoise » reste un évènement particulier dans le déroulement de l'Histoire de France et l'avènement du général De Gaulle met un terme à cette IIIè république et voit la naissance de la IVè république qui, du fait de son instabilité politique, est remplacée par la Vè dont la Constitution est inspirée du discours de Bayeux (juin 1946).
Conçue à l'origine comme un régime parlementaire dans lequel les pouvoirs de l'exécutif sont renforcés (*), la Ve République est devenue un régime de type semi-présidentiel depuis l'instauration de l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Elle échappe aux typologies classiques des régimes politiques apparaissant comme un régime hybride présentant simultanément des caractéristiques propres au régime présidentiel et au régime parlementaire.
D'aucuns se poseront la question de savoir quelles sont les raisons pour lesquelles De Gaulle à instauré un régime donnant plus de pouvoir à l'exécutif au détriment du pouvoir du peuple. L'explication réside dans la mission du contratsocial « Le peuple confie au législateur le devoir de sauvegarder le bien-être général contre des intérêts extérieurs susceptibles de l'affecter et entend maintenir la viabilité du contrat social par l'application de la démocratie ».
En réalité De Gaulle avait perçu les velléités des Américains de s'emparer des richesses de la France et de son empire colonial et même de la déstructurer en remodelant le paysage géographique et géopolitique de l'Europe. Confier au seul législateur le soin de défendre les intérêts de la France et des Français était une prise de risque qu'il se refusait. En renforçant son propre pouvoir il entendait s'accorder plus de moyens pour lutter dans la pleine application du contrat social qu'il avait imaginé au sortir de la seconde guerre mondiale.
Après son départ en avril 1969 ses successeurs ont sérieusement ébréché ce contrat social défini par la Constitution de 1958 en s'attaquant à la souveraineté du pays, oeuvrant à l'encontre du bien des Français en le gouvernant sur un mode d'aristocratie autoritaire et le conduisant sur le chemin d'une Union Européenne technocratique dont l'ensemble des acteurs ayant permis son avènement était manipulé par l'Anglo-saxon dont le seul but était d'en détenir la maîtrise géopolitique et l'éloignement avec le bloc de l'Est. Un axe Nord-Sud (Russie-Europe) aurait été un réel danger pour l'Américain : impensable !
Les 3 derniers présidents français ont été les principaux artisans de la destruction complète du contrat social. Sarkozy et Macron sont 2 personnages au service de la puissance financière anglo-saxonne, celle-là même qui entend dominer le monde pour l'asservir à la servir. Quant à Hollande il a trahi la parole de la France lors de la signature des accords de Minsk nous entraînant dans la volonté de l'Américain d'isoler (par le recours à la violence : Donbass) la Russie pour mieux l'abattre ensuite et rester le maître du jeu sur le monde occidental.
Le contrat social est rompu entre les Français et les individus auxquels le citoyen en a confié la garde. Dès lors quels choix pour le citoyen français aujourd'hui ? Doit-il attendre que le pouvoir politique se reprenne et reconstruise la cohésion sociale qui lui est due en passant son temps à s'interroger tel l'âne de Buridan mort de n'avoir pas su prendre non pas la bonne décision mais de n'avoir pas su décider parmi deux solutions d'égale valeur ? Ou doit-il continuer à survivre dans un monde au sein duquel il est démocratiquement mort et fiscalement vivant tel le chat de Schrödinger ?
Du fait de cette rupture du contrat social entre le citoyen et l'Etat qu'il est aisé de constater au vu de la situation d'une France écrasée par la dette en faisant une proie facile pour les créanciers, entièrement soumise à la domination d'une pseudo-Union Européenne technocratique elle-même manipulée par la ploutocratie financière, chacun d'entre nous a le devoir de se poser une question fondamentale et ce, en toute légitimité :
Si le contrat social est rompu par l'action politique menée par les individus auxquels on en a confié le devoir de le maintenir ne sommes nous pas en droit de déclarer illégitime l'Etat garant de ce contrat et d'oeuvrer par nous mêmes à la restauration d'un Etat de droit respectueux de nos attentes à savoir la liberté, la souveraineté, la justice, la sécurité, la paix....?
Un contrat rompu par l'une des parties n'est plus applicable à l'autre ! L'heure est au rassemblement en vue de redéfinir le contrat social qui sera la clé de la cohésion sociale à laquelle nous aspirons. La justification d'une refondation du modèle politico-administratif est cruellement présente et le succès d'une telle entreprise ne viendra pas de l'émergence d'un seul individu mais nécessitera le concours du plus grand nombre d'entre nous, chacun ayant à défendre ses propres idées, à en accepter d'être débattues pour l'aboutissement d'un consensus universel comme l'explique si bien Wilfred Trotter dans « Instincts of the Herd in Peace and War : « La qualité cardinale du troupeau est l'homogénéité. Il est clair que le grand avantage du comportement social est de permettre à de grands nombres d'individus d'agir comme un seul ; en cela, dans le cas de la chasse, la force de l'animal grégaire dans la poursuite et dans l'attaque dépasse immédiatement celle de la proie..... Pour conserver ces avantages de l'homogénéité, il est évident que les membres du troupeau doivent posséder une sensibilité aux comportements de leurs congénères. L'individu isolé sera insignifiant ; l'individu comme partie du troupeau sera capable de transmettre l'impulsion la plus puissante. Chaque individu du groupe ayant tendance à suivre son voisin, pour être suivi par un autre à son tour, chacun est, dans une certaine mesure, capable d'être un meneur ; mais aucune action ayant pour origine un "comportement normal" ne sera suivie. Une action ne sera imitée que lorsqu'elle "ressemble" à une action normale. Si un meneur va si loin en avant qu'il cesse d'être dans le troupeau, il sera nécessairement ignoré. »
Notre droit a la démocratie a été gagné par le sang versé de nos Anciens, le devoir de la défendre pour l'avenir de nos enfants nous incombe pleinement.
L'union fait la force et l'intelligence collective ouvre la porte des débats sources de consensus.
Quelques éléments de réflexion
Il faut que les citoyens croient à la possibilité de changer eux-mêmes leurs dirigeants, à commencer par le premier d'entre eux (...) si celui-ci se montre incapable. Charles de Gaulle, in Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, Fayard.
Epictète : "N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites ; décide de vouloir ce qui arrive et tu seras heureux" (Le Manuel)
Kant: "Que puis-je connaître? - Que dois-je faire? - Que suis-je permis d'espérer? (Critique de la raison pure)
Montesquieu : "La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent" (L'esprit des Lois).
Pierre Bourdieu : « l'espace social » (la société) est traversé par un conflit entre dominants et dominés.
L'âne et le chat !
L'âne de Buridan avait faim et soif et son maître à posé en 2 endroits différents et à égale distance de lui de quoi étancher sa soif et assouvir sa faim. Dans l'incapacité de choisir le pauvre âne est mort.
Dans une expérience de pensée, le physicien quantique Erwin Schrödinger montre que le chat après l'expérimentation est à la fois mort et vivant.
(*) notion perceptible dans le discours de Bayeux (1946) du général De Gaulle qui anticipait les risques d'atteinte aux intérêts de la France et de ses citoyens
Rousseau : Du Contrat Social (résumé)la-philosophie.com
Gérard Emile (Nov. 2024)
laplumeducitoyenorg.wordpress.com