Encore raté. Plus de dix ans après son dépôt, la loi visant à sanctionner les ventes d'armes aux pays sous embargo reste bloquée dans les limbes de la navette parlementaire. Le 22 mai, des députés communistes et écologistes ont bien tenté de remettre le sujet sur la table à l'occasion du vote de la loi de programmation militaire. Leur amendement et leur interpellation sont retoquées : tant que le gouvernement ne décide pas d'inscrire le projet de loi sur la violation des embargos à l'ordre du jour, les députés sont paralysés. Et les entreprises d'armement peuvent continuer de livrer du matériel de guerre à des États sous embargo international, sans risque d'être inquiétées.
Des embargos, oui, mais pas de sanction pour les violations
Plusieurs États sont aujourd'hui visés par des embargos sur les ventes d'armes de la par de l'Onu (Iran, Libye, Somalie, Darfour) ou de l'Union européenne (Biélorussie, République centrafricaine, Egypte, Syrie, Soudan...). Aucun dispositif ne sanctionne pourtant les entreprises qui y contreviennent. C'était l'objectif de ce projet de loi déposé en 2006. Sans perspective de sanction, l'interdiction perd en efficacité. Dans les faits, de nombreux industriels français ont continué à livrer des armes, de l'Egypte à la Côte d'Ivoire, en pleine répression ou guerre civile, et en violation de décisions des Nations Unies ou de l'Union européenne (voir notre article : La France continue de vendre des armes à des pays sous embargo international)
Un business juteux, pour un secteur de la défense dont la moitié du chiffre d'affaire dépend des exportations. Il faut encore attendre 2016 et une campagne de pression des ONG pour obtenir le vote de la loi à l'Assemblée nationale. « Nous avons voulu profiter de la fin de mandature [de François Hollande, ndlr] pour se mobiliser et obtenir que le sujet soit remis à l'ordre du jour. Finalement, nous avons eu le feu vert de Laurent Fabius », raconte Tony Fortin, de l'Observatoire des armements, qui participe à la campagne aux cotés d'Amnesty France et de Survie.
Le contrôle des ventes d'armes remis aux calendes grecques...
Le projet de loi permet alors de poursuivre les trafiquants français - que le délit soit commis en France ou à l'étranger - et prévoit la création d'une commission parlementaire pour le suivi des régime d'embargo. Des avancées majeures dans un pays comme la France, troisième exportateur d'armes au monde et champion de l'opacité en la matière. C'en est trop pour le nouveau gouvernement, qui enterre doucement la mesure, en s'abstenant depuis d'inscrire l'adoption du texte à l'agenda du Sénat. Règle du jeu législatif oblige, la loi ne peut plus avancer.
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Avec les débats sur la loi de programmation militaire de cette semaine, quelques sénateurs ont bien tenté de remettre le sujet sur la table. Réponse de Florence Parly, ministre des armées : « Le projet de loi étant encore en cours de navette législative entre les deux assemblées, je crois qu'il faut laisser celle-ci aller jusqu'à son terme (...) Simplement, il faut un travail en concertation avec le ministère des affaires étrangères, le ministère de la justice et notre ministère (...) Nous retrouverons ce texte ultérieurement. » [1] Fin de non recevoir. Aucune indication sur ce qui signifie "ultérieurement" n'est donnée.
... pendant que les affaires continuent
Tony Fortin pointe « le lobbying des industriels » qui « ne veulent pas de cette législation. » Autre projet de loi en souffrance : celui sur le contrôle des intermédiaires dans les ventes d'armes, abandonné lui aussi depuis plus de dix ans après son dépôt. Pendant que les textes tentant de mieux contrôler le secteur de l'armement prennent la poussière au Parlement, les vendeurs d'armes affichent des affaires florissantes. Elles seront exposées du 11 au 15 juin au salon de l'armement Eurosatory à Paris. On y retrouvera des délégations chinoises, des officiels égyptiens, ou encore l'entreprise d'État russe Rosoboronexport, qui reconnait avoir continué à livrer des armes à la Syrie en guerre civile. Pourquoi se cacher ?
Anne-Sophie Simpere
Lire aussi : La France continue de vendre des armes à des pays sous embargo international
Notes