De passage à Jujuy pour remettre un prix à la dirigeante sociale détenue à San Salvador de Jujuy, Milagro Sala, le député franco-chilien a mis en garde contre la relation coloniale qu'implique l'extractivisme. Et la logique de la violence dans laquelle les États perdent leur légitimité.
Le député de l'Assemblée Nationale Française, Rodrigo Arenas, du bloc La France Insoumise, est passé la semaine dernière par l'Argentine et par son pays d'origine, le Chili, voyage durant lequel il a mis en garde contre les risques de la poursuite d'une matrice coloniale extractivista, a appelé à l'unité internationale dans la défense de la démocratie et, lors d'une visite à Jujuy, il a rencontré la dirigeante sociale Milagro Sala, à qui il a remis une médaille honorifique de l'Assemblée Nationale Française en reconnaissance de sa lutte pour le peuple de Jujuy.
Après sa visite à Milagro Sala, Rogrigo Arenas a exprimé son intérêt pour l'expérience des peuples indigènes, un « thème en Argentine, au Chili, en France et dans le monde ». En ce sens, il a affirmé qu'il ne peut y avoir de sécurité internationale face à l'extractivisme mondial, « si la transition écologique en Europe, et en France en particulier, est payée par les peuples d'Amérique du Sud ».
A l'occasion de déclarations à Radio Nacional Jujuy, le député a invité à « entrer dans ce mondialisme dans lequel la dignité des travailleurs est reconnue », mais aussi à ce que « les Européens paient le coût écologique des conditions commerciales qu'ils établissent pour la matière première ». « Nous ne pouvons pas être les nouveaux Christophe Colomb qui viennent livrer des petits miroirs à l'Amérique du Sud et prendre l'or et l'argent. Aujourd'hui, il s'agit de lithium, de bétail, du soja et de toutes les choses que l'Amérique du Sud livre au soi-disant premier monde », a-t-il souligné.
« La transition électrique, la transition énergétique que le premier monde est en train de faire, l'Europe en particulier, mais aussi d'autres pays comme la Chine et les États-Unis, est payée par les pays extractivistes qui constituent (...) le Triangle du Lithium. L'Australie est d'ailleurs le principal pays exportateur vers la France. Cette relation coloniale ne peut plus durer », a-t-il déclaré.
La violence est antidémocratique
Il a ensuite parlé de l'internationalisation de la lutte et de la répression : en France ou à Jujuy, « tous ceux qui résistent et qui essaient de défendre leurs intérêts sont criminalisés, et ils organisent (cette répression) y compris en votant des lois pour les frapper de plus en plus fort, de plus en plus. Cette façon de traiter les personnes qui s'opposent, qui ne sont pas d'accord, n'est pas légitime dans une démocratie. La violence entraîne la violence et les États, que ce soit en France ou à Jujuy, sont en train de perdre, si ce n'est déjà fait, l'usage légitime de la force organisée par l'État », a-t-il averti. « Nous entrons dans une logique très compliquée où la violence ne peut pas être la manière de traiter les gens. Nous sommes au bord d'explosions sociales très fortes », comme cela s'est produit en France avec les manifestations contre la réforme des retraites. « En France, nous avons aussi nos jeunes qui ont perdu un oeil, nous avons nos morts. En d'autres termes, nous sommes dans les mêmes luttes et la lutte s'est internationalisée, avec une internationalisation de la criminalisation et de la répression ».
En Argentine, le député a participé à une discussion sur la violence d'État déclenchée à Jujuy par le gouvernement de Gerardo Morales dans le cadre des manifestations contre la réforme partielle de la Constitution. Au Chili, où il est né à Valparaíso, fils d'exilés, Arenas a été invité à participer au « Sommet international pour la Démocratie et les Droits de l'Homme : Allende 50 ans » dans le cadre d'un nouvel anniversaire du Coup d'État du 11 mars 1973.
« Ma présence ici au Chili, comme en Argentine et en Amérique du Sud en général, vise à jeter des ponts entre tous les continents. Parce qu'en fin de compte, nous avons des intérêts communs et nous devons internationaliser les luttes, ainsi que les méthodes avec lesquelles nous avons pu nous opposer à un modèle de domination qui frappe toujours les plus faibles », a-t-il déclaré. Les plus faibles entre les pays, mais aussi à l'intérieur d'un pays, comme à Jujuy, a-t-il expliqué, où les peuples indigènes, les premiers habitants de ce territoire, « sont aujourd'hui opprimés, persécutés et concrètement au service du développement, dont ils ne voient souvent même pas la lumière, seulement les miettes de l'exploitation qu'ils subissent ».
D'autre part, le député a fait une déclaration sur le processus électoral en Argentine. « Les partis politiques traditionnels ne sont plus là pour offrir des propositions et des solutions aux citoyens, en particulier à ceux qui n'ont pas de quoi joindre les deux bouts », une situation dans laquelle se trouvent les travailleurs, les retraités, les étudiants et « tous ceux qui n'ont que la force de travail pour vivre ou survivre », a-t-il déclaré. Il a également mis en garde contre les dirigeants qui « sont prêts à sacrifier une partie de la population pour que le reste vive bien ».
« Il faut arrêter d'écouter ces menteurs qui racontent des histoires aux gens et leur expliquent que l'exploitation du lithium est une magie internationale qui permet aux gens de se développer », a-t-il insisté, en les invitant à observer ce qui se passe au Chili, en Argentine, avec l'inflation, les niveaux élevés de pauvreté. « Quel est donc l'intérêt de continuer à exploiter si, au bout du compte, cela ne profite pas à ceux qui ont ce travail ?
Rodrigo Arenas a également défendu l'enseignement public. « Lorsque l'éducation est privatisée, on crée une société de castes qui ne permet qu'à l'élite d'une nation d'atteindre le sommet », a-t-il averti. Il a mis en cause les candidats de droite à cet égard : "Ils recherchent une société de ségrégation ». « La République, c'est la dignité, la démocratie, c'est la dignité, et quand on a un système scolaire, il doit être public parce que le système public est le seul qui garantisse l'universalisme et la promotion de l'intérêt général et du bien public », a-t-il déclaré. L'État « doit fournir les outils et les instruments, les connaissances, les savoirs et les comportements qui permettront de mettre en œuvre partout dans le monde des réformes qui conduiront à une vie bonne, contre la vie mauvaise que le modèle néolibéral veut imposer ».
« Morales a sa responsabilité »
A San Salvador de Jujuy, Rodrigo Arenas a rencontré la leader de Tupac Amaru [1] : « Notre camarade Milagro est une combattante, malgré toutes les difficultés et la situation familiale dans laquelle elle se trouve, elle continue à se tenir debout », a-t-il déclaré à l'issue de la rencontre. En tant que membre de l'Assemblée Nationale Française, il lui a remis une médaille « en reconnaissance de ses combats. De même, pour les contributions à la préservation et les luttes qu'elle a menées dans la province de Jujuy ». Il a déclaré que la rencontre avec Milagro Sala avait été une expérience très importante pour lui : « J'ai grandi, j'ai été éduqué avec les luttes qu'ils mènent dans cette province ». « Nous nous engageons à ce qu'elle continue à se battre et nous continuerons à la soutenir ».
Le député a décrit Milagro Sala comme « une combattante génétique ». « En cette période que nous vivons tous sur la planète, nous avons besoin de l'énergie qu'elle transmet. Malgré la dureté avec laquelle ce gouvernement la traite. C'est pourquoi je lui ai fait part de la solidarité internationale inconditionnelle ».
Rodrigo Arenas a indiqué qu'il avait été de l'état de santé de Milagro Sala, qui doit être opérée d'urgence à Buenos Aires, mais que la justice de Jujuy n'autorise pas le tranfert. Morales a sa responsabilité », a-t-il déclaré, rappelant que toute personne, même si elle est à la disposition du système judiciaire, n'importe où sur la planète, « a droit à la santé ». C'est l'urgence humanitaire et personne ne peut lui enlever ce droit, c'est un être humain ». « Morales n'a aucune raison et aucun droit d'attenter à sa condition physique ».
Mariana Mamaní pour Página 12
Página 12. Buenos Aires, le 11 septembre 2023.
Traduit de l'espagnol pour El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo de la Diaspora. Paris, le 11 septembre
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Notes
[1] Túpac Amaru et la Guerre finale contre l'Imperio Espagol