Un nouveau cadeau fait aux plus riches. Lundi 10 décembre, une heure avant la prise de parole d'Emmanuel Macron depuis l'Elysée, le Sénat a voté l'allègement de l'« exit tax » sur demande du gouvernement [1]. L'exit tax, instaurée par Nicolas Sarkozy en 2011, avait pour objectif de lutter contre l'exil fiscal : les plus fortunés qui partaient à l'étranger devaient attendre 15 ans avant de vendre leurs actions, sous peine de payer 30 % sur les plus-values qu'ils réalisaient à l'étranger. Avec cet allègement, ils devront patienter entre deux et cinq ans, trois fois moins longtemps, avant de pouvoir vendre leurs actions sans être taxés [2]. Cette mesure initiée par le gouvernement, a pu être votée grâce au soutien de la majorité sénatoriale de droite et du centre.
« Cet article (...) s'inscrit de fait dans la droite ligne de l'action du gouvernement, qui n'a de cesse de privilégier les plus riches au détriment de nos concitoyens les plus modestes », a réagi Claude Raynal, sénateur PS de la Haute-Garonne qui a demandé le retrait de cet article durant le débat [3]. « Je rappelle que, pour être redevables de cette taxe, les entrepreneurs concernés doivent détenir, en moyenne, plus de 800 000 euros en actions... »
Un allégement censé « redonner de l'attractivité fiscale à la France »
Pourquoi alléger cette taxe ? En mai dernier, Emmanuel Macron voulait tout simplement supprimer l'exit tax. Il l'avait annoncé dans le magazine américain Forbes, justifiant cette décision par la volonté de créer un environnement plus favorable pour les créateurs d'entreprise. Selon lui, cette taxe envoyait un « message négatif aux entrepreneurs, plus qu'aux investisseurs, car il signifie qu'au-delà d'un certain seuil, vous êtes pénalisé si vous quittez la France ».
Face à la polémique suscitée par l'annonce de cette suppression, le gouvernement a finalement proposé un allègement de cette taxe dans le cadre du projet de loi de Finances 2019. « Nous menons une politique d'attractivité, notamment, pour faire venir dans notre pays, après le Brexit, des activités financières qui, certes, sont décriées, mais qui créent de la richesse », a défendu Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État au ministère de l'Économie, lors des débats au Sénat. « On veut attirer les investisseurs, mais où sera la limite ?, a répliqué Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord. Veut-on 0 % de taxation ? Est-ce cela, la limite, ou bien faudra-t-il une taxation négative ? Faudra-t-il bientôt leur donner de l'argent pour qu'ils viennent investir chez nous ? »
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29 %
Moins de moyens contre la fraude fiscale
Le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier (Les Républicains), a pour sa part fait valoir la faible efficacité du dispositif : entre 194 et 437 déclarations d'exit tax auraient été faites entre 2011 et 2015. D'après Bercy, ses recettes atteignent à peine 100 millions d'euros depuis 2011. Le Conseil des prélèvements obligatoires, instance rattachée à la Cour des comptes, a lui évalué le rendement de cet impôt à 803 millions d'euros en 2016 et 745 millions d'euros en 2015. Comment expliquer la différence entre les deux chiffres ? Dans le premier cas, il s'agit des recettes qui rentrent effectivement dans les caisses de l'État. Dans le second, c'est une estimation de l'impôt qui serait théoriquement dû.
« Vous ne pouvez donc pas nous faire croire que vous êtes les champions de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale », a dénoncé Sophie Taillé-Polian, sénatrice socialiste du Val-de-Marne, s'adressant à Agnès Pannier-Runacher. « Les baisses d'effectifs annoncées pour la direction générale des finances publiques (DGFiP), notamment au sein du personnel affecté au contrôle fiscal, [vont] aggraver la diminution du taux des contrôles fiscaux par rapport au nombre d'entreprises. » Près de 38 000 suppressions de postes sont dénombrées à la DGFiP, dont l'une des missions est de lutter contre la fraude fiscale, depuis 2002, rappelle Solidaires Finances Publiques. 2130 nouvelles suppressions de postes sont prévues pour 2019, soit autant de personnel en moins pour véritablement lutter contre la fraude fiscale.
Notes
[1] Article 51 du projet de loi de finances 2019
[2] Le délai de cinq ans est proposé pour les patrimoines de plus de 2,57 millions.