Par Mike Whitney, le 20 janvier 2025
"Tout ce que nous avons tenté a échoué. Nous n'avons pas pu détruire le Hamas ou les Palestiniens. Nous avons été impuissants à prévenir la révolution syrienne. Nous avons tué Nasrallah mais n'avons pas réussi à détruire le Hezbollah. Et nous n'avons certainement pas anéanti les Houthis. Nous avons perdu". 𝕏 Ori Goldberg
D'un côté, l'accord de cessez-le-feu semble être le pire accord qu'ait pu conclure le Hamas. Mais d'un autre côté, cet accord contribue à montrer qu'après 16 mois de carnage et de destruction non stop, Israël n'a atteint aucun de ses objectifs stratégiques, pas plus qu'il n'a miné l'esprit des indomptables Palestiniens. En outre, Israël a dévoilé son image de régime voyou totalement immoral et dépourvu d'une once d'humanité. Voici comment Abdal Jawad Omar a résumé la situation sur Mondoweiss:
"La guerre a exposé la suprématie raciale d'Israël, sa monstrueuse capacité de destruction et son réseau profondément intriqué d'investissements idéologiques, psychiques et politiques dans sa volonté d'effacement et de domination. Il ne s'agit pas simplement d'un conflit armé, mais de toute une série de mécanismes permettant d'entretenir et de perpétuer la machine de guerre. La guerre a mis en évidence l'exceptionnalisme d'Israël, non seulement en accordant l'impunité à l'État, non seulement en réduisant au silence et en écrasant la dissidence en Europe et en Amérique du Nord, non seulement au sein des institutions universitaires ou des grands médias, mais aussi par sa capacité insolente à commettre des crimes en direct à l'antenne."Pour les Palestiniens, cette aptitude est perçue avec amertume comme un atout d'Israël. Après tout, Israël est présenté comme un État qui peut tout se permettre, une réalité aussi oppressante que la violence elle-même. Pourtant, c'est aussi cet exceptionnalisme, la limite imposée au discours, qui démasque Israël en tant qu'État suprématiste juif et colonisateur". "Le cessez-le-feu à Gaza révèle la fragilité d'Israël et la forte réactivité de la Résistance" mondoweiss.net, Mondoweiss
Même si l'image publique d'Israël a été ternie à jamais, l'accord actuel n'est pas non plus de bon augure pour les Palestiniens. Tout d'abord, rien n'incite Israël à mettre en œuvre les trois phases de l'accord. Une fois les 33 otages israéliens restitués, Netanyahu peut simplement mettre fin à l'accord et reprendre l'assaut. C'est précisément ce que ses soutiens attendent de lui. Voyez plutôt cet extrait du quotidien israélien Haaretz :
Voilà ce qu'en dit Mike Waltz, le conseiller en sécurité nationale de Trump, faucon notoire :
"Nous avons été très clairs, Gaza doit être entièrement démilitarisée, le Hamas doit être totalement démantelé, et Israël est pleinement en droit de se protéger. Tous ces objectifs sont toujours d'actualité.....Le Hamas n'a aucun rôle à jouer dans la gouvernance de Gaza. Ce sont des preneurs d'otages, des meurtriers, des tortionnaires qui ne doivent en aucun cas jouer un rôle dans la gouvernance..... Nous n'aurons jamais d'avenir meilleur tant que nous n'aurons pas éliminé ce cancer". 𝕏 @mtracey
Et voici comment l'uber-sioniste Ben Shapiro l'a expliqué sur X :
"Notes sur la prise d'otages :1. Il s'agit d'un accord sur les otages, PAS d'un accord sur la fin de la guerre. La phase I prévoit la libération de 33 otages. On ne sait pas exactement combien sont encore en vie, mais certains rapports font état de 23.
2. Encore une fois, le cessez-le-feu est très certainement temporaire. À mon avis, il est très peu probable que la phase II se concrétise un jour, sachant le nombre d'otages que le Hamas retient, qu'il ne désarmera jamais et n'acceptera jamais de s'exiler.
3. L'accord ne contraint pas Israël à modifier son déploiement le long du couloir Philadelphie (frontière entre Gaza et l'Égypte).
Qu'est-ce que tout cela signifie ?
Tout d'abord, certains otages reviendront vivants. C'est une bonne chose.
La libération d'un plus grand nombre d'otages aurait été souhaitable, mais cette option n'était vraisemblablement pas envisageable compte tenu des positions radicalement intransigeantes du Hamas et de l'état de santé précaire de bon nombre d'otages.
Ensuite, la guerre se poursuivra jusqu'à ce que le Hamas n'ait plus aucun contrôle sur Gaza. Les responsables désignés par Trump l'ont assuré, tout comme le gouvernement israélien.
L'équipe de Trump a résolu cette quadrature du cercle. L'équipe Biden souhaitait sans aucun doute que la libération des otages soit conditionnée à la fin définitive du conflit.
L'équipe Trump a vraisemblablement dit au Hamas que cela n'arriverait pas, et que c'est le meilleur accord qu'ils sont susceptibles d'obtenir". 𝕏 Ben Shapiro@benshapiro
Ainsi, selon Shapiro, Trump a fait plus de concessions à Netanyahu que Biden. (Biden disait vouloir une fin permanente du conflit comme condition à la libération des otages, alors que Trump a rejeté cette exigence). Ce qui sous-entend que Trump ne va pas tirer parti de sa fonction pour mettre fin à la folie meurtrière d'Israël qui dure depuis un an et demi. En fait, Netanyahu l'a admis dans une déclaration publique prononcée quelques heures seulement avant le début du cessez-le-feu. Voici ce qu'il a dit :
"Ce terrible désastre a révélé l'immense force d'âme du peuple israélien, ainsi que l'héroïsme suprême de nos soldats, et c'est ce qui nous pousse, avec une détermination sans faille, à atteindre tous les objectifs de la guerre : rendre tous nos otages, éliminer les capacités de gouvernement du Hamas et faire en sorte que Gaza ne constitue plus une menace pour notre pays"."À peine élu, le président élu [Donald] Trump s'est mobilisé pour libérer les otages. Il m'a parlé mercredi soir. Il s'est félicité de l'accord et a souligné à juste titre que la première phase de l'accord est un cessez-le-feu temporaire. C'est ce qu'il a dit - un "cessez-le-feu temporaire'», a souligné Netanyahu, affirmant que Trump et Biden ont tous deux pleinement soutenu le droit d'Israël à reprendre la guerre si Israël juge que les négociations de la deuxième phase de l'accord sont infructueuses.
J'apprécie également la décision du président Trump de lever toutes les restrictions restantes sur la fourniture d'armes et de munitions essentielles à l'État d'Israël".
Pourquoi Netanyahu souhaiterait-il mettre l'accent sur le caractère "temporaire" du cessez-le-feu s'il était sérieusement déterminé à mettre fin aux hostilités ?
Il n'en ferait rien. Il ferait tout son possible pour mettre fin au conflit par la diplomatie et les négociations s'il se conformait au sens littéral du terme "cessez-le-feu" [définition : Arrêt officiel des combats, généralement au cours duquel des pourparlers de paix ont lieu]. Mais le cessez-le-feu actuel ne ressemble en rien à la définition du dictionnaire. Il n'y a pas de négociations de paix en vue, et il n'y en aura pas, ce qui signifie qu'Israël utilise simplement l'accord actuel pour récupérer ses otages sans rien céder en échange. (Le retour de centaines de prisonniers palestiniens dans la zone de guerre de Gaza, où la nourriture, l'eau et la sécurité de base ne sont plus disponibles, ne semble pas être un compromis très équitable).
Même ainsi, nous ne devrions pas ignorer "la décision du président Trump de lever toutes les restrictions restantes sur la fourniture d'armes et de munitions essentielles à l'État d'Israël".
Et qu'est-ce que cela implique ?
Cela implique que Trump est encore plus désireux que Biden de fournir à Israël les bombes et l'armement létal dont il a besoin pour tuer davantage de femmes et d'enfants à Gaza. Qu'est-ce que cela pourrait bien vouloir dire d'autre ?
Gardez bien à l'esprit que les soutiens de Trump croient toujours qu'ils ont élu un non-interventionniste qui veut mettre fin aux guerres étrangères dévastatrices de l'Amérique, et pourtant, ce n'est clairement pas le cas. Trump n'est pas seulement le président le plus sioniste de l'histoire des États-Unis, il a déjà donné le feu vert à Netanyahu pour "finir le boulot" à Gaza et en Cisjordanie, tout comme il a déjà déclaré officiellement qu'Israël devrait frapper les sites nucléaires en Iran. Il a montré à plusieurs reprises sa volonté d'apporter un soutien "inconditionnel" à ses électeurs en Israël qui, soit dit en passant, ont contribué à hauteur de 100 millions de dollars à sa campagne présidentielle. Quelle part de cet argent sera consacrée à la promotion des intérêts de l'Amérique ?
Pas un centime, c'est évident. Mondoweiss en dit plus sur le rôle de Trump dans le génocide en cours :
"Pour Donald Trump, l'accord n'est pas tant une avancée diplomatique qu'un récit bien léché. Il lui offre un scénario triomphaliste - le retour des otages israéliens et la fin du conflit - tout à fait adapté à sa politique populiste. Il se fond à la perfection dans la mythologie de sa présidence : le négociateur consommé, le dirigeant qui réussit là où d'autres échouent, le perturbateur qui ébranle les bases d'impasses bien ancrées et de statu quo mortels". " Le cessez-le-feu à Gaza révèle la fragilité d'Israël et la capacité de transformation de la Résistance", Mondoweiss.
Trump sait ce que l'on attend de lui, et il s'y conformera, avec certitude. Dans le cas contraire, les alliés de Bibi au Capitole lanceront une troisième procédure de destitution qui mettra fin à sa présidence, ou fera dérailler son ambitieux programme politique. Quoi qu'il en soit, il sera très difficile d'empêcher la reprise des hostilités à Gaza, et ce essentiellement parce que des acteurs clés du gouvernement actuel sont pleinement engagés dans l'éradication de la population autochtone. Par exemple, le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a déclaré ce qui suit sur la radio de l'armée :
"Je renverserai le gouvernement s'il ne reprend pas les combats de façon à [nous] permettre de prendre le contrôle de toute la bande de Gaza et de la gouverner..... Israël 'doit occuper Gaza et créer un gouvernement militaire temporaire car c'est le seul moyen de vaincre le Hamas'....."Si j'étais Premier ministre, je dirais au chef d'état-major : 'Voici ma politique ; si vous ne l'exécutez pas, repartez d'où vous venez', déclare Smotrich". Times of Israël
Tout ce que cela signifie, c'est que la reprise des massacres et des destructions est une quasi-certitude. Mais cela ne veut pas dire pour autant que le cessez-le-feu n'est pas une victoire considérable pour les Palestiniens. C'est le cas ! Selon moi, Netanyahu n'aurait jamais accepté la trêve s'il avait anticipé les célébrations triomphales survenues à Gaza ainsi que la vague de solidarité et de soutien qui s'est répandue dans le monde entier.
L'armée israélienne a pris d'assaut le domicile de la prisonnière palestinienne Zeina Barbar à Silwan, mettant en garde sa famille contre toute célébration de sa libération attendue dimanche, appliquant ainsi la politique d'Israël qui consiste à réprimer toute "manifestation de joie à l'intérieur du territoire israélien".
Les vidéos provenant de la zone de guerre et montrant des femmes et des enfants éprouvés (même 𝕏 un enfant de 4 ans, soit dit en passant !) libérés par des hommes de main israéliens lourdement armés, constituent un formidable coup de comm' auquel Bibi ne s'attendait pas. Les images vont bien au-delà du conflit territorial qui sévit depuis plus de sept décennies, et touchent de plein fouet les esprits épris de liberté, quel qu'en soit le prix. Et ce prix, les Palestiniens l'ont certainement payé intégralement. C'est Alon Mizrahi qui résume le mieux la situation dans un commentaire posté sur X :
"Ce qui est de plus en plus clair en ces moments uniques, c'est que le Hamas, un petit mouvement palestinien, a vaincu non seulement Israël, mais l'Occident tout entier. Il a gagné sur le champ de bataille, et dans l'opinion publique. Il a su faire un usage spectaculaire de sa maîtrise de la mentalité israélienne et a engagé tous les moyens dont il disposait avec une extrême efficacité.Il a gagné des cœurs à la cause palestinienne dans le monde entier.
Il n'a été ni détruit ni démantelé. Il n'a cédé à aucune pression. Il est resté opérationnel et redoutable, sur une minuscule bande de terre assiégée, et bombardée jusqu'à ce que mort s'ensuive.
L'histoire jugera les six derniers mois comme l'une des prouesses les plus géniales et inouïes de toute l'histoire militaire. Cela dépasse l'entendement.
En menant cette guerre ainsi, sans raisonner ni compatir, Israël a fait du Hamas une légende de la Résistance qui restera gravée dans la mémoire collective pendant des siècles.
Personne ne pensait qu'ils puissent y arriver. Mais ils l'ont fait. Et ils ont bouleversé l'histoire à jamais. La Palestine ne vivra plus jamais dans l'ombre. Le Hamas a gagné". 𝕏 Alon Mizrahi, juif arabe qui ne vit plus en Israël 𝕏 @alon_mizrahi
Une très belle déclaration. Bravo, Alon !